Oran doit au
peintre Augustin Ferrando son Ecole des beaux-arts. En effet, en 1919, le
sénateur Marie Jean Gasser le propose pour diriger cette école. Ce sénateur,
père d'un de ses plus proches amis, avait remarqué son talent. A cette époque,
ce qui deviendra une véritable école se limitait à deux minables pièces dans un
établissement scolaire. Ferrando mettra pratiquement dix ans pour hisser ce
qu'on lui a confié en véritable école. Déjà en 1925, il saisit l'architecte
Ernest Brunier pour le recruter avec l'intention d'ouvrir une nouvelle
spécialité dans sa jeune école. «Nous arrivons à créer un foyer artistique
digne d'une grande ville. J'enverrai une note aux journalistes pour annoncer de
nouveaux cours». Sa fille, qui lui a consacré un livre, dira de son père «mon
père était très actif, toujours plein de projets». Ceux qui l'ont connu lui
reconnaissent une autre qualité. Il laissait épanouir la personnalité
artistique de ses élèves en s'abstenant d'imposer ses visions esthétiques.
D'ailleurs, en 1928, il permettra à certains d'entre eux d'exposer dans sa galerie
qu'il ouvrira à l'ex-rue Lyon une année auparavant.
Après cette
première expérience, concluante, on le chargera de diriger le musée Demaeght
(l'actuel musée Ahmed Zabana) qui venait d'ouvrir ses portes. C'était en 1935.
Entre-temps, après son second mariage en 1930 avec Berthe Visconti, il
s'ouvrira d'autres voies. Ainsi, en 1931, il réalisera trois grandes mosaïques
dont l'une ornera le théâtre municipal de Sidi Bel-Abbès ; l'autre le palais de
justice de la même ville et la troisième le tribunal de Tlemcen. Aussi, il
participera pleinement aux activités de l'Association Amicale des Artistes
Africains (les 4 A) à laquelle il s'est joint dès 1921. Durant l'année 1931,
cette association a organisé énormément d'expositions, notamment grâce à la
complicité de son ami Marcello Fabri. Parmi les gens qui le fréquentait
assidûment, sa fille évoque Albert Camus. «C'est là qu'Albert Camus venait très
souvent déjeuner et discuter longuement avec mon père». Ce «là» indique
l'appartement de fonction du musée où Ferrando avait installé son atelier de
peinture. Mais en 1937, il démissionne de la direction du musée suite à un gros
différend avec le maire de l'époque et ira s'installer à Oued Taria pour se
consacrer à son oeuvre picturale.
Dans ce village,
il installe son atelier. Mais surtout, il retrouve la luminosité et les
couleurs de sa ville natale Miliana et qui ont profondément marqué ses tableaux
au point d'être surnommé le peintre fauve. En 1938, Ferrando accueillera et
permettra à des jeunes peintres espagnols, chassés de leur pays par la guerre
civile, d'exposer à Oran. On citera parmi eux Pelayo Figueras, ami de Camus.
Lors de la même année, il fonda le FATI (Fédération algérienne des Travailleurs
intellectuels). Son départ du musée va le libérer en lui permettant de voyager
beaucoup. Il ira souvent en Espagne où la guerre civile battait son plein. Il
effectuait énormément de déplacements en France. Il multipliera les expositions
notamment à Alger, Oran, Miliana et à Sidi Bel-Abbès en 1951. Sa dernière exposition
remonte à 1955, à Alger à la galerie Charlet, c'est-à-dire deux ans avant sa
mort à Oran. Réalisant la fragilité de sa santé, il reviendra dans sa ville
natale. Néanmoins, il reviendra à Oran où il décédera le 7 avril 1957. Il sera
enterré à Miliana dans un caveau familial.
Apparemment, ce
peintre a choisi volontairement le provincialisme au tumulte de la vie
parisienne. Il a passé huit ans dans la capitale française entre 1902 et 1909
où il a terminé ses études artistiques. Durant son séjour, où il logeait rue
Jacob, il a connu la consécration et du monde des arts et de la culture. Il
s'est classé le premier de l'Ecole des beaux-arts de Paris. Ses parents étaient
persuadés que leur fils allait être «absorbé» par la vie parisienne. De son
plein gré, il décide de revenir dans sa ville natale. Mais son passage à Paris
lui a permis de se passionner pour les grands maîtres de la peinture
universelle surtout Van Gogh, Cézanne et Gauguin. C'est à Paris qu'il a
découvert le mouvement du fauvisme avec qui certains veulent l'y inscrire.
D'autres l'apparentent à l'orientalisme parce qu'il a obtenu en 1905 la
Médaille d'Or des orientalistes français.
Son départ à
Paris intervient après une première formation accomplie à partir de 1898 à
l'Ecole des beaux-arts d'Alger où il décrochera de nombreux prix. A son entrée
à cette école, il avait 18 ans et ses choix artistiques étaient presque
arrêtés. Il était irrémédiablement imprégné par les couleurs et la luminosité
de la plaine du Zaccar. Dans ce sens, sa fille avance «Miliana et ses couleurs
ont préparé mon père à sa vocation de peintre». Parmi ses nombreuses toiles, on
citera une consacrée au Murdjadjo et Santa Cruz. Preuve qu'Oran a compté dans
la vie de ce peintre dont un critique qualifie son oeuvre de «sans âge».
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Posté Le : 06/04/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com