Algérie

Un prêcheur égyptien relance les craintes des «modernistes»


Arrivé samedi en Tunisie, l'Egyptien Wajdi Ghoneim, prêcheur réputé pour ses positions extrémistes, a prêché dans plusieurs mosquées, notamment à  Sousse et Mehdia (sud-est), et a été ovationné dimanche par plusieurs milliers de personnes lors d'une conférence dans un grand centre sportif à  Tunis. Le prédicateur, qui figure depuis 2009 sur une liste de personnes interdites d'entrée en Grande-Bretagne pour «apologie de la violence terroriste», est venu en Tunisie à  l'invitation d'obscures associations islamistes nées après la révolution. Au cours de ses prêches ou lors d'interviews ces derniers jours, il a appelé à  l'application de la charia en Tunisie, a fustigé «les laïcs et les libéraux», les «apostats» et qualifié l'excision des femmes «d'opération esthétique». Sa visite, qui pourrait durer jusqu'à vendredi, fait suite à  celles d'autres prêcheurs radicaux, notamment saoudiens, selon le journal Courrier de l'Atlas. Parmi l'une des premières à  réagir, Emna Mnif, ancienne responsable du parti libéral Afek Tounes, aujourd'hui à  la tête d'un mouvement citoyen, a dénoncé hier «la succession de passages en Tunisie de ceux qui prétendent àªtre des savants en religion mais sont les tenants d'un islam obscurantiste et wahhabite». Son mouvement a enjoint, par courrier d'huissier, les autorités tunisiennes à  empêcher le cycle de conférences de
M. Ghoneim, accusé notamment d'«incitation à  la haine et à  la violence» et d'«ingérence dans les affaires tunisiennes».
Des avocats tunisiens ont de leur côté déposé plainte pour dénoncer «l'utilisation des mosquées à  des fins politiques» suite aux prêches de M. Ghoneim. «Il y a une atteinte à  la souveraineté de la Tunisie ; il n'y a pas de raison d'utiliser les mosquées pour diffuser un discours de haine et de dissension», a indiqué l'une des plaignantes, l'avocate Bochra Belhaj Hmida.
  Le gouvernement accusé d'inertie
Quelques responsables politiques tunisiens, dont le porte-parole d'Ettakatol, parti de gauche allié aux islamistes d'Ennahda, se sont aussi émus de la visite du prêcheur et ont appelé les autorités à  prendre position. Le gouvernement, dominé par les islamistes d'Ennahda, est régulièrement accusé d'inertie, voire de complaisance vis-à-vis des extrémistes religieux, notamment les salafistes tunisiens, de plus en plus présents dans l'espace public. Dans une déclaration sur la radio Shems FM, le porte-parole du ministère des Affaires religieuses, Ali Lafi, a indiqué que les déclarations de Wajdi Ghoneim étaient «étudiées» par ses services. «Il faut respecter la révolution tunisienne et nos spécificités et personne ne peut porter atteinte aux acquis de la Tunisie», a-t-il dit. Toujours sur Shems FM, le grand mufti de la République, Othman Battikh, a lancé pour sa part aux prédicateurs radicaux : «La Tunisie est islamique depuis plus de 14 siècles et on n'a pas besoin d'eux.» Mais pour le chercheur Slah Jourchi, de la mouvance islamiste de gauche, la propagation d'un islam radical en Tunisie, pays traditionnellement modéré, n'est pas à  sous-estimer. «Ben Ali avait vidé la vie religieuse en persécutant les islamistes. Les Tunisiens qui cherchaient une vie spirituelle l'ont trouvée par le biais des télévisions satellitaires sur lesquelles officient ces prédicateurs orientaux», déclare-t-il à  l'AFP. «Les autorités n'ont pas mesuré l'importance d'élaborer un discours religieux attaché à  la spécificité tunisienne, alors les gens vont chercher des idées ailleurs. S'il n'y a pas de réaction, il y aura un bouleversement du paysage religieux d'ici cinq à  six ans et une dislocation du discours modéré», prévient-il.
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