Algérie

Un moment de réjouissance ambigu


Un moment de réjouissance ambigu
Malgré un vent fort et agaçant, le Salon international du livre d'Alger a connu, hier, une formidable affluence. Les Algériens ont profité du jour férié du 1er Moharram pour prendre d'assaut les stands des exposants à la foire d'Alger. A l'aune de la journée d'hier, l'objectif de 1,5 million de visiteurs sera atteint ou dépassé. Le Salon du livre s'est transformé au fil des années en un moment de détente studieuse en famille, en couple ou en solo. Le tramway l'a transformé en une destination relativement aisée. Pour certaines personnes trop «occupées», c'est le moment de revoir des amis qu'on n'a pas vus depuis le dernier. Bref, le Salon du livre, c'est vraiment un événement majeur. Les rabat-joie qui focalisent chaque année de manière pavlovienne sur le livre religieux n'auront en réalité rien vu, leurs 'illères les en empêchent. Il suffit de «chiner» entre les stands pour voir que les Algériens s'intéressaient à tout et achetaient de tout. Du religieux, du scolaire, du scientifique, de l'histoire et, cela mérite d'être signalé, du roman. Seules les pleureuses, insincères, continueront à focaliser sur le livre religieux qui a sa clientèle sans pour autant transformer la nature du Salon. Comme pour les années précédentes, cette édition confirme que le «budget» lecture des ménages est devenu une dépense annuelle unique relativement importante qui se fait au moment du Salon. Chacun achète selon ses moyens, mais on achète tous au même moment.Pour les éditeurs algériens mais aussi étrangers, cette concentration des achats des ménages au moment du Sila en fait le «moment commercial» par excellence, celui où l'on réalise une part très importante du chiffre d'affaires annuel. La présence en nombre des Algériens a donc un côté très rassurant : le public «lecteur» potentiel existe pour des domaines très variés. Cela permet d'atténuer les lamentations sur «l'absence» de lectorat en Algérie sans pour autant les faire disparaître. Ainsi que le constatait une éditrice, c'est un moment de réjouissance ambigu. Le public est là, mais uniquement à ce moment alors que le rêve ou l'ambition est de le voir présent sur l'année en train de faire vivre - ou de donner des raisons de vivre - à un réseau de librairies et de stimuler l'activité de l'édition. De ce point de vue, le Salon apparaît effectivement comme la «libraire nationale» un peu artificielle qui s'établit pour quelques jours avant de disparaître.
Le projet de loi sur le livre suscite des avis très contradictoires chez les professionnels mais il aura déjà eu le mérite de susciter un débat, chose devenue très rare en Algérie. Un des aspects, sans doute le plus intéressant, dans cette loi est la création d'une institution, le Centre national du livre (CNL), chargée de collecter de l'information sur le livre et le lectorat. Car, dans ce domaine comme dans d'autres, l'information fait défaut, on est globalement dans une appréciation empirique qui n'exclut pas le préjugé. Mais l'envie de lire - et donc d'acheter des livres - se cultive. Cela se passe en milieu familial et surtout en milieu scolaire. Une disposition, très ambitieuse, de la loi sur le livre prévoit d'instituer une «généralisation de la lecture de livres dans les établissements d'enseignement primaire, moyen et secondaire ». C'est excellent. Encore faut-il veiller à le faire de manière ludique et attrayante et ne pas en faire une « matière» de plus enseignée de manière rébarbative. Les enseignants sont-ils prêts, eux-mêmes, à se mettre à lire ' Ce n'est pas une pique, c'est une vraie question.
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