Le chaotique processus de transition en Egypte a théoriquement réussi, hier, l'une de ses étapes les plus ardues, avec l'élection d'un président de la République. Théoriquement seulement. Car dans les faits, le chantier reste pratiquement entier, voire s'est alourdi de nouveaux contentieux au moment où la rue égyptienne, hier soudée autour de la revendication unanime de voir partir Hosni Moubarak et son régime, ne sait plus s'accorder sur un mot d'ordre pour pouvoir influer sur les événements.
L'élection de Mohamed Morsy, événement historique s'il en est ' ne serait-ce que parce qu'il est le premier islamiste assumé et déclaré à être élu à la fonction suprême dans le Monde arabe ' est surtout une victoire pour la confrérie qui voit là aboutir un combat vieux de plus de 80 ans. En la circonstance, c'est l'Egypte des Frères musulmans, la plus disciplinée et la plus organisée, qui a mis toute ses forces dans la bataille contre ce général en retraite, dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, que le Conseil suprême des forces armées (CSFA) aurait sans doute préféré voir accéder à la fonction de raïs. Mais les militaires égyptiens, qui depuis une année et demie concentrent sur eux les critiques à l'intérieur et à l'extérieur du pays, ne peuvent pas tout se permettre.
Difficile en effet de faire passer la pilule d'un «coup d'Etat bis», après la dissolution du Parlement il y a à peine une dizaine de jours, même si l'éventualité a plané sur la présidentielle avec, notamment, l'attitude confiante du candidat Ahmed Chafik et le temps pris par la commission électorale à annoncer les résultats.
La place Tahrir a, certes, pavoisé hier, mais l'autre Egypte (près de la moitié des 50 millions d'électeurs), qui a préféré s'abstenir plutôt que de choisir entre la peste et le choléra, reste silencieuse et se sent de plus en plus dépossédée de la révolution au profit de protagonistes trop hégémoniques, et parfois liés par des complicités au secret bien gardé. L'incertitude demeure donc quant à l'avenir du c'ur du Monde arabe, où des enjeux à enchâssements ont jusqu'ici déjoué tous les pronostics.
Dans l'immédiat, le CSFA promet de remettre le pouvoir avant la fin du mois au président élu. Un pouvoir expurgé des instruments de son exercice. Car en l'absence du Parlement et d'une ébauche de la Constitution, le nouveau président devra s'inventer des missions et surtout se donner les moyens de les assumer. Or, ni le profil émoussé de l'homme ni les us politiques, plutôt entristes, de la confrérie qui l'a adoubé ne créditent un tel scénario. Le maréchal Tantaoui et ses pairs gardent quant à eux la haute main sur le pouvoir législatif, tout compte fait le plus décisif pour l'avenir, et la tutelle régalienne de régenter la sécurité, selon une combinaison dont l'arbitraire le dispute à l'ambiguïté.
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Posté Le : 25/06/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mourad Slimani
Source : www.elwatan.com