Algérie

Un Prix africain à Alger



Un Prix africain à Alger
L'automne est la période propice aux attributions de prix littéraires dans le monde, en Suède, en France, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. En Algérie, les jurys de prix littéraires ont été jusqu'à ces dernières années quasiment inexistants ou éphémères.Aujourd'hui, il faut bien l'admettre, le phénomène est balbutiant, même si la création cette année, à la faveur du 20e Salon international du livre d'Alger, du Prix du roman Assia Djebar, laisse espérer une future prise en charge de ce volet important de la vie culturelle en Algérie. Ainsi, une réflexion collective sur la question des prix littéraires mérite d'avoir lieu au sein des professions du livre, des mécènes et des services publics.Comprendre l'importance des prix littéraires tout en soulignant leur portée symbolique devient essentiel à la création fictionnelle dans le monde d'aujourd'hui. Tout lauréat d'un prix ainsi que sa maison d'édition ne peuvent qu'être flattés par le geste et la symbolique de reconnaissance d'un prix. Force est de constater que les prix décernés en littérature attirent l'attention et suscitent la convoitise. Une des explications est que la littérature est une discipline particulière, intime et sociale à la fois.En effet, la société accorde une certaine importance à un tel phénomène, dans la mesure où le texte littéraire a un rôle crucial à jouer dans la cité. La littérature permet de proposer d'autres visions du monde, des interprétations renouvelées de la société, des pistes de réflexion. En créant des personnages qui émanent de la société décrite et qui la remettent en cause, le roman donne la possibilité au lecteur de réfléchir sur sa société et peut contribuer à l'avènement d'un monde meilleur et tolérant.La littérature part de constats descriptifs d'une communauté donnée, d'une catégorie sociale, d'un groupe familial ou amical, voire d'un cercle restreint, pour permettre le possible et l'impossible, atteindre un idéal et provoquer le rêve qui est essentiel à la vie. Ainsi, le texte de fiction n'étant ni un pamphlet ni un essai politique, il est de fait dans l'ambiguïté, d'où sa force. Il n'apporte pas de solutions mais pose des questions en utilisant les mythes anciens et en créant de nouveaux.Au-delà de ses biens matériels, une nation devient digne d'intérêt grâce à ses écrivains, ses romanciers, ses poètes, ses dramaturges. Il est certain qu'une nation qui ne crée pas sa propre littérature, qui ne la génère pas, ne l'enrichit pas et ne la valorise pas est une nation malade ou en déclin. Toutefois, il ne faut pas oublier que l'écriture est un acte individuel, solitaire. La création ne se décrète pas et c'est le romancier qui est face à son imaginaire, sa conscience, ses connaissances de la vie et de la mort. Sa force est dans son désir de communiquer avec l'autre et de raconter des histoires, de transmettre des émotions.Une fois publié, le texte ne lui appartient plus. L'ouvrage devient public et c'est là où la nation a un rôle à jouer, notamment à travers les prix prestigieux qu'elle crée et qui prennent le relais pour promouvoir les œuvres et encourager les écrivains. La responsabilité est alors lourde. Des prix comme le Booker Prize de Londres ou le Goncourt de Paris ou encore le prix Nobel de littérature de Stockholm assument ce type de responsabilité.Depuis l'indépendance, l'Algérie n'a pas réussi à créer un prix digne de ce nom, alors que la littérature algérienne est la plus foisonnante en Afrique, et au Maghreb en particulier. Il y a eu des velléités de prix, comme celui de la Ville d'Alger qui n'a duré que quelques années. D'autres furent annoncés en grande pompe, mais se sont vite essoufflés ; on ne peut pas tous les citer.De ce point de vue, le prix du Salon du livre d'Alger est en théorie une excellente initiative, que certains ont pu considérer comme une récupération politique. En tant que spécialiste en littératures africaines, je plaide pour la création d'un Prix de littérature africaine, couvrant l'ensemble du continent. Notre relation avec les pays subsahariens est diverse et solide, basée sur une histoire coloniale commune. Au plan culturel, cette relation s'est matérialisée par les deux festivals panafricains d'Alger, en 1969 et en 2009.Etablir un tel Prix littéraire africain à partir de l'Algérie et en associant des compétences africaines en la matière permettrait d'encourager de jeunes écrivains africains et de récompenser des romanciers qui ont une longue carrière littéraire. Il serait judicieux que nous lancions ce «Prix de la littérature africaine» qui serait attribué chaque année pendant le SILA. Faut-il rappeler que les prix ont une grande valeur de symbole et celui-ci serait une excellente opportunité pour le continent africain et pour le rayonnement de l'Algérie dans le continent ' Un tel prix permettrait de multiplier les ventes et de susciter des rééditions et des traductions.La renommée d'un prix se construit dans la durée et, plus tôt ce Prix de littérature africaine sera lancé et mieux ce sera. De plus, une telle initiative ancrerait le Salon du livre d'Alger dans la dimension continentale qu'il a déjà commencée à forger en invitant chaque année des auteurs et des éditeurs africains dans le cadre de l'espace Esprit Panaf. C'est ainsi qu'un salon du livre peut se positionner et devenir une référence dans un monde du livre si compétitif, tant au plan littéraire que commercial.




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