Algérie

Un message d'amour et de mémoire



Un message d'amour et de mémoire
Faire voyager un message d'amour au gré des vents et du temps, traversant eau, boue et sang et survivant à l'?uvre dévastatrice de la colonisation française, Lam Lê l'a fait avec l'âme vietnamienne pour donner naissance à Poussière d'empire, un long métrage de fiction.Nous sommes au c?ur de la guerre d'Indochine. Un soldat vietnamien, dans le feu de la guerre, sort de sa veste de treillis un bout de papier sur lequel est transcrit un message à transmettre à sa femme enceinte. Il le colle sur le cerf-volant d'un petit garçon qui sera le premier maillon d'une longue chaîne de transmission d'un message emporté comme par une bouteille jetée en mer. Mais une «mer» agitée que fut celle de la colonisation française menée aussi par le moyen des missions religieuses. Une S?ur et un sergent débarquent dans une cabane d'un pauvre Vietnamien pour semer la parole chrétienne à travers des images projetées, à la manivelle, sur le blanc d'un tissu frappé de la croix.La mission religieuse vient bousculer la tradition symbolisée par une armoire à tiroirs contenant les cendres des combattants. Dans la logique d'une colonisation synonyme d'irrespect et de destruction, le sergent viole le sacré en ouvrant les boîtes à cendres. La cabane, montée en studio à Paris, concentre alors des plans de dévastation, à l'image de la colonisation, de tempête, d'inondations et d'effondrements. Espace clos, étouffant et étouffé depuis l'arrivée de la S?ur et du sergent, la cabane symbolise un pays envahi, mais une Indochine dont les hommes semblent se multiplier après chaque mort, comme veut le suggérer la disparition du corps d'un combattant vietnamien de son cercueil.Comme une histoire dans une histoire, le voyage du message continue, transmis d'une main à une autre, d'une voix à une autre, d'un bout de papier à un autre, et d'un temps à un autre jusqu'à finir en petit éventail qui échouera comme cale à un vieux poste radio, témoin d'une lointaine époque, des années 60' où André Breton, l'écrivain surréaliste, s'en est allé et Mehdi Ben Barka, l'opposant marocain enlevé. Le bout de papier arrive enfin à destination, auprès de la femme travaillant chez les Français de «La villa des roses», à Paris, et dont la fille opère aussitôt un retour au Vietnam, libéré en 1975, allant sur les traces du père qu'elle n'a pas connu.A la fin du trajet, elle insère le bout de papier, qui a traversé le tumulte des ans, dans la «pierre de l'attente» qui, pendant la guerre, fut un lieu de rendez-vous. Bien des symboliques et des codes culturels s'insèrent dans Poussière d'empire, sorti en 1983, qui a clôturé, dans la soirée de samedi dernier, la 12e édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa dont l'enthousiasme suscité par certaines des 43 projections a été refroidi par d'autres beaucoup moins emballantes.«Ce film a circulé dans beaucoup de festivals internationaux en Occident, mais je suis vraiment honoré ce soir plus que dans tous les autres festivals, parce que c'est la première fois que ce film regarde les gens qui étaient dans l'écran, c'est-à-dire les ex-colonisés de l'empire français», a déclaré, à la fin de la projection, le réalisateur, considérant que «c'est la première fois, et sans prétention de ma part, qu'un film sur la colonisation du Vietnam a été montré du point de vue du colonisé.» «C'est très dur de faire un film au cinéma, mais il faut le faire pour avoir sa liberté totale de traiter des sujets comme celui-ci. Sans cela, on fera toujours des films sur la colonisation tel que l'empire le veut», estime Lam Lê, qui ajoute que «chaque fois qu'(il) fait un film (il) pense à tous les combattants vietnamiens qui ont déplacé pièce par pièce les canons sur la colline de Diên Biên Phu pour gagner la bataille.»




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