Algérie

Un match dans le match



Un match dans le match
Juin 1982, c'est la Coupe du monde espagnole. Les Verts, pour la première fois de leur histoire, sont présents parmi les 24 meilleures équipes du monde. La nouvelle génération de footballeurs, produite par la réforme sportive, lancée et modelée par le Soviétique Rogov, avait fait un sans-faute pour obtenir son billet au terme d'une éprouvante phase qualificative africaine qui donnait droit à deux places seulement. Comme l'Algérie, le Cameroun, avec une pléiade de stars, avait, lui aussi, réussi son examen de passage.Mais pas le Nigeria, grand favori de l'époque, qui fut justement écarté par une sélection algérienne qui avait séduit par son potentiel technique et son mental. L'Algérie, dans cette épreuve éliminatoire, avait déjà affiché des ambitions qui promettaient. La route vers le pays de l'Andalousie s'ouvrait à elle donc presque naturellement. Une qualification pour un Mondial, c'était déjà pour nous une performance qui nous comblait de plaisir d'autant qu'elle venait boucler la participation maghrébine après celle du Maroc en 1970 et de la Tunisie en 1978. Nos voisins n'avaient pas tellement brillé, mais n'avaient pas trop déçu compte tenu de leur inexpérience. L'Algérie pouvait-elle faire mieux ' Les adversaires de son groupe ? Allemagne, Autriche et Chili ? ne laissaient pas beaucoup de place à l'optimisme.Les pronostics n'allaient pas vers le haut. On ne savait pas quoi penser vraiment. Mais unanimement, on disait quand même, pour se donner bonne contenance, que «c'était jouable» sans trop y croire. Suivra cependant une longue et interminable série de projections et de spéculations qui donnèrent beaucoup de piment à cette participation. Je me rappelle que dans toutes les hypothèses formulées avec une passion débordante et souvent insensée, on accordait rarement une victoire algérienne contre le redoutable représentant de la Mannschaft. Les plus audacieux risquaient un nul qui relevait plus du miracle que d'une réelle opposition. Bref, on allait dans l'inconnu, sauf qu'on n'avait rien à perdre mais plutôt tout à gagner dans cette fabuleuse aventure inscrite comme une première expérience salutaire pour l'avenir de notre football.D'autant, affirmait-on encore, que le Chili qui n'était pas un foudre de guerre et l'Autriche juste solide et moyenne sur le plan européen donnaient moins d'inquiétude que cette terrible machine allemande qui rasait tout sur son passage. En vérité, les Algériens n'étaient pas très rassurés et c'est auprès de leur équipe qu'ils allaient finalement retrouver cette confiance qui semblait les fuir. Pardi ! Mais elle a beaucoup d'allure, cette sélection. Et du talent, qui a toutes les qualités pour surprendre. Le savant dosage joueurs locaux-pros évoluant à l'étranger effectué par le staff technique donne des résultats inespérés. Les places en sélection deviennent de plus en plus chères. Les pros, le grand Dahleb en tête, doivent batailler pour être retenus.C'est quasiment une EN conquérante qui s'apprête à relever le défi après avoir fait encore plus sensation pendant les matches de préparation contre de prestigieux sparring-partners qui repartaient d'Alger complètement désorientés. Les Algériens, au fil des rencontres, découvraient ainsi une équipe qui non seulement avait du culot, mais surtout un talent fou et un niveau de performance jamais atteint jusque-là. Un mondialiste authentique est né dans la douleur du travail accompli et l'euphorie d'une participation qu'on ne voyait désormais plus comme une simple formalité. Il fallait commencer par l'Allemagne pour s'en convaincre et ce 16 juin 1982, c'est une page mémorable qui sera écrite à travers une victoire algérienne nette et sans bavure qui allait résonner comme un coup de tonnerre dans le ciel serein du Mondial ibérique. En fait, il n'y a pas eu de miracle, contrairement à ce qu'on avait dit à l'époque.C'est simplement que l'équipe algérienne était supérieure à son adversaire dans tous les compartiments de jeu. Au demeurant, quand on avait approché la veille nos joueurs, il n'y avait sur leur visage, à part la concentration et la grosse pression qui pesait sur leurs épaules, aucune trace d'inquiétude particulière. Ils nous étonnaient en revanche par leur sérénité et leur volonté de vouloir prouver qu'ils avaient leur mot à dire, même devant un calibre de cette dimension qui avait les faveurs de la presse mondiale. Il faisait chaud à Gijon, et la victoire arrachée de haute lutte par les nôtres avait une valeur plus que symbolique.Elle montrait que le football n'est jamais une science exacte. Les Germaniques n'avaient rien compris à ce qui venait de leur tomber sur la tête. Déjà très, trop arrogants, ils sont entrés sur le terrain en pensant au match suivant. Devant les journalistes, ils parlaient de l'Algérie comme d'un sujet juste bon à améliorer le goal-average. Ils firent hurler de rage leurs fans et la presse locale et durent passer par une scandaleuse combine avec les