En Algérie, on a l'impression que le changement est en panne et que l'idée de changer quelque chose constitue une trahison à la nation.
Un ami qui venait de prendre sa retraite, il y a déjà une dizaine d'années, me disait, à l'époque, tout son écoeurement. «Quand j'étais venu au monde, le pays avait quelques responsables. Je pars en retraite et ils sont toujours en place.» En Algérie, on a l'impression que le changement est en panne et que l'idée de changer quelque chose constitue une trahison à la nation. Aujourd'hui encore, ce sont toujours les mêmes. Dans tous les domaines. Tout compte fait, chez nous, seuls les gouvernés changent. Les autres, eh bien ils sont immuables. Pour obtenir cette «immuabilité», ils ont inventé l'interchangeabilité. Tous peuvent être ministres de l'Economie, des Affaires religieuses, de l'Habitat, des Affaires étrangères... ils peuvent se transformer en P-DG de groupe, ou d'entreprises réelles ou virtuelles, en ambassadeur avec ou sans utilité, en conseiller sans domaine précis... Peu importe, l'essentiel c'est qu'ils soient là pour diriger le pays et le peuple.
Pour faire durer leur éternité, ils se sont inventé aussi des métiers nouveaux. Ils peuvent ainsi devenir, à l'occasion, redresseurs. Peu importe contre qui. Peu importe pour le compte de qui. Pourvu qu'ils redressent. Et tant pis s'ils redressent leurs compagnons d'hier, et tant pis s'ils redressent des redresseurs comme eux. Ce qu'il y a de marrant dans ces histoires de fronde et de redressements que vivent les partis politiques c'est cette obstination de ceux qui «redressent» à vouloir faire croire à une utilité quelconque de leur action. Nous voulons sauver le parti, disent-ils lorsqu'ils ne veulent pas nous faire croire qu'ils sauvent l'Algérie par leur comportement.
A bien méditer, ce comportement, qui est en train de se frayer un chemin dans la vie politique algérienne, trouve ses origines dans trois facteurs essentiels.
Le premier est la conception particulière que nous nous faisons du pouvoir, une conception transmise au gouvernement par des organisations politiques notamment.
Un chef de parti ne change finalement chez nous que par la grâce de la mort ou d'une éviction. Cette approche du pouvoir assure longévité et règne sans partage du chef, faisant fi des aspirations de tous ceux qui l'entourent, dussent-ils être, comme c'est souvent le cas, plus méritants ou mieux aptes. Il est clair que cela a, entre autres conséquences, le mécontentement des collaborateurs et parfois même de certains militants de la base qui ne sont pas dupes.
Avec le temps, le mécontentement devient caractéristique puis débouche sur la critique puis le rejet de la gouvernance en place, et bien entendu du chef. Il faut avouer toutefois que ce n'est pas souvent que cela se passe ainsi chez nous... Le second élément à l'origine du «redressement», c'est la mauvaise conception du militantisme chez beaucoup de ces redresseurs pour lesquels, il faut le dire, tout se calcule en temps et en intérêts personnels. Ces gens-là ne tiennent à «améliorer» et à «sauver» leur parti qu'à des dates précises, particulièrement la veille d'élections... présidentielles!
A croire que, pour certains, la volonté de redressement des partis n'est mue que par le désir d'aider ceux qu'ils supportent ou croient supporter à un moment donné et, pour d'autres, le branle-bas de combat qu'ils engagent n'a d'autre objectif que de dégommer le responsable qu'ils n'aiment pas ou qu'ils ne veulent pas voir arriver à la candidature à la présidence. Drôles de temps que ceux que nous vivons et où l'on veut changer de chef de parti à chaque élection présidentielle comme on change de décor à chaque Aïd.
Le troisième élément à considérer est l'aspect multi-usage des groupes qui se disent «redresseurs».
En effet, ce sont toujours les mêmes qui veulent mener toutes les opérations de «sauvetage» de leurs partis respectifs. Ceux qui ont tenté le redressement il y a dix ans (FLN et RND par exemple) sont ceux-là mêmes qui l'ont tenté il y a cinq ans, et ceux-là mêmes qui gesticulent cette année.
Finalement, comme leurs chefs et les chefs de leurs chefs, ceux qui se disent redresseurs occupent la scène politique nationale depuis cinquante longues éternités, lorsque ce n'est pas plus... et ce qui est intéressant dans tout cela c'est qu'ils ne peuvent jamais cesser de vouloir le «redressement»... c'est leur seule manière de détourner les projecteurs. A chacun son métier.
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Posté Le : 14/08/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Aissa HIRECHE
Source : www.lexpressiondz.com