Algérie

Un nom, un lieu: Saïd Hamidi, le marionnettiste infatigable



A 78 ans, Saïd Hamidi ne s'est pas départi de ses rêves de toujours. Dans le garage de sa demeure, il a toute une collection de marionnettes, dont certaines ont plus de quarante ans d'âge. Dans une malle qui l'a accompagné partout en Europe, il entasse ses créatures et peut relater l'historique de chacune d'elles en lui parlant presque. Après une trentaine d'années passées loin de sa ville natale, il traîne toujours l'envie de faire rêver les gosses de son pays. Depuis son retour définitif au pays il y a deux ans, il bataille pour monter une sorte d'école de marionnettes, mais jusqu'ici, son projet s'est heurté aux bureaucrates. Mais Saïd n'est pas le genre à renoncer facilement. Il est décidé de forcer le destin parce que c'est sa passion qui l'aide à vivre et à surmonter «la laideur du quotidien», comme il se plaît à répéter.

Ce fils d'Oran, né en 1937, qui, dès son enfance, a été pratiquement happé par les spectacles de la «tahtaha» de Mdina Djdida, au point de sacrifier sa scolarité, charrie à longueur de journée des images dans sa tête. Parce qu'il a été frustré dès son enfance. Son père s'est déchargé sur lui et il devait subvenir à ses propres besoins. Il se remémore toujours un directeur «pied-noir» qui lui a refusé l'admission à l'école parce qu'il était âgé. Pour se familiariser avec la langue de Molière, il devait suivre des cours du soir. Cherchant de meilleures conditions d'existence, il partira en France où il découvrira les affres de la détention à cause de ses opinions politiques. Entre 56 et 57, il séjournera à la maison d'arrêt de Seine-sur-Oise. Expulsé vers l'Algérie, il sera incarcéré lors d'une répétition d'une pièce de théâtre dans une école d'El-Hamri. Il écopera une année de prison au centre d'Arcole où il subira toutes sortes de tortures. A peine libéré, la veille de l'indépendance, il échappera miraculeusement à un attentat de l'OAS. Mais vite, il va enterrer cette partie de sa vie pour se tourner vers le théâtre, sa passion de toujours. Il faut signaler qu'il a bénéficié d'une formation avec Henri Cordon, membre d'un mouvement dit de jeunesse au même titre que feu Saïm El-Hadj et feu Kaki.

A l'indépendance, il sera appelé par Boudia et Mustapha Kateb au TNA d'Alger. Il restera huit mois avec ces deux icônes du théâtre national, le temps de participer à la pièce «Afrique avant l'an un». Ne s'accommodant pas avec les grandes idées en vogue dans le milieu théâtral à cette époque, il quitte Alger pour Oran. Mais, en 1964, il rejoint la défunte RTA où il a appris notamment de confectionner des marionnettes à partir des matériaux destinés à la destruction. Avec Lamine Bechichi et Athmania Abdallah, ils réalisent «El-Hadika Essahira», émission destinée aux enfants et qui a connu un retentissant succès. Avec une équipe très réduite et presque totalement démunie, il représentera l'Algérie en 1972 au Festival mondial de la marionnette à Charleville-Mézières en France. A partir de cette date, il entamera une nouvelle carrière et fera des rencontres marquantes dans sa trajectoire. A Toulouse, où il s'est installé pendant deux ans, il a fait la connaissance de Jérôme Savary, dont le nom est intimement lié au Magic Circus en Europe. Quand ce dernier sera nommé à Montpellier à la tête du Centre dramatique national, il fera appel à lui et à sa troupe «Compagnie Naili». Il demeurera dans cette ville cinq ans. Auparavant, il a aiguisé ses techniques et ses créations à Limoges. Il échouera en 1987 à Avignon, ville connue pour son festival du théâtre, là où son art va éclater. Son ex-épouse, une allemande, Regane Falck, est issue d'une famille ayant évolué de père en fils dans le cirque. Avec elle, ils monteront le spectacle « Jardins d'Orient», un mixte de poésie, de danse et de calligraphie. Avec un spectacle dit «Garagouze», il prendra part à l'année de l'Algérie en France en 2003. Pour les enfants, il a à son actif une série de spectacles dont les plus connus «Blanche-Neige et les sept nains»; «Les aventures de Badil»; «les aventures de Djeha» et «El-Harrag». Précisons qu'il a traité ce sujet bien avant que le phénomène ne devienne préoccupation supra nationale.

Pour le moment, Saïd Hamidi apporte les dernières retouches à une série de trente épisodes consacrée aux prophètes. Un premier épisode a été réalisé par une boîte de production marocaine qui cherche à le placer sur une chaîne de télévision arabe. Selon les dernières nouvelles, le nouveau directeur de la station de l'ENTV d'Oran a manifesté un grand intérêt pour ce projet. S'estimant à l'abri du besoin, Saïd ne cherche, en fin de compte, qu'à transmettre ce qu'il a cumulé comme expérience durant presque un demi-siècle. Il est convaincu que l'art (le théâtre de l'ombre, entre autres, où il excelle) peut participer à atténuer la violence en milieu scolaire. A son âge, il est prêt à reprendre du service...




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