Algérie

Un redressement, s'il vous plaît !



Le FLN mène son mouvement de redressement saisonnier. Il faut s'y résoudre : c'est tout ce que peut présenter l'Algérie comme vie politique.

Guerre au FLN, interviewes remarqués d'anciens premiers ministres, fébrilité au RND, attaques au vitriol contre le chef de l'état et le gouvernement, phrases pleines de sous-entendus du chef du RCD Saïd Saadi : la scène politique algérienne s'est brusquement embrasée à la mi-octobre, annonçant la tempête d'automne après la longue et pénible somnolence de l'été.

 Ce bouillonnement politique s'accompagne d'une brusque montée de la fièvre sociale, avec la traditionnelle grève à El-Hadjar, les multiples débrayages dans les entreprises, les routes « coupées » par des citoyens mécontents et les menaces d'un embrasement du fameux front social.

 Pour compléter le tableau, un parti politique, le FNA de Moussa Touati, connait une saignée sans précédent, avec la désertion massive de dizaines d'élus qui quittent la maison avec pertes et fracas pour rallier d'autres formations. Enfin, cerise sur le gâteau, le FLN connait son mouvement de redressement saisonnier. Et même si on enregistre encore une fois la montée au créneau de ceux qu'il est convenu d'appeler les ténors, comme Salah Goudjil et Abderrezak Bouhara, qui tentent désespérément de donner un contenu politique à ce qui se passe, le FLN n'en continue pas moins d'inventer de nouvelles formes de militantisme, basées d'abord sur la force brutale, moyen privilégié du débat politique. Des membres de la direction affirment que des armes blanches ont été utilisées, des militants blessés et des pistolets brandis au cours de réunions et d'assemblées générales. Face à cette intense activité, le gouvernement semble plus que jamais décidé à ne rien faire. Il garde le silence, non parce qu'il maitrise la situation, mais parce qu'il se cramponne à son attitude favorite : ne rien faire, ne prendre aucune initiative qui risquerait de faire bouger les lignes. En cela, il montre aussi peu d'imagination qu'il y a cinq ou dix ans. Et là encore, en dehors de la force brutale qui consiste à envoyer les forces antiémeutes empêcher les manifestations ou les mâter, l'exécutif ne semble pas avoir découvert d'autres méthodes de gestion. Quant au président Abdelaziz Bouteflika, le côté visible de son activité se limite à peu de chose, dans un pays qui a pourtant besoin d'initiatives fortes et nombreuses, et d'une présence efficace de l'Etat et de ses représentants. A part les énigmatiques auditions des membres du gouvernement pendant le Ramadhan et des rencontres diplomatiques réduites à un aspect plutôt protocolaire, le chef de l'état n'a pas été particulièrement visible ces six derniers mois. Tout ceci offre un tableau qui intrigue les chancelleries, agite fortement les cercles politiques, et nourrit abondamment la spéculation. Les spécialistes ressortent alors les analyses les plus élaborées pour expliquer cette effervescence. Ce n'est qu'un nouvel épisode de la lutte de clans, disent les uns, pour qui ce raccourci peut tout expliquer. D'autres vont plus loin et parlent d'une atmosphère de fin de règne. Le pays se prépare à la succession de M. Abdelaziz Bouteflika, et chacun fourbit ses armes, disent-ils. C'est dans cet esprit que les uns se battent pour le contrôle des appareils politiques et de l'administration, ce qui expliquerait le nouveau code communal et le mouvement de redressement au sein du FLN, par exemple. Autre pratique très fréquente en Algérie : séduire les fameux décideurs, en espérant être sur leur liste le moment venu. C'est un sport auquel se livrent avec beaucoup de talent nombre de personnalités en vue. Comme on le voit, les analyses fleurissent, la vie politique s'anime, les belles phrases se multiplient, tout comme les coups tordus. Pour quelle finalité ? Pour donner l'impression qu'il existe une vie politique dans un pays où l'activité politique est bannie. Pour se donner l'illusion que le pays est plein d'initiatives, qu'il bouge à grande vitesse, que les partis ont une très grande vitalité, alors que tout montre une incroyable apathie. Sous cette apparence de bouillonnement, il y a en effet une autre réalité de l'Algérie. Le pays est amorphe, sans âme, sans vie ni projet. C'est tellement plat que cela devient inquiétant. Alors, pour redonner un semblant de vie politique et mettre fin à cette impression de vide, rien ne vaut un bon mouvement de redressement au FLN. C'est efficace, amusant et ça peut faire illusion. Que d'efforts pour créer l'illusion d'une vie politique, et que d'efforts pour empêcher l'émergence d'une vraie vie politique.








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