Par Belkacem Lalaoui
«La conscience est la mémoire de la société assimilée par l'individu.»
(Léon Tolstoï)
«La conscience est la mémoire de la société assimilée par l'individu.» (Léon Tolstoï) La matière de cette contribution est la violence manifestée par une fraction de la jeunesse masculine dans les jeux de compétition sportive institutionnalisés, notamment les matches de football, et sur laquelle les décideurs de la politique du sport, et autre acteur du mouvement sportif, ne savent pas encore quel diagnostic porter. Anodine au premier abord, cette forme de violence sociale s'accroît d'année en année : elle est devenue une inquiétude nationale. Aveugle et persistante, étouffant sur son passage les qualités humaines telles que l'empathie et la moralité, elle est perçue par nombre de spécialistes comme un indice d'un profond malaise social dans la société. On assiste, en effet, à des comportements de violence physique et verbale qui dépassent le niveau toléré dans la vie réelle, et qu'il faut absolument combattre, parce que les jeux de compétition sportive, en tant que moyen de culture, sont considérés comme un mode d'expression inégalée, voire un véritable terrain éducatif pour nourrir et resserrer le lien social par le bas, renouveler en profondeur les représentations et les mentalités à l'égard du corps et moderniser la société dans son ensemble. Phénomènes éminemment sociaux, ils constituent dans leur pluralité d'expression des constantes de culture, dont les formes peuvent varier d'une aire culturelle à une autre. Dans toutes les sociétés, les jeux de compétition sportive prennent une grande place parmi les activités éducatives, qui participent à l'insertion des jeunes dans la vie sociale. Facteurs de brassage social et d'identification communautaire, ils favorisent la tolérance à autrui fondée sur le principe du respect mutuel et instaurent une esthétique du «vivre-ensemble». Ce sont de réelles pratiques «culturelles» d'échange et d'interaction, qui participent activement au «redressement physique et moral de la nation».
Les jeux de compétition sportive expriment pour une grande part l'esprit d'une culture
Par les dispositions psychologiques qu'ils traduisent et développent, les jeux de compétition sportive peuvent constituer d'importants facteurs de culture. Déjà dans la Grèce antique, on réunissait les Cités- Etats autour de compétitions pour apprécier leur excellence et leur grandeur dans de nombreux registres : chant, poésie, théâtre, jeux athlétiques, etc. Olympie, où s'est édifié l'esprit authentiquement grec, fut une ville d'athlétisme et d'art qui rayonna en regard du développement des jeux olympiques, qui s'y déroulèrent pendant plusieurs siècles. Dans les Cités hellénistiques, les jeux athlétiques constituaient l'élément prépondérant, du moins caractéristique, de la formation du jeune grec. Ils contribuaient à former un corps superbement développé, spécialisé et beau. L'usine olympique de la Grèce antique fut le gymnase (l'école). Platon avait, à son actif, des victoires dans plusieurs jeux athlétiques. La civilisation islamique, qui a été en contact avec des pans entiers de la culture grecque et dont l'instinct agonistique (le désir de rivaliser) est très développé, accordait une importance capitale aux jeux athlétiques d'espèces différentes. Fondés sur la compétition et la performance, ces derniers étaient acceptés, reconnus et valorisés par la société tout entière. On encourageait leur apprentissage pour obliger l'homme à devenir actif au sein de la communauté. C'était une forme de contribution au bon fonctionnement de la Cité : un élément constitutif de la citoyenneté et du patriotisme. Dans son modèle d'existence, la civilisation islamique exaltait la formation d'un «corps parfait» à tous points de vue : plein d'agilité, de force, de vigueur, d'élégance et de prestance. Elle veillait, scrupuleusement, à ce que les jeunes puissent exprimer leurs talents à travers des prestations corporelles ; en apprenant notamment à tirer à l'arc, à lancer le javelot, à nager, à monter à cheval, etc. Bien avant le coubertinisme, la civilisation islamique considérait les jeux athlétiques comme une forme d'éducation destinée à donner au corps une meilleure tenue, à développer le courage et le dépassement de soi. Dans l'Angleterre victorienne, ce sont les jeux de compétition sportive introduits par Thomas Arnold dans les Public Schools (dans les internats), dès le jeune âge et prolongés jusqu'à l'adolescence, qui ont participé à lutter contre l'indiscipline et la violence «spontanée» des jeunes collégiens. Ce vaste projet éducatif (un processus d'éducation optant pour le «selfgovernment » avec la compétition comme objet, et un «code moral» dirigé moins par les maîtres que par les élèves euxmêmes) a servi à initier les jeunes collégiens à l'apprentissage pratique de la règle sportive, à des codes de sociabilité très élaborés, et à des vertus sportives telles que le self-control et le fair-play. C'est un projet éducatif qui a contribué notamment à optimiser une dynamique sociale du respect au sein de la société britannique.
