Non pas qu’elles soient contre «dans l’absolu», mais cette disposition équivaut, selon elles, à «mettre la charrue avant les bœufs», ce qui ne changera rien au paysage politique actuel. «Cette mesure n’a aucun sens tant que les droits des citoyens ne sont pas respectés, tant que la femme n’est pas considérée comme partie intégrante de la vie publique, comme individu à part entière. Quelle valeur peut avoir cette ‘reconnaissance’ et cette ‘promotion’ sans l’abrogation du code de la famille, qui maintient la femme dans une infériorité infamante», s’indigne Fadhéla Chitour, féministe, membre du Réseau Wassila qui œuvre à la défense des droits de la femme. «Ce dont les femmes ont urgemment besoin, aujourd’hui, ce sont, en premier lieu, des législations claires qui intronisent l’égalité entre hommes et femmes au quotidien, dans la sphère privée ou dans la sphère publique, en politique ou encore en économie», explique Chérifa Kheddar, présidente de l’association Djazaïriouna. Selon elle, l’introduction de ces quotas ne représente en rien une avancée quelconque pour la condition féminine. «L’on aura beau être députée, maire, wali, ministre et même présidente, l’on sera toujours considérée comme mineure. Tant que le code de la famille n’est pas abrogé, qu’il n’est pas remplacé par un code civil et égalitaire», dénonce-t-elle.
Des textes, mais pas d’application…
Et le code de la famille n’est pas l’unique entrave à une pleine jouissance par la gent féminine de ses droits. «L’égalité doit être obligatoirement instaurée pas seulement dans les textes, mais dans la pratique et l’application», ajoute Mme Kheddar. Car de nombreuses mesures prises en faveur des femmes, annoncées comme révolutionnaires, ne sont pas appliquées. C’est le cas notamment de l’octroi de la nationalité algérienne systématique d’une Algérienne à ses enfants. «Aujourd’hui, des difficultés sont encore faites à des femmes dont les enfants sont de père étranger. Il y a de nombreux exemples similaires où l’on constate un retour à la case départ en termes de droits», poursuit-elle. Alors, se «chamailler» sur le pourcentage d’élues qui siègeront dans les assemblées n’est pas tout à fait un débat qui fera avancer la cause féminine. «Le nombre, important ou symbolique, de députées ou de ministres en politique, n’est pas ce qui réglera les discriminations vécues au quotidien par les femmes», estime Mme Kheddar. Pourtant, certaines femmes sont pour l’instauration de ces quotas. «Réduire ce quota à 20% serait ignorer le rôle de la femme dans la législation et sa réelle présence et représentativité dans la société», plaident, dans une lettre ouverte, des politiciennes, dont Mme Benhabilès. «De telles positions en défaveur de l’accès des femmes à la vie politique desservent les intérêts de l’Algérie sur les plans international et national où la femme jouit de la crédibilité et de la confiance du peuple», ajoutent-elles dans ce document. Loin de toute orientation idéologique ou partisane, cet appel découle d’«une volonté de participer activement au succès des réformes démocratiques lancées en Algérie», affirment les signataires du document.
Un état de droit avant tout !
Ce qui n’est pas tout à fait l’avis des militantes féministes. L’introduction de tels quotas nécessite des conditions préalables. L’instauration réelle d’un Etat de droit, d’une démocratie. Comment peut-on promouvoir les femmes et les «imposer» sur la scène politique lorsque leurs droits au quotidien ne sont pas respectés, lorsque la société tend à les étouffer ' «Il faudrait d’abord s’occuper de respecter les droits élémentaires des citoyens et des femmes, ensuite penser à ce qui est purement ‘esthétique’, en l’état actuel des choses», affirme Mme Chitour. Mais plus encore, l’on estime que cette proposition de loi est dangereuse. «Cela est à même de décrédibiliser ces femmes qui, au final, se verront rétorquer sans cesse qu’elles ne doivent pas leur place à leurs compétences, mais à l’obligation faite de leur présence», prévient-elle. Il y a un réel risque qu’elles ne soient que des «potiches». «Le système fonctionne dictatorialement. Elles ne feront que lever le bras, comme les hommes, cautionner des politiques parce qu’elles le doivent.
Tous les espaces sont verrouillés, tout est fermé», explique-t-elle. Il faudrait ainsi des conditions qui favorisent l’émergence d’une élite politique et citoyenne, mais pas seulement féminine. Dès lors, à l’instar de leurs alter ego hommes, ces femmes ne verront en ces mandats qu’un gagne-pain comme un autre. «Comme pour les hommes, ces postes n’attireront certainement et en grande partie que des opportunistes, des khobzistes qui œuvreront pour leurs intérêts personnels. Et ce n’est pas ce type de femmes qui amélioreront la vie des Algériens, tout comme les assemblées élues précédentes ne l’ont pas fait», dénonce Mme Chitour. «Il y a d’ores et déjà des femmes députées, sénateurs et même ministres. Ont-elle changé ou fait quelque chose pour la condition de la femme en Algérie '», ajoute pour sa part Mme Kheddar. Cette dernière assure pourtant que les féministes ne sont pas contre dans l’absolu.
Seulement, elles estiment qu’il y a plus important, plus urgent. Ces 30% ne sont pas leur «cheval de bataille» tout simplement parce que ce n’est, pour le moment, pas le plus indispensable pour faire que les discriminations, les injustices, les violences contre les femmes cessent et qu’elles puissent trouver une vraie place au sein de la société. «Ce débat est inapproprié au vu de la situation vécue par la gent féminine et n’a aucun sens dans la conjoncture politique du pays. Ce débat intervient en avance et en retard !», conclut Mme Chitour. Une décision pour la consommation extérieure, en somme, qui ne servira aucunement la femme lambda dans sa vie quotidienne...
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Posté Le : 17/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Lassal
Source : www.elwatan.com