Le mot est l’élément central, capital de la poésie de Tahar Djaout. Ses mots en tirade sont patiemment, diligemment colligés. On dirait des matériaux amenés à pied d’œuvre pour bâtir sa «maison de rêve». Ils sont consciencieusement juxtaposés et sériés. Les mots, pour lui, sont des êtres. Ses poèmes sont idéographiques comme le «tifinagh», l’alphabet des Amazighs. Un signe pour une idée. Un mot pour un monde. La ligature, la syntaxe sont inutiles. La construction tient par sa masse. Pour sa génération, celle des années soixante-dix, il a libéré l’image et le vers. Il chantait pour persuader et pour entraîner. Il voulait tout donner à la poésie. Mais il a annexé au poème le monde moderne. Ce monde qu’il voulait «rêve algérien», rêve de tous les Algériens.
En effet, Tahar Djaout considérait la poésie comme la chose non d’un seul, mais de tous. Tahar Djaout ne s’adresse pas aux facultés contemplatives. Il est dynamique, il exhorte, il éperonne, il exalte. Il invite impérieusement à l’acte et au mouvement. Tahar Djaout ne se lit pas. Il se crie, il se déclame. La rime de ses vers n’est pas écrite, mais elle est suggérée par l’écho des bruits et des mouvements élémentaires, la houle, le flux et le reflux, la cadence de l’aviron et de la voile, le vent dans la forêt, l’orage, le régiment ou le cortège qui passent. Son poème frémit dans la main. Ce n’est pas un poème, c’est un homme. Le chant des oiseaux, le brin d’herbe symbolique font partie de l’univers du poète.
Son poème est moulé sur sa vie. Avec lui il a été conçu, il est né et il a grandi. De branchage en branchage, l’embryon était devenu un vaste organisme, un vrai «monde». Mais au fond, Tahar Djaout est un idéaliste. Par exemple, il célèbre le corps électrique, mais le point de départ de son sensualisme est mystique. Il est basé sur l’axiome de l’égalité de l’âme et du corps. Même dans sa nudité, l’homme est chaste, chaste comme l’antique. Enorme soit ! Mais souvent combien délicat dans ses hymnes du sommeil, de la mort et de l’immortalité dans ses nocturnes et ses berceuses. Le libre vers, souvent utilisé par le poète, est le moule exact de sa pensée. Il est comme elle une germination, une évolution instinctive.
Si l’espace est trop court devant ses aspirations sans limite, Tahar Djaout ne se gênera pas pour faire sauter les frontières. Sauter les frontières ' C’est en partie à cause de cela que Tahar Djaout «s’est mis à écrire des romans». Il voulait que «son monde» soit plus vaste. Hélas, les ennemis de cette pensée aussi «vaste» que l’univers ont mis fin à son projet. Cependant son rêve continue …
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Posté Le : 28/09/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Djilali Khellas
Source : www.elwatan.com