Les jeux de compétition sportive ont déserté l'institution culturelle : l'école
Malgré les efforts de plusieurs gouvernements pour reconsidérer la place et le rôle de l'éducation sportive à l'école, force est de constater que les jeux de compétition sportive ont largement déserté cette institution d'éducation. Les responsables politiques en place ne les considèrent pas comme un volet pédagogique important, dans les programmes d'éducation et de santé de la jeunesse. Certains d'entre eux considèrent même que le goût pour le sport, au sein de cette institution, est la marque d'une inculture. Si bien qu'aujourd'hui notre système éducatif ignore le véritable rôle pédagogique du jeu sportif de compétition, dans la vie émotionnelle de l'enfant, la formation de son caractère et le développement de sa personnalité. Fonctionnant avec de nombreux freins psychiques, inhérents à notre culture ou simplement importés, il participe à fabriquer un «corps fermé et agressif» à l'égard des autres. Plein d'interdits, de préjugés et de peurs envers le «corps» en mouvement ; c'est un système éducatif qui empêche les forces et les désirs qui bouillonnent dans l'organisme de l'enfant de se déployer. Détournés, essentiellement, à des fins de propagande et de politique, les jeux de compétition sportive apparaissent, aujourd'hui, comme des activités humaines «défigurées», à qui on a enlevé toute espèce de signification. Affectés de manière chronique par la tricherie, la corruption, le dopage et la violence ; ils se sont transformés en de «petits mondes truqués», que la population dans sa grande majorité regarde sans trop y croire. Bientôt, les jeux de compétition sportive institués ne vont réunir que les «pervers» de la Cité. Au lieu d'enrayer la violence et la tenir en échec, ils ne font que l'attiser. De nombreux travaux menés à l'étranger, autour du thème «violence dans le sport», considèrent que le niveau de violence contenu dans les jeux de compétition sportive institués renvoie aux formes spécifiques, dont ces derniers sont organisés et gérés. La thèse centrale véhiculée par ces travaux postule que lorsque certains facteurs constitutifs des jeux de compétition sportive sont insuffisamment maîtrisés, on observe une augmentation de la violence dans les compétitions. Parmi les facteurs susceptibles de déclencher ou d'amplifier cette violence, on retrouve les «institutions» qui les organisent ; les «installations sportives» qui les accueillent ; et le type de «formation sportif» dispensé. Selon les résultats de ces travaux, il n'est peut-être pas exagéré de dire que la violence observée dans les jeux de compétition sportive, en Algérie, ne fait que révéler au grand jour le dysfonctionnement de tous ces dispositifs institutionnels. On considère, en effet, que les conditions, actions, règles, valeurs, systèmes de représentations et émotions, qui tendent à structurer cet univers des jeux de compétition sportive, ne valent finalement que par la médiation d'acteurs capables de les interpréter convenablement pour en faire une «organisation sportive», neutre et pacifique, qui fonctionne efficacement dans ses diverses dimensions : sociale, culturelle, morale et esthétique.
