Algérie

Un métier quasi disparu



Un métier quasi disparu
Il n'y a pas longtemps, les femmes allaient au hamman avec une tassa en cuivre bien ornée. Une manière de signifier que cette personne est « à la page » ou encore « fille du bled » en comparaison avec les autres qui ramenaient un récipient en plastique pour puiser l'eau pour se laver. A la maison, il est inconcevable de ne pas avoir des plateaux de forme ovale, des cafetières, des théières, des brocs pour le lait et le sucrier en cuivre (nhass) bien travaillé. D'ailleurs, dans les années 60, une ruelle, jouxtant la mosquée Ali Betchine, à la place des Martyrs, menant à la haute Casbah, grouillait de dinandiers travaillant différents objets en cuivre. Le cliquetis du burin berçait l'espace étroit. Le commun des mortels est subjugué par la finesse du travail des dinandiers qui rivalisaient chacun d'ornements ou autres dessins sur chaque objet. A l'époque, la mariée doit obligatoirement prendre avec elle un mahbess, un récipient cylindrique avec anse (l'équivalant d'un seau) rempli de makrout (gâteau confectionné avec de la semoule trempé dans du miel). Actuellement, rares sont les familles qui perpétuent cette tradition. Le makrout a remplacé le plateau de baklava et autres mets à base d'amandes. Houria, qui a marié sa fille il y a quelques mois, à une famille algéroise, a fait le tour de ses amis et proches pour trouver un mahbess. Elle voulait, par ce geste, honorer cette tradition puisque sa fille Meriem n'a pas opté, pour sortir de la maison parentale avec la robe blanche, mais avec le « haïk », un drap tissé avec un fil spécial avec lequel les Algéroises s'enveloppaient le corps pour ne laisser apparaître que le visage. Pour revenir aux objets en cuivre, les femmes de la Casbah s'ingéniaient pour faire briller ces ustensiles. Si certaines employaient de la cendre du kanoun mélangé à du jus de citron, d'autres, par contre, utilisaient de la farine. Plus tard, un liquide ocre « mécano » a remplacé les deux astuces citées. Houria, qui a hérité de plusieurs ustensiles en cuivre de sa maman, n'ose pas les exhiber dans la vitrine de sa desserte. Elle les a entassé dans un carton qu'elle a mis sur une étagère loin des yeux. Peut-être qu'un jour ils seront offerts à un musée. Qui se souvient de ce métier de dinandier qui a connu son âge d'or jusqu'aux années soixante dix ' Toutes les échoppes qui brillaient de mille feux avec ces objets en cuivre ou en laiton ont changé de métier pour devenir des fast-foods ou des épiceries. Autres temps, autres m'urs, le métier de dinandier va être bel et bien enterré ou disparaître au même titre que les photographes ambulants. La mode est à la vaisselle, bon marché, importée de Chine ou de Turquie. Les plateaux et autres brocs proposés sont en verre, en faïence, en plastique ou en inox. Les formes et le design rivalisent avec l'ingéniosité des uns et des autres. Faut-il arrêter la création ' Que reste-t-il de ce métier et de ces ustensiles qui ont fait et font notre identité et notre culture ' Aucune politique encore moins une stratégie n'ont été mises en œuvre pour sauver ce qui peut être sauvé. Les rares magasins qui proposent les objets en cuivre sont hors de prix. La relève n'a pas été assurée. Bien sûr, chaque génération a sa mode vestimentaire et son style de vie mais, mais comme le dit si bien l'adage, « Il faut aimer le nouveau sans délaisser l'ancien ». Il est inconcevable de proposer à un touriste ou un étranger qui vient pour la première fois visiter notre pays un plat de sa région ou des objets et autres ustensiles importés. Un touriste cherche avant tout le dépaysement et la découverte.




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