Algérie

Un peuple, c'est quoi' REPERES



Un peuple, c'est quoi'                                    REPERES
Un peuple ça sert, pour certains, à être roulé dans la farine de leurs ambitions illégitimes et à être pané dans la chapelure de leur appétit d'arrivistes insatiables. Pour d'autres, un peuple, c'est plutôt ce marché immense sur lequel ils s'ingénient à vendre leurs promesses aussi hypocrites qu'intenables. Mais, pour les uns et les autres, un peuple c'est d'abord cet avale-couleuvres qui apprend rapidement à applaudir l'illusion et à adorer le mensonge.
Les chercheurs ont classé les gouvernants selon quelques critères dont le style de commandement est le plus connu et le plus répandu, mais ils n'ont encore jamais tenté une classification des peuples. Or, selon leur degré de soumission, les peuples sont de deux sortes: les soumis et les rebelles.
Les premiers acceptent tout de leurs gouvernants avec poésie, chants et danses en prime. Ils ne discutent ni le style de gouvernance, ni les résultats de celle-ci ni encore moins les déviances et les irrégularités qui jonchent la gestion de ceux qui les mènent généralement là où rien ne va. Ces peuples-là sont plutôt enclins à bouger des hanches dès qu'ils entendent un chant, une rime, un quatrain et parfois même un vers, voire un nom. Elevés dans le culte avilissant des hommes et des noms, ils ne se rendent pas compte qu'ils encouragent l'iniquité et protègent l'injustice et, grandis dans la génuflexion, ils n'en sentent même pas le mal qui ronge leurs genoux. Ces peuples-là acquiescent à tout, généralement avec sourire, mais comme l'injustice et l'iniquité, à force de mal faire, finissent toujours par faire mal, alors ces peuples finissent souvent par se rebeller!
L'autre type de peuples, ce sont ceux qui, dès le départ, s'opposent à leurs gouvernants. Par la lutte sous toutes ses formes, y compris par les blagues et autres rumeurs. Ils reprochent à ceux qui en guident le destin, leur incompétence, leur insatiabilité, leur arrivisme, leur style de gouvernance, leur népotisme, etc., pour ces peuples, tout est bon pour accuser les gouvernants. Une crise mondiale et ils courent menacer sous les murs de la mairie de leur douar. Une foudre qui tombe à Ouled Kaddour' Ils font un sit-in devant le Sénat. Un réveillon qui tourne mal au pôle Sud et c'est la route de la dechra qui est coupée à la circulation. Elevés dans le nif et l'orgueil, souvent déplacés, ces peuples-là refusent non seulement de se prosterner à leurs gouvernants mais aussi de leur serrer la main. Entre le diable même et leurs gouvernants, généralement, ils ne voient pas beaucoup de différence. Mais comme les peuples aussi se fatiguent, et comme le temps ne s'arrête jamais pour leur donner la possibilité de reprendre leur souffle, alors ils finissent toujours par abandonner et par... se soumettre! Les soumis finissant par se rebeller et les rebelles finissant par se soumettre, les peuples ont donc ceci de commun qu'ils changent tous vers ce qu'ils ne sont pas. Et les gouvernants le savent. Mais la similitude ne s'arrête pas là. Tous les peuples ont pour fonction première de légitimer la présence de ceux qui les gouvernent! Par les urnes dans certains cas, par les mains levées dans d'autres, par la désignation dans certains pays, par le silence dans certains autres, par l'applaudissement dans certaines régions du monde, par la danse folklorique dans d'autres, ils approuvent tous et sans exception la désignation, l'intronisation, l'élection, la succession et toutes les autres formes d'arrivée à la tête de leur pays. Ce n'est qu'après que certains se mettent à s'opposer et d'autres à se soumettre.
Par ailleurs, un peuple, ça a un rôle fondamental qui consiste à donner du sens aux gouvernants car sans peuple, que deviendraient ces derniers' Il faut bien un peuple pour gouverner, non' Alors tenus d'être là, sur les boulevards de la République ou sous les balcons des autres formes de gouvernement, les peuples jouent leur rôle inconsciemment. Comme des personnages d'une pièce théâtrale absurde, au sens littéraire du terme, et qui rappellent les Vladimir et Estragon de Beckett qui n'avaient pour rôle réel que donner du sens à un Godot qui n'est nulle part et qui ne viendra jamais.
Qu'ils soient soumis ou rebelles, les peuples ont aussi en commun le fait qu'ils sont souvent détournés de la réalité qui les concerne. Lorsqu'ils demandent à manger, on leur jette des boîtes d'une prétendue démocratie avec une date de péremption souvent dépassée, lorsqu'ils cherchent après leur avenir et celui de leurs enfants, on les emmène dans les stades d'une coupe du Monde, d'une coupe d'Europe ou de tout autre coupe régionale et lorsqu'ils s'enquièrent à propos de leur présent on agrée des dizaine de partis. Et si jamais, ils persistent à vouloir comprendre, alors on les accuse de rouler pour l'étranger et de servir cette fameuse main étrangère. Un peuple... c'est aussi cela: un accusé.
Lorsque les gouvernants, généralement incompétents et incapables, s'aperçoivent de l'immensité des dégâts qu'ils causent, ils accusent le peuple de ne pas être à la hauteur de leurs ambitions. Bien sûr, les gouvernants, ayant les yeux bandés par ceux qui les entourent, ne voient jamais la destruction à laquelle ils s'attèllent depuis leur arrivée et ne tiennent pour responsable que le peuple. Bien sûr, les intermédiaires chargent toujours les peuples dont ils ont cessé de faire partie depuis que ces derniers les regardent et que les gouvernants les écoutent.
Dans certains lieux de ce monde cependant, les peuples sont craints, dans d'autres, respectés alors qu'ailleurs ils sont carrément ignorés et même, pour certains, méprisés. Les rapports qui lient gouvernants et gouvernés dépendent de la perception qu'ont les premiers des seconds. Il ne faut plus, dès lors, s'étonner de voir des prix s'envoler pour pousser encore la saignée des ménages, ou des lois contournées pour imposer des clients d'où qu'ils viennent et où qu'ils aillent ou, encore, des élections truquées pour pousser un nouveau parrainé ou une nouvelle porte-parole. Un peuple, c'est finalement ce dont on a besoin au départ mais dont on ne tient plus compte dès qu'on est installé.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)