Les «institutions» qui organisent et gèrent les jeux de compétition sportive sont fortement déréglées
Avec le mouvement sportif moderne, une «contre-société» du sport-spectacle porteuse du schéma des valeurs fondamentales de l'Occident a pris forme. Cette «contre-société» du sport-spectacle est considérée comme une sorte de Vatican du sport mondial, qui fonctionne avec sa propre organisation, ses compétitions, ses règles, ses valeurs, ses écoles, ses académies, son idéologie, sa politique, sa presse, son tribunal des sports pour punir les traîtres, etc. En tant que modèle idéal social dans la possible construction d'une société démocratique, c'est une «contresociété » du sport-spectacle, dit-on, orientée vers une nouvelle transformation morale de l'humanité au moyen du sport. Constituée par des «institutions sportives» officielles et puissantes (Comité international olympique, comités nationaux olympiques, fédérations internationales, fédérations nationales, clubs, associations, confédérations, etc.), cette organisation transnationale de la branche du sport-spectacle se veut détentrice d'une morale universelle, autrement dit, d'une éthique sportive bâtie sur des valeurs consensuelles, telles que l'affrontement réglé et le respect de la règle. C'est une «contre-société» censée gérer les jeux de compétition sportive sous la forme du spectacle sportif, ayant pour mission proclamée d'établir une purge des spectateurs de leurs passions et de provoquer ainsi une catharsis individuelle et collective, salutaire pour l'individu et la communauté. Par l'intensité des émotions collectives qu'il suscite, le spectacle sportif populaire apparaît comme une fête où l'individu se sent partie indissociable de la collectivité. C'est un puissant dérivatif, qui rend au peuple l'enthousiasme et l'espérance. L'athlète dans le spectacle sportif ? cet être d'un courage et d'un mérite supérieur ? est érigé en un modèle de réussite. Par sa double nature d'athlète et d'homme, il nous offre l'exploit de la perfection gestuelle individuelle et contribue à la perception du beau. Pour Coubertin, le «sport-spectacle» doit être envisagé comme producteur d'art et comme occasion d'art. Il produit la «beauté-action» rationnelle, puisqu'il engendre l'athlète qui est de la sculpture vivante.
Malheureusement, en Algérie, cette «contre-société» du sport-spectacle, comme instrument d'éducation et de culture, ne cesse de se dégrader, voire de dégénérer. Devenue société dans une société, elle est aujourd'hui fortement contestée dans les débats qui occupent le paysage sportif algérien. Au lieu de promouvoir de nouvelles valeurs hautement morales et désintéressées, elle a transformé la réalité sportive en représentation fausse. Gérée par des hâbleurs, c'est une «contre-société» du sport-spectacle qui n'a pas réussi à donner aux jeunes Algériens le goût de la pratique sportive, et à pourvoir les dirigeants sportifs de vertu morale qu'elle est censée développer. Elle n'a pas non plus réussi, en tant qu'entreprise à vocation éducative et sociale, à diffuser l'exercice physique dans la société. Bien au contraire, elle a perpétué l'inégalité sportive et transformé l'Algérie en un grand stade plein de laideur, de tricherie, de corruption, de dopage et de violence. Nonobstant tous ces maux, il n'y a aucune volonté de l'Etat pour rétablir les jeux de compétition sportive dans leur authenticité, revérifier leur mission et dresser le bilan de cette «contre-société» du sport-spectacle, qui ne sert plus les intérêts de quiconque, sauf de ses dirigeants. En mettant l'Etat-nation hors jeu, c'est une «contre-société» du sport-spectacle devenue la propriété exclusive des forces de l'argent et d'un cercle étroit d'aventuriers étrangers au sport. On ne peut alors que se demander, comme le soulève Bourdieu dans ses études sur le sport, si la logique marchande de toutes ces «institutions sportives officielles» du sport-spectacle n'a pas colonisé de façon méthodique et irréversible un processus, qui était à l'origine une forme élargie de communication sociale et d'échange culturel pour favoriser la formation du citoyen à la vie sociale.
Les «installations» qui accueillent les jeux de compétition sportive n'ont aucune «âme»
Depuis la fin du XIXe siècle, le stade est devenu, par sa capacité à intégrer les jeux de compétition les plus divers, le principal lieu par excellence de la performance et du succès, si caractéristique de la société moderne. Il fait partie du territoire d'une communauté, un lieu où on vient célébrer régulièrement son existence, et où on est convié à fraterniser. Selon le sociologue français D. Bodin, «le stade est peut-être le dernier espace de liberté dans les sociétés contrôlées et pacifiées où les jeunes peuvent donner libre cours à leurs émotions, s'extérioriser, crier une joie de vivre ou exprimer une rage d'être». Le stade est aussi le lieu des mécontentements, des contestations et des oppositions : une arène où vont se manifester les rivalités locales. C'est un des rares lieux soupapes qui donnent au sujet moderne, coincé dans son «appartement» (son «étui», selon l'expression de Walter Benjamin), l'occasion de participer directement aux mouvements du monde. C'est un lieu privilégié de socialité à dominante empathique où un peuple d'individus vient pour «sentir le c?ur de la communauté battre au ch?ur des gradins ». Dans l'Empire romain, qui était une société de spectacle et de festin, le stade (le cirque) fut le lieu de l'unité du peuple romain, car c'était là qu'il se trouvait et se retrouvait pour pérenniser une communauté. En Algérie, la «Cité olympique» de la ville d'Alger (avec son stade, sa piscine, sa coupole, son stade d'athlétisme, ses terrains de basket, ses courts de tennis, son terrain de golf, etc.) a été conçue comme un «vaste terrain d'exercices sportifs», destiné à accueillir le plus grand nombre de pratiquants jeunes et moins jeunes, c'est-à-dire un lieu où une communauté humaine pouvait se rassembler, se solidariser et s'engager, en faveur d'une mission hautement éducative. La «Cité olympique» se voulait être la copie de la «Cité du Sport» de la ville du Caire, édifiée par l'architecte allemand Werner March sur commande du Président égyptien Gamel Abdel Nasser. Comme tous les grands Pharaons, ce dernier avait une vraie fascination pour le gigantisme architectural. En érigeant la « Cité du Sport» de la ville du Caire, ce grand dirigeant a vite compris, en son temps, que c'est ainsi que prend naissance l'infrastructure sportive d'une société contrainte à la modernisation. La «Cité du Sport» de la ville du Caire est, en effet, un grand projet de «monument » consubstantiel au sport ; autrement dit, un «monument festif» ayant pour fonction de rassembler, de fasciner et de rayonner. Par la création d'un «espace sportif monumental», le Président égyptien Gamel Abdel Nasser voulait incarner un «pouvoir politique monumental». Aujourd'hui, nous ne savons pas comment fonctionne la «Cité du Sport» de la ville du Caire. Mais pour ce qui est de la «Cité olympique» de la ville d'Alger, on observe qu'elle ressemble à un espace inhabité. C'est une simple infrastructure technique d'une impressionnante vacuité. La «Cité olympique» se situe certes dans la ville d'Alger, mais la population de la ville d'Alger ne fréquente pas la «Cité olympique». Le stade, plusieurs fois «retapé », s'offre comme un ensemble de gradins alignés soigneusement et destinés à accueillir le maximum de monde, ni plus ni moins. Il ne laisse transparaître aucun souvenir des faits et des gestes, qui s'y sont déroulés au cours des diverses grandes manifestations sportives antérieures (comme celles, par exemple, des Jeux méditerranéens de 1975, etc.). C'est un lieu où les valeurs éducatives, morales et mémorielles, à la fois produits et conditions de toute culture sportive authentique, sont absentes. C'est un stade-monument, qui ne présente aucune valeur de remémoration et n'appelle à aucune émotionnalité. Etonnamment, c'est dans ce stade-monument et cette «Cité olympique », qui ne sont habités par aucune «âme» (c'est-à-dire, sans valeurs, sans passions, sans vision, sans conscience, sans caractère, sans mémoire, sans identité, etc.), que les jeunes viennent déverser leur colère, leur agressivité et leur violence. Cette forme de violence sociale vient recouper l'hypothèse d'une jeunesse exclue, qui a le sentiment qu'elle n'appartient pas à cette société et qu'elle n'a pas d'avenir. C'est une forme de violence particulière, qui vient rappeler périodiquement à la société qu'elle n'assume plus sa fonction sociale générale.
Les jeux de compétition sportive fonctionnent avec un modèle de formation incapable de fabriquer l'excellence
Les analyses antérieures nous interpellent sur un des facteurs de succès des jeux de compétition sportive, qu'est la formation. En effet, un modèle de formation performant est une nécessité pour améliorer la compétitivité et la «qualité du spectacle». Après de nombreuses et disparates approches, il se trouve que le modèle théorique de la formation de l'élite sportive nationale, tout sport confondu, n'a pas prouvé son efficacité devant la complexité des problèmes, que soulèvent les jeux de compétition sportive de haut niveau. C'est ainsi que la précocité croissante requise dans certains sports sollicite la création d'écoles spécialisées pour recruter des enfants de plus en plus jeunes, et ce, afin de les soumettre à une sélection et à un entraînement adaptés. Dans ce domaine précis, on a observé que le «potentiel moteur initial» du jeune talent sportif algérien montre une précocité (des avancées spécifiques) dans certaines qualités psychomotrices (exemple : de la coordination motrice, etc.), et dans certaines qualités physiques (exemple : de l'endurance, etc.) acquises par les pratiques culturelles de soins et d'éducation. Ces données supposent que l'on doit cerner avec exactitude toutes ces qualités, maîtriser les lois de leur développement, et ce afin de les maximiser au niveau de la pratique sportive de haut niveau. En effet, par ses modes de sensibilité éducative et culturelle, le «potentiel moteur initial» du jeune talent sportif algérien ne peut être celui de l'Occidental. Il n'est nullement neutre mais chargé de «valeurs» distinctes, qu'il laisse «transparaître» ou plus exactement «exprimer» dans diverses situations d'apprentissage ou d'entraînement. C'est pour cela que la prétention à l'universalité de certains modèles de formation, concernant le jeune talent sportif, est fausse. Le développement du jeune talent sportif est largement spécifique à chaque contexte culturel. C'est le contexte culturel, qui lui imprime un rythme et un style de développement particulier. Chaque type de talent sportif a besoin d'une «niche développementale» particulière. Dans le contexte sportif international, le retard algérien en matière de formation de l'élite sportive doit inciter les responsables du sport à agir au plus vite : continuer indéfiniment à copier des systèmes de formation étrangers n'est pas une solution fiable, cela conduit généralement à de cuisants échecs. Car, aujourd'hui, les techniques d'entraînement les plus modernes ne suffisent plus à produire de l'excellence dans les sports, où les qualités psychomotrices et motrices sont mal travaillées à la base. C'est dans cette optique, délibérément pédagogique, que certains experts recommandent aujourd'hui de revoir les modalités pédagogiques d'optimisation de l'entraînement dans les pré-filières et les filières de formation du jeune talent sportif algérien.
Essai de conclusion
De manière lapidaire, on peut dire que les jeux de compétition sportive institués comme fonction sociale reposent sur une supercherie sans lendemain : ils ne visent nullement l'émancipation culturelle sportive de la population, mais son appauvrissement. Ce sont des jeux de compétition sportive, qui fonctionnent avec des «institutions » en perte de valeurs, des «installations sportives» sans âme, et un «système de formation sportif» inadapté. De ce fait, ils se trouvent amputés de leur caractère culturel et humaniste, de ce quelque chose que l'on transmet de génération à génération. Sans racines éducatives réelles, ce sont des jeux de compétition sportive qui ne véhiculent aucun système de valeurs. Sources de conflits et de désordre, ils ont conduit à la décomposition du système d'organisation des rapports sociaux, et à une véritable fabrique sociale de la violence. Leur dysfonctionnement, affiché ou caché, est pour une grande part responsable de l'irruption de la violence dans les enceintes sportives. Il faut donc cesser de croire à l'idée largement répandue que nos jeunes sont porteurs d'une tendance naturelle à la violence, dans les enceintes sportives. Les jeux de compétition sportive portent toujours les stigmates de la société où ils apparaissent. En Algérie, ils symbolisent dans leur mode d'organisation, de gestion et de fonctionnement les caractéristiques de la structure sociale de la société algérienne : une société marquée par le vagabondage des valeurs, où «tout se tarit, tout se pervertit et tout se corrompt ». Une société en perte d'humanité, où les jeunes, livrés à eux-mêmes, s'adonnent à des actes de violence, aussi bien dans un «stade» (un lieu de détente), dans un «parking» (un espace public), dans une «école» (un espace éducatif), au sein de la famille (un espace de vie), dans un cimetière (un lieu de recueillement), ou encore dans une «mosquée» (un lieu sacré du culte divin). Pour le dire autrement, toutes ces transgressions des règles, des normes et des valeurs viennent démontrer de façon incontestable, que la violence des jeunes n'est pas exclusivement associée aux enceintes sportives, selon certains experts ès violence. Cette forme de violence aveugle et destructrice, dont les prémisses se font sentir depuis des décennies, est bien le résultat de l'action d'une «classe gouvernante» de la décadence : de l'incompétence et de la rapine, de la paresse et de la lâcheté, du népotisme et du régionalisme, de la force et de la fraude, de la brutalité et du mépris, de l'offense et de l'humiliation, de la corruption et du brigandage, du mensonge et de la trahison. En effet, c'est devant cette «désarticulation» du «contrat social» (que de nombreux responsables politiques ne veulent pas voir ou ignorent), que la jeunesse algérienne, déçue et frustrée, développe des comportements de plus en plus agressifs, transgressifs et violents.
B. L.
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Posté Le : 27/09/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : LSA
Source : www.lesoirdalgerie.com