Algérie

Un pas en avant, deux pas en arrière...


Depuis l'introduction dans la loi de finances 2020 de l'impôt sur le patrimoine (ISP), dont la valeur évolue de 100 000 à 500 000 DA, aucun bilan n'a été jusqu'ici établi de ce que l'on considérait comme une taxe sur la fortune. Proposé, dans un premier temps, à travers le projet de budget pour 2018, l'impôt sur le patrimoine a été rejeté alors par le Parlement, obligeant le gouvernement à se retirer sur l'Aventin prétextant que l'application de cet impôt "se heurte à diverses difficultés caractérisées par la non-déclaration par les personnes soumises à l'ISP de leurs biens, notamment immobiliers et mobiliers, ce qui engendre des problèmes d'évaluation de ces biens par les services fiscaux et, par voie de conséquence, un faible rendement".Deux années plus tard, c'est au gouvernement Bedoui de revenir à la charge et de tenter un coup de marketing politique en réintroduisant, dans le projet de loi de finances 2020, un impôt libératoire sur le patrimoine. Et c'est à l'Assemblée qui l'avait rejeté en 2017 que revenait la charge de conforter le gouvernement dans son opération de séduction. L'article était ainsi validé par le Parlement sans la moindre escarmouche. Le produit de cet impôt devait alimenter le budget de l'Etat à hauteur de 70%, tandis que les 30% restants devaient soutenir les ressources des communes.
Près d'une année après son introduction, l'application de cet impôt est restée à la traîne, de l'avis même de certains cadres de l'administration fiscale, faute d'une implication effective de l'ensemble des institutions financières et économiques. Le regain d'intérêt de l'Etat pour la taxation des fortunes n'a pas fait long feu, puisqu'à l'article pris en charge par la loi de finances 2020 devaient s'ajouter des mesures pratiques aux fins de renforcer les moyens de l'administration fiscale censée mettre en ?uvre cet impôt.
Comme pour rattraper un pas de danse raté, le gouvernement remet cela et suggère dans le projet de budget pour 2021 un nouvel article complétant la loi introduite dans la loi de finances de l'actuel exercice. C'est comme reconnaître que sans le renforcement du fisc en moyens matériels et humains, celui-ci n'aura que deux mains gauches et l'applicabilité de l'impôt sur la fortune sera confrontée à des contraintes majeures. Dans son article 52, le projet de loi de finances 2021 propose d'ailleurs une modification de l'article 33 du code des procédures fiscales ; une énième tentative destinée à rendre l'impôt sur la fortune exécutable. La réécriture de l'article en question stipule que "la recherche et l'identification des personnes concernées par l?impôt sur la fortune, des biens imposables dont ils disposent, ainsi que de leurs éléments de train de vie relèvent de la compétence des services habilités en matière de contrôle et de recherche de l?information fiscale".
Dans l'exposé des motifs, le gouvernement souligne que cette mesure a pour objet "de ne pas limiter la recherche et l'identification des personnes passibles de l'impôt sur la fortune (ISF), de leurs biens et de leurs éléments de train de vie, uniquement aux services des recherches et vérifications, mais de l'étendre à l'ensemble des services fiscaux habilités en la matière". L'optimisation de la rentabilité de cet impôt serait-elle pour autant garantie ' Pas si sûr, sans l'implication de l'ensemble des structures financières et économiques censées contribuer à la recherche, à l'identification, à l'adaptation des informations fiscales des contribuables à la réalité du patrimoine détenu.
Cela exige nécessairement des enquêtes régulières et une complicité nécessaire des organismes en charge de l'enregistrement des transactions et des biens immobiliers, des services du cadastre et de la Conservation foncière. Pour ainsi dire, la mise en ?uvre et l'optimisation de la rentabilité de cet impôt, censé traduire une orientation politique en faveur d'une certaine équité sociale et une justice fiscale, butent sur d'importants écueils, à la fois technique et réglementaire, se rapportant au dispositif de cet impôt qui reste peu efficace et insuffisant pour taxer les plus riches.
Ali Titouche
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