Algérie

« Un plan de redressement budgétaire sur trois ans pour résister à l'ajustement »



« Un plan de redressement budgétaire sur trois ans pour résister à l'ajustement »
Abdelghani Bessaha, expert en économie, décortique la situation économique de l'Algérie et propose une série de mesures permettant de dépasser la crise économique.L'Algérie est en phase de gestion d'une crise économique qui s'annonce rude. Quels sont les indicateurs sur le marché international 'Pour le marché pétrolier, il n'y aura pas de renversement de la tendance à la baisse qui va se poursuivre pendant un ou deux ans. Deux raisons sont à l'origine de cette situation, la faiblesse de la demande au niveau du pôle asiatique avec la Chine où la croissance va baisser. Le seul point de croissance existant actuellement est au niveau de l'Amérique. Il y a une remontée de l'offre notamment avec le retour des investissements sur le gaz de schiste en dépit de la stratégie de l'Arabie saoudite à vouloir maintenir ses parts de marché. Les Saoudiens sont convaincus qu'il faut maintenir la production actuelle pour éviter qu'il y ait une remontée des investissements dans l'exploitation de gaz de schiste bien que cette stratégie leur coûte énormément sur le plan financier. On ne sait pas, pour le moment, s'ils vont maintenir cette stratégie.Que doit faire l'Algérie 'A partir de ces données, l'Algérie doit se doter d'un plan de redressement budgétaire sur trois ans, le vendre à la population et l'exécuter de manière sereine. Il n'y a pas lieu de paniquer. Ce plan devrait trouver un équilibre entre une gestion rigoureuse et la favorisation de la croissance. En réalité, on n'a pas besoin de parler d'austérité, ni d'absence de croissance.La première mesure devrait porter sur le renforcement du recouvrement fiscal pour avoir le maximum de recettes sans toucher ni à l'assiette ni au taux. Donc assurer un meilleur rendement de l'administration fiscale et douanière. Le taux actuel de recouvrement est situé entre 30 et 40%. Il y a beaucoup de fraude fiscale. Il faut donc le remonter à 60% car il n'est pas possible de le faire grimper au-delà et d'un seul coup. Il faut avoir une élasticité de l'impôt par rapport au produit intérieur brut à hauteur de 0,6 ou 0,7%.L'Algérie a donc des marges de man?uvre à condition de fournir des efforts au niveau de l'administration fiscale en mettant en place des mesures de gestion, de contrôle et de sanction. Du côté des dépenses, je constate l'existence d'une meilleure rationalisation des choix. Il y a beaucoup de marges de man?uvre si on prend en charge, de manière sérieuse, le problème des subventions qui représentent 13% du PIB. Ce sont des sommes colossales estimées à 10 milliards de dollars qui sont dépensées annuellement. On peut accepter qu'il y ait une poursuite de subvention des produits alimentaires mais il n'y a aucune raison pour maintenir le soutien des produits énergétiques. Rien ne le justifie. Aujourd'hui, les prix sont très bas. Les consommateurs doivent savoir qu'il faut payer le prix réel des carburants. D'autant que l'impact de la circulation routière et de la pollution est désastreux. Il faut aussi rationaliser les investissements à travers une révision et une mise en concordance avec la progression et le rythme de l'exécution des projets. Il faut faire un état des lieux des exécutions et voir l'état de chaque projet et son taux d'avancement. Il y a lieu de donner la possibilité à ceux qui avancent de poursuivre cette cadence. Quant à ceux qui freinent, qui connaissent des problèmes, ou qui n'ont aucun impact sur l'économie, je crois que des décisions doivent être prises les concernant.Il est nécessaire aussi en cette conjoncture de stimuler la croissance pour créer des emplois. L'Algérie est coincée dans un taux de 3,5% depuis des années. Avec ce chiffre, on ne règle pas le chômage et on n'a pas la possibilité de répondre aux nouvelles demandes de poste de travail qui sont de l'ordre de 250.000 par an. L'Algérie a aussi une marge de man?uvre sur la politique monétaire, qui est un instrument complet de gestion de l'économie. Ce segment doit être utilisé comme levier de gestion macro-économique et comme levier d'ajustement en cette période où les prix du pétrole ont baissé. L'intervention des pouvoirs publics doit se faire sur le taux de change de manière à ce que la demande de devises soit en ligne avec l'offre et que le prix payé par le demandeur de la devise soit le même sur le marché. Là, il faut rappeler que le taux d'équilibre n'est pas celui du marché parallèle, c'est un taux situé entre le taux officiel et le taux du marché parallèle. Il faut se donner donc l'arme du taux de change pour pouvoir résister à l'ajustement. Il y a lieu aussi de réviser la gestion des importations.Autant on peut faire face à la crise par une meilleure gestion macro-économique, autant on doit aussi mettre en place des réformes structurelles sans avoir peur. Là, il y a lieu d'intervenir dans le système bancaire, l'environnement des affaires, l'investissement et autres.La polémique suscitée à l'APN sur l'article 71 est-elle légitime 'Le vote d'un budget est la prérogative du législatif mais sa gestion relève de l'exécutif. Le gouvernement doit avoir une certaine flexibilité dans l'allocation des grandes masses d'argent sinon il y a risque de blocage. Là, il s'agit d'un problème de gestion financière, du budget et non pas un problème de choix stratégique. Il ne devrait pas y avoir une polémique à ce sujet.Qu'en est-il de l'article 66 sur l'ouverture du capital des entreprises 'L'Algérie a besoin d'avoir une meilleure visibilité de sa politique économique au plan international. Elle a besoin de mobiliser l'épargne internationale et elle n'a pas intérêt, à l'instar de tous les autres pays, d'utiliser et de compter uniquement sur ses ressources intérieures pour investir, créer de l'emploi, payer des impôts et distribuer des revenus. De ce fait, l'Algérie doit attirer les investisseurs étrangers mais il faut donner un cadre équitable. La règle 51-49 est un élément de blocage. Au moment où l'Algérie a besoin d'investir et de mobiliser l'épargne internationale, ce genre d'obstacles doit être regardé avec beaucoup de sérénité pour prendre les mesures nécessaires.Les réserves de change fondent. Est-ce que les mesures prises dans la LF 2016 permettent à l'Algérie de passer à une économie de croissance 'C'est normal avec la chute des prix du pétrole. Le problème fondamental de l'Algérie n'est pas dans ses réserves de change mais dans sa capacité de créer une économie hors pétrole. Une loi de finances est un instrument, parmi tant d'autres, pour relancer la croissance. Le budget permet effectivement de relancer l'activité économique s'il est bien calibré au niveau des recettes et des dépenses. Mais ce n'est pas le seul instrument car il faut des mesures de renforcement de la croissance sur les plan sectoriel et structurel. Ces mesures macro-économique permettent d'entretenir la croissance et la relance.La banque d'Algérie a procédé à des dépréciations du dinar. Ces actions sont-elles justifiables dans cette conjoncture 'Le taux de change reflète la valeur d'une économie et d'un environnement économique. Lorsque le volume de l'offre baisse, il est parfaitement normal que les prix s'ajustent. Il est bon d'utiliser le taux de change pour procéder aux ajustements de l'économie comme on en a besoin aujourd'hui. La banque procède à des glissements pour refléter progressivement la valeur du dinar mais cela ne veut pas dire qu'il faille opérer des glissements brusques car il faut éviter qu'il y ait des chocs allant jusqu'à déstabiliser le marché de change. Il faut continuer à opérer des glissements en fonction des prix à l'international, du souci de compétitivité algérienne de manière à ce que le taux de change puisse refléter les forces du marché à l'intérieur. L'Algérie a pris des engagements pour l'ouverture des bureaux de change légaux afin de mettre fin au marché informel. Ça permet de le légaliser, de le fiscaliser et d'avoir un canal de transmission au niveau de la politique de change du pays.




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