Algérie

Un métier aux mille misères



Les tailleurs de pierre sont exposés au risque de maladies incurables liées à la respiration de la poussière ainsi qu’aux accidents mortels,  les chutes de pierres du haut des falaises.Avec un taux de chômage qui dépasse 45% de la population en âge de travailler, la municipalité de Yakourène (50 km au nord-est de la ville de Tizi Ouzou) accuse, malgré des efforts, un énorme retard en matière d’embauche et de création d’activités au profit des demandeurs d’emploi. De ce fait, la population locale notamment, les jeunes chômeurs sans diplômes ou diplômés des universités ou des centres de formation professionnelle sont contraints d’exercer d’autres activités artisanales, telles que l’extraction et la taille de la pierre, un métier  hérité de leurs aïeux et pratiqué à grande échelle dans cette région aux multiples falaises rocheuses, avant, pendant et après l’ère coloniale. Tels des forçats, ils sont nombreux les villageois issus de différentes localités à opter pour ce gagne-pain, du moment que ce travail est leur unique source de profit. Tamlit, Hadjadj, Tizi t’Ghidet…, sont autant de bourgs et de villages où les “galettes” de pierre de toutes dimensions et de diverses couleurs, sont produites quotidiennement par centaines d’unités. Le produit est utilisé dans des constructions diverses et se vend comme des petits pains, tant la demande est sans cesse grandissante. Acheminé par des tracteurs agricoles des lieux d’extraction vers les endroits où se fait la vente, généralement sur les bordures de la RN12 où des camions à grand tonnage affluent de plusieurs régions du pays (Béjaïa, Sétif, Batna, Alger…) et se garent en file indienne en attendant d’engager les négociations comme dans un souk, avec les vendeurs de pierres. La marchandise est cédée entre 45 et 75 DA l’unité, suivant la qualité et les dimensions des pierres proposées aux potentiels acheteurs qui l’acheminent dans d’autres régions du pays où ils la revendent à leur tour avec une assez large marge bénéficiaire. Les extracteurs de pierres sont en outre les principaux fournisseurs des ateliers de taille de la pierre disséminés un peu partout dans la région et desquels sont reçues diverses commandes variées en qualité et en quantité. Le choix des immersions et des formes voulues desdites galettes de pierre est mentionné à l’avance dans les commandes. Cependant, malgré les sommes d’argent importantes tirées de ce job qui permet aux ouvriers de nourrir leurs familles, ces artisans sont exposés quotidiennement aux maladies incurables, liées à la respiration de la poussière soulevée par les outils de travail (marteaux, disques à meule, burins...) mais aussi, par les accidents mortels tels que les chutes de pierres du haut des falaises. D’ailleurs, il y a quelques jours seulement, un de ces artisans, T. A., 50 ans, originaire du village Tamliht, est décédé suite à un accident de travail survenu dans l’un des chantiers d’extraction de pierres. La victime, en plein labeur, avait reçu alors une grosse pierre qui s’est détachée d’une falaise pour lui écraser la cage thoracique. On se rappelle encore du décès, il y a deux années, d’un tailleur de pierre emporté par une longue maladie qui avait fini par ronger ses poumons.
La victime ayant exercé son métier durant de longues années dans son atelier. Ainsi, le métier de l’extraction et de la taille de pierres qui reste un travail à haut risque, continue de faire des victimes parmi les ouvriers qui l’exercent. Pis encore, de nombreux paysans qui pratiquent ce job “au noir”, sans assurance ni prise en charge médicale, se retrouvent souvent, du jour au lendemain livrés à eux-mêmes, après un accident de travail, et, de ce fait, ne doivent leur survie que grâce à l’entraide des villageois.
Des ouvriers rencontrés sur des chantiers ne cachent pas  leur amertume d’exercer ce métier “par contrainte”, avec l’espoir d’en changer un autre un jour. “J’ai un ami qui a travaillé pendant plusieurs années dans la taille de la pierre. Néanmoins, après avoir mis une somme d’argent de côté, il a fini par ouvrir un commerce qu’il gère actuellement avec son fils aîné, car ne voulant en aucun cas que ce dernier hérite du métier de la taille de la pierre, trop dangereuse”, dira un de ses artisans qui, visiblement, a hâte de changer d’activité.


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