Algérie

Un opprimé sans fiel et sans rancune



Caractéristique - On ne saurait imaginer un animal plus patient, plus infatigable, plus utile enfin que ces pauvres ânons d'Alger, que tout le monde maltraite et auxquels on est cependant, sans cesse, obligé d'avoir recours.Un cahier des charges établi en 1904 par le Conseil municipal de la ville d'Alger stipulait que les ânes utilisés pour le transport des ordures domestiques et autres gravats «devront toujours être en état de faire un bon service».
Le document précisait qu'il était «expressément interdit de faire travailler des animaux blessés». Les bêtes étaient soumises à des examens mensuels pratiqués par le vétérinaire municipal. Celui-ci pouvait intervenir, aussi, à tout moment pour s'assurer que toutes les bêtes étaient en bonne santé. Le texte ajoutait que l'entreprise chargée de la collecte et du transport des ordures était «tenue d'avoir tout son matériel et toute sa cavalerie en parfait état d'entretien et de propreté». Qu'en est-il aujourd'hui ' L'âne traîne, comme un boulet, une réputation peu flatteuse. Pour l'être humain, il n'y a pas pire insulte que celle d'être traité d'âne, c'est-à-dire d'idiot, d'inintelligent, d'ignare, de ridicule, d'entêté, de quelqu'un qui fonce tête baissée. L'âne fut pourtant la première et la plus précieuse conquête des peuples pasteurs. Il a gardé ses antiques vertus dans un esclavage devenu de plus en plus rigoureux. Pourtant, l'injustice des hommes n'a pas ébranlé sa docilité, son courage et sa tempérance. C'est un sage sous une écorce un peu rude, mais non sans grâce, un opprimé sans fiel, un serviteur sans exigences et sans rancune. C'est, de tous les animaux domestiques, celui qui consomme le moins et produit le plus.
L'âne a inspiré de nombreux poètes fabulistes comme La Fontaine, des écrivains comme la comtesse de Ségur (Mémoires d'un âne), R-L. Stevensen (Voyage avec un âne dans les Cévennes) et Juan Ràmon Jirez, Prix Nobel de littérature en 1956 (Mon âne et moi). Ou encore plus proche de nous, le poète algérien Matoub Lounès qui avait qualifié l'âne de géomètre de la Kabylie de par son utilité dans cette région montagneuse. Dans les Mémoires d'un âne de la comtesse de Ségur, un âne avait profité d'un hiver fort rude qui l'avait contraint à garder l'écurie pour écrire ses mémoires. Mémoires dans lesquels il relevait, entre autres, que «ceux que vous croyez les plus bêtes ne le sont pas autant qu'ils le paraissent ; qu'un âne a, tout comme les autres, un c'ur pour aimer ses maîtres, être heureux ou malheureux, être un ami ou un ennemi, tout pauvre âne qu'il est».


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