Algérie

Un nom, un lieu : Jean Pierre El Kabbach Oran comme étrier...


L'ex-rue Bosquet, insérée entre le théâtre d'Oran et la Place du 1er Novembre, est devenue une ruelle de passage. Pour cause, elle sert de station de taxis, notamment «clandestins ». Cette ruelle, longue d'à peine quelques dizaines de mètres, a la particularité de n'aligner qu'un immeuble de cinq étages, un hôtel en état de délabrement très avancé, un café et une gargote. Jean Pierre El Kabbach, l'actuel directeur de la chaîne de télévision du Sénat français, est né et a passé une partie de sa jeunesse dans un appartement se trouvant à l'immeuble portant le n°3. Mais attention, demander aux personnes, notamment âgées, habituées du café se trouvant juste en bas de cet immeuble, si le nom d'El Kabbach évoque quelque chose pour eux équivaut au risque de se ridiculiser. Surtout pas la peine de préciser qu'il s'agit d'un ancien juif d'Oran. L'explication est toute simple : la rue Bosquet fait partie intégrante du quartier Derb, habité massivement par la communauté juive avant l'indépendance. En juillet 62, le gros de cette communauté a quitté Oran avec les pieds-noirs. Les nouveaux occupants, venus d'ailleurs, ignorent tout des premiers habitants. Pourtant, J.P. El Kabbach a renoué avec sa ville natale, depuis l'arrivée de Bouteflika à la présidence de la République. Il est venu une première fois en compagnie de Christian Poncelet, président du Sénat, lui aussi natif d'El-Kerma. Il est revenu lors de la visite de Jacques Chirac en Algérie. Et une dernière fois, dans une visite privée, il y a moins de trois ans, accompagnée d'une équipe de caméramans et d'une jeune femme que ses anges gardiens (la garde que la police lui a affectée) ont estimé que c'était sa fille. Lors de ce dernier voyage, El Kabbach s'est rendu au logement où il avait vécu avec ses parents et son frère. Ne dérogeant pas à la mythique hospitalité algérienne, les occupants de cet appartement lui ont offert un couscous. C'était un vendredi un peu maussade. Lors de sa première visite, il s'est détaché de la délégation officielle pour visiter les classes du Lycée Pasteur (ex-La moricière) où il avait effectué ses études secondaires. Avec une consoeur, il a surtout parlé d'un de ses enseignants de la philosophie. Effectivement, l'homme est connu pour sa prédilection pour cette discipline. Lors de cette même visite, il a été agréablement surpris par une marque de sympathie. Il a trouvé une gerbe de fleurs sur la tombe de son père enterré dans le cimetière juif de M'dina Jdida. D'ailleurs, lors de sa venue dans la délégation accompagnant Jacques Chirac, il a lancé un appel au Consistoire juif de France de prêter plus d'attention au cimetière israélite d'Oran, jugé « à l'abandon », selon ses propos. Mais comment expliquer ce regain de nostalgie pour Oran chez El Kabbach ? Ses détracteurs, se recrutant essentiellement dans la presse française, estiment que son enfance oranaise, pas forcément heureuse, n'est pas étrangère à son caractère « d'égoïste » de « méprisant » et d'« assoiffé de réussite ». Né le 29 septembre 1937, il n'a pas connu une enfance ordinaire comme les gosses de sa génération. Il était du genre renfermé sur lui-même, ne fréquentait que rarement les cafés et répugnait presque les surprises-parties. Dans son adolescence, il n'était pas non plus porté sur les filles. Son père, comme la plupart des membres de sa communauté, était un commerçant et accessoirement intermédiaire dans le placement des joueurs de football à l'Olympique de Marseille. Dans une interview où il a été interrogé sur sa jeunesse oranaise, il dira « peut-être ai-je connu des moments de plénitude, mais ma mémoire ne les a pas retenus ». Il s'est réputé par sa forte volonté de contrarier ses parents dès son enfance. L'exemple retenu pour illustrer son esprit de contrariété est son choix de la langue allemande à la place de l'anglais quand il a accédé au collège. Pourtant, sa famille a souffert dans les camps de concentration nazis. Le 3 octobre 1949, coïncidant avec le jour du grand Pardon, une fête juive, son père est mort d'une façon subite. Il laisse très peu d'argent à la famille qu'un oncle va gérer mais au compte-gouttes. Sentant l'humiliation et le manque, il se rendra très souvent au cimetière pour parler à son père mort et enterré. Au lycée, il s'est illustré par sa propension de dévorer les ouvrages philosophiques. Il lira entre autres Marx, Nietzsche et Camus. Il regrette jusqu'à présent de n'avoir jamais rencontré cet écrivain qui a séjourné quelque temps dans sa ville natale. Il se distinguera par sa prise de position en faveur de la cause algérienne, lorsque la guerre de Libération nationale éclata. D'ailleurs, dans ce cadre, des anciens de son lycée, regroupés dans une association, lui reprochent ses jugements, considérés excessifs, sur la séparation ethnique à cette époque. Jean Pierre Rondeau, président de cette association, écrit dans ce sens, « Je connais trop bien la droiture et le professionnalisme de Monsieur El Kabbach. Je sais donc qu'il n'aurait pu prétendre qu'apartheid et barbelés existaient à Oran, comme dans toute l'Algérie. Auquel cas, il serait un affabulateur, ce que ne saurait être un ancien élève du Lycée que j'ai l'honneur de représenter ». Mais, Oran a vu naître la vocation de J.P. El Kabbach. C'est dans cette ville qu'il a entamé sa carrière de journaliste qui lui a permis de côtoyer toutes les personnalités de premier plan en France, à commencer par le chef de l'Etat. Après ses études supérieures à Paris, il revint à Oran pour récupérer sa mère. En passant par Alger, il décroche son premier poste de correspondant de radio Alger à partir d'Oran. Mais surtout, il figurera sur les tablettes de Philipp Labro qui sera patron de RTL. Mais ce qui est établi, c'est qu'à l'âge de 14 ans, encore fraîchement orphelin, El Kabbach avait juré de sortir le nom de sa famille de l'anonymat. On peut dire qu'il a amplement rempli sa promesse puisque aujourd'hui, il est considéré comme le meilleur interviewer de toute la presse française. C'est peut-être pour parler de sa réussite qu'il revient de temps en temps à Oran... Allez savoir.
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