Algérie

Un métier qui se meurt



Abderrahmane Souker se souvient, très bien, lorsque la Société nationale des industries des peaux et des cuirs (Sonipec) était à son apogée. Elle satisfaisait le marché national et, cerise sur le gâteau, elle exportait le surplus vers l'Espagne et dans d'autres pays européens. Abderrahmane, qui était employé comme bottier dans cette société, a suivi une formation en Italie dans les années 1980. Malheureusement, cette entreprise, qui faisait la fierté des Algériens, a fermé ses portes et des centaines de travailleurs ont été mis au chômage. Abderrahmane a pu ouvrir une échoppe pour réparer les chaussures, histoire de perpétuer le métier. Mais ce n'est pas le cas pour les autres. « Sonipec, qui était le principal fournisseur en cuir et autres matières entrant dans la fabrication de la chaussure, a fermé boutique. D'autres fabricants, aussi, ont mis la clé sous le paillasson ou se sont reconvertis ». Les artisans cordonniers étaient nombreux à la Casbah, Bab El-Oued, Zeghara, Climat-de-France qui proposaient un bon produit. En plus, ils formaient des jeunes qui assuraient la relève. Lui-même nous dira que les services sociaux de l'APC d'Alger-Centre lui confiaient des jeunes pour les initier à l'art de la cordonnerie. « Tout cela fait partie du passé ». Abderrahmane doit travailler en réparant les chaussures pour assurer la pitance à sa petite famille. Son échoppe ne désemplit pas vu le travail bien fait. Plus bas, c'est Ali qui a installé une petite table sur laquelle il étale des clous, de la colle, des bouts de cuir et des semelles. Ali, ayant quitté l'école trop tôt, vit depuis dix ans de petits boulots. Il n'a pas pu suivre un cursus scolaire normal. Après plusieurs séjours en prison pour différents délits, il s'est résolu à « travailler ». Il s'en sort bien en rendant de menus services aux gens : les talons qui « lâchent », des semelles mal collées, etc. Il n'a pas de registre de commerce, seule sa volonté de s'en sortir et d'être utile, moyennant un apport financier compte pour le moment. Ali pense à plus tard. Il veut une formation professionnelle qualifiante dans le domaine de la plomberie, avoir un magasin. Cela reste un projet. En attendant, il occupe son temps à réparer les chaussures. Au bout de la rue Abane-Ramdane, c'est Rabah qui répare la semelle d'une pantoufle qui s'est décollée. A l'aide de fil et d'une alène, il fait des points bien serrés. La cliente est sur place. Elle paye le service et s'en va. Rabah travaillait comme caissier aux Galeries algériennes. Il a fait plusieurs boulots chez des particuliers sans s'attarder. En s'intéressant à la cordonnerie, il a trouvé sa « vocation » et surtout, aucun chef pour lui demander des comptes sur les horaires. Son rêve est d'avoir un local et bénéficier d'une aide financière de l'ANSEJ pour travailler dans la légalité et fidéliser sa clientèle.


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