Algérie

Un mort et treize interpellations


Les manifestations qui ont secoué durant la journée de samedi dernier la paisible commune de Bekkouche Lakhdar (52 km au sud-est de la wilaya de Skikda) ont indirectement occasionné la mort d'un citoyen et conduit à l'interpellation de treize jeunes émeutiers. La victime, dont on n'a pas pu déterminer l'identité faute de communication, aurait été prise d'un malaise après que des jeunes lui eurent dérobé quelques biens. Le peu d'informations ayant circulé hier laisse comprendre que la victime serait originaire d'El Harrouche et qu'elle aurait été agressée par des individus sur la RN80 qui relie Skikda à Guelma. Cette agression a été liée aux barricades dressées à la sortie de Bekkouche Lakhdar. Par ailleurs, treize jeunes ont été interpellés et devraient être présentés au parquet mercredi prochain. La genèse de ces événements remonte, selon des sources locales, à jeudi dernier quand des tracts anonymes ont été placardés sur les murs et dans les cafés. Les auteurs de ces tracts, après l'exposition de plusieurs revendications à caractère social, sportif et indirectement politique, ont demandé aux citoyens d'être présents samedi pour tenir un sit-in pacifique devant le siège de l'APC. C'est ce qui s'est passé samedi dernier, puisque des dizaines de citoyens sont venus se rassembler devant le siège de la commune pour demander le départ inconditionnel du maire. Les événements allaient par la suite prendre une proportion plus grave, puisque le siège de la commune a été carrément fermé et des slogans anti-élus ont été scandés. Une source locale confirme qu'aucun élu n'a daigné s'aventurer à dialoguer avec les manifestants. Même le chef de la daïra de Ben Azzouz, dont dépend la commune de Bekkouche Lakhdar, n'a pas jugé utile de se déplacer. Finalement, les gendarmes présents en force ont commencé par charger les manifestants pour les disperser. Suite à quoi, des jeunes en furie se sont attaqués aux plaques de signalisation et aux lampadaires pour se rassembler de nouveau à la sortie de la commune et dresser des barricades. Il a fallu par la suite que le maire, accompagné d'un membre de l'APW et d'un sénateur, se déplace et engage des pourparlers avec les manifestants pour que ces derniers acceptent de désigner dix citoyens pour les représenter. La délégation s'est alors rendue à Ben Azzouz pour rencontrer le chef de daïra et le maire qui leur promettront d'étudier l'ensemble des revendications. Hier, la tension demeurait encore vive. Les habitants restaient beaucoup plus à l'écoute du devenir des treize interpellés. Hormis une nouvelle tentative de barricader la route dans la matinée, aucun autre incident n'a été signalé. Quant aux motifs réels de ces événements, qui semblent quelque part emboîter le pas aux manifestations tenues il y a une vingtaine de jours à Aïn Charchar, une commune avoisinante, ils sont d'abord justifiés par le marasme dans la région. Pour les réalités sociales, la commune de Bekkouche Lakhdar reste l'une des moins loties, bien qu'elle bénéficie d'opportunités financières beaucoup plus importantes que plusieurs autres. La cimenterie de Hjar Essoud génère à elle seule 2 milliards de centimes par an au moment où les routes communales sont dans un état dégradé. La commune dispose aussi d'une richesse inestimable constituée de denses oliveraies d'une espèce originale : l'olivier de Gastu qui est appelé à bénéficier prochainement d'une labellisation, la première du genre. Ceci ne cache pas une dure réalité concentrée surtout dans les dix dechras que compte la commune. A titre d'exemple, la dechra de Zana est l'une des plus désavantagées. Ses habitants racontent qu'à chaque hiver ils se retrouvent totalement bloqués par les crues de l'oued Zana. Deux enfants ont déjà été emportés par les eaux en voulant traverser un semblant de pont dressé pour desservir la dechra. Ce pont a été tellement mal projeté qu'on l'a construit à un niveau assez bas pour que les eaux de l'oued l'engloutissent à chaque crue. RetardOn a tenté d'engager de nouveaux travaux, mais les eaux ont de nouveau emporté tout l'arsenal ramené pour son réaménagement et, depuis, les habitants de Zana et leurs enfants usent d'astuces pour traverser l'oued et regagner Bekkouche Lakhdar. Parmi les autres points relevés, les citoyens ont insisté sur le grand retard de logements sociaux qu'enregistre leur commune. En effet, depuis l'indépendance, la commune où vivent plus de 14 000 habitants n'a bénéficié que de 60 logements sociaux. Les demandeurs enregistrés à ce jour dépassent les 1000. A ce jour, on n'enregistre que la réception de 30 nouveaux logements et la projection de 20 autres. La vocation rurale de la région a, par ailleurs, amené les manifestants à insister sur la nécessité de multiplier le logement rural. Ils estiment que le quota de 150 logements ruraux dont devraient bénéficier les agglomérations de Zaâroura et Mekkassa reste insuffisant. Ils mettent en cause aussi les lenteurs administratives enregistrées au sujet de ces logements. Quant au volet de l'emploi, la commune n'a bénéficié que de 86 postes dans le cadre du filet social, 8 emplois de jeunes et 9 dans le cadre du préemploi. Ces revendications à connotation sociale ont constitué l'essentiel des doléances, aux dires d'un membre de la délégation qui a pris part aux pourparlers avec les manifestants. Cependant, qui serait l'auteur (ou les auteurs) des tracts ayant conduit à ces manifestants ' Le maire s'est refusé à tout commentaire et s'est contenté de déclarer que c'est l'enquête actuellement menée par les services de sécurité qui aura à y répondre. Mais d'autres avancent que cette incitation à l'attroupement constitue dans son fond un acte politicien en relation avec la guerre que se livrent certains membres de l'assemblée communale. Ils avancent même que d'autres personnes issues du monde des entrepreneurs auraient financièrement contribué dans l'élaboration et la distribution des tracts dans le but de déstabiliser l'APC. Cette hypothèse, à laquelle la justice aura certainement à apporter plus de détails, reste confortée par d'autres faits. D'abord, les tracts qui ont été photocopiés par centaines mentionnent dans leur évocation du marasme local le problème des deux clubs de football, alors que ce même problème a été bel et bien résolu la veille (mercredi) puisqu'une dérogation de la wilaya a autorisé l'APC à débloquer une somme au profit de ces deux clubs dont les joueurs avaient menacé de boycotter les rencontres jusqu'à ce qu'on daigne leur verser leurs rémunérations. Pourquoi dans ce cas présenter cette revendication ' A-t-on cherché à utiliser le football comme détonateur ' Mais quels que soient les tenants de ce qui s'est passé à Bekkouche Lakhdar, il restera à déplorer la mort d'un homme.
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