Algérie

Un pas en avant, deux en arrière...



Le déclin de la production des hydrocarbures et la hausse effrénée de la consommation interne laissent entrevoir une crise énergétique à l'horizon 2030 ; les volumes produits risquent de ne suffire qu'à couvrir les besoins internes.Ce coup de frein donné à la réalisation du programme national des énergies renouvelables implique clairement un retour en arrière quant aux objectifs initialement fixés.
La lourde machine à négocier le virage énergétique qui s'offre à l'Algérie a eu du mal à démarrer. Et pourtant, à l'allure où va la consommation interne des énergies fossiles, les incertitudes quant à la sécurité énergétique du pays se renforcent. Le déclin de la production des hydrocarbures et la hausse effrénée de la consommation interne laissent entrevoir une crise énergétique à l'horizon 2030 ; les volumes produits risquent de ne suffire qu'à couvrir les besoins internes.
Le pays court le risque de ne plus pouvoir exporter d'hydrocarbures à la même échéance. L'idée que les énergies renouvelables allaient peser pour 27% dans le mix énergétique en 2030 s'est révélée un pieux mensonge compte tenu des scores jusqu'ici obtenus. Des experts sonnent le tocsin. Les indicateurs fournis, jeudi, lors d'une conférence internationale sur l'efficacité énergétique et l'écoconstruction en Algérie donnaient de sérieux arguments à cette crainte.
«Conséquemment au déclin de la production des hydrocarbures depuis 2007 et à l'évolution de 10% annuellement de la consommation interne, tout ce que nous produirons comme hydrocarbures à l'horizon 2030-2035 suffira à peine à couvrir les besoins internes», tonnait Khaled Imessad, maître de recherche et directeur division thermique et thermodynamique solaire et géothermie au CDER (Centre de développement des énergies renouvelables).
«On risque d'aller vers une grave crise énergétique à l'horizon 2030 à force de trop s'intéresser à la crise du logement», prévient-il, mettant en garde contre des niveaux de consommation d'énergie très élevés par un parc immobilier (8 millions de logements actuellement) ne répondant pas aux normes d'efficience énergétique, mais aussi contre des prix d'énergie favorisant le gaspillage.
L'amont pétrolier et gazier, lui, enregistrait depuis une décennie ses plus mauvaises performances avec des niveaux de production sujets à moult questionnements. Du reste, les objectifs de faire évoluer à 27% la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique seraient de vaines chimères.
Avec une capacité installée d'à peine 350 MW, force est de constater que l'on est loin du compte. L'objectif initial était de produire 22 000 MW d'électricité d'origine renouvelable à l'horizon 2030. Le gouvernement avait annoncé en grande pompe, fin 2016, le projet d'installation d'un parc solaire d'une capacité de 4050 MW.
Les appels d'offres qui devaient être lancés en avril 2017 n'ont jamais vu le jour. L'on parle désormais d'un parc de moindre envergure, dont la capacité serait de 500 MW seulement.
Force est de constater ainsi que le pays est loin d'être dans l'ère du mix. Il ne faut pas s'y tromper : les volumes d'hydrocarbures consommés annuellement ont reçu un coup de fouet, mais la production ne repart pas, ce qui se traduira à terme par une baisse inévitable des quantités à exporter, prévoit pour sa part Amine Akbi, analyste et spécialiste des énergies renouvelables.
Tergiversations fatales
Selon lui, il était temps de migrer vers un nouveau modèle énergétique qui tiendrait compte de l'apport des énergies renouvelables, mais aussi des impératifs liés à la réduction de la consommation et du coût des subventions à l'énergie, mais aussi de la nécessité d'accroître la capacité d'exportation.
Selon ses calculs, une réduction de 10% de la consommation interne permettra d'économiser annuellement 3 milliards de mètres cubes de gaz, ce qui équivaut à un tiers de la consommation des ménages, et fera accroître de 8% les capacités à l'exportation.
C'est dire l'enjeu d'endiguer une consommation interne qui évolue à vive allure et qui met à rude épreuve les défis de la sécurité énergétique. Pour réussir ce défi, le pays est plus que jamais condamné de sortir du piège du «tout hydrocarbures».
Compte tenu du temps perdu, l'actuel Exécutif doit soumettre le projet de transition énergétique à de longues marches à un rythme d'enfer, parce que la vitesse, aujourd'hui, des réformes à apporter à l'actuel modèle énergétique est la clé de la victoire. Les experts et les spécialistes en sont convaincus.
«La sécurité énergétique à l'horizon 2030-2035 passe par le développement sans délai des deux programmes : celui des énergies renouvelables (22 000 MW) couplé aux objectifs d'efficacité énergétique», estime Khaled Imessad. Cela passe aussi, d'après lui, par la levée des entraves à l'application de la réglementation thermique, la publication des textes d'application?
En tout cas, ce coup de frein donné à la réalisation du programme national des énergies renouvelables implique clairement un retour en arrière quant aux objectifs initialement fixés. Le discours changeant des responsables politiques et les récents choix au sujet des énergies fossiles et des hydrocarbures de schiste laissent planer le doute sur la volonté de faire évoluer la part des énergies propres dans le mix énergétique national.
Il y aurait un chamboulement sur l'échelle des priorités. Voire un coup de forcing opéré par le lobby des fossiles.
Empêtré dans de sempiternels atermoiements, le gouvernement semble ne plus savoir où il va en matière de modèle énergétique. Pourtant, les experts ont clairement montré la voie, plaidant pour la mise en place sans délai d'une capacité photovoltaïque qui pourrait se substituer à terme à une partie des énergies fossiles ainsi que pour la concrétisation des objectifs en matière d'efficacité énergétique. Depuis 2015, date de l'adoption de ce programme, force est de constater que l'on est toujours au stade de la réflexion et des discours. Et pourtant, 2030 c'est demain.
Et la gestion dans la vitesse, on l'a vu, a fait faire aux précédents gouvernements des erreurs fâcheuses. La remise en cause des objectifs initialement fixés en matière de développement des énergies renouvelables et la validation de l'option du schiste sont une preuve et un signe inquiétant d'une gestion hasardeuse.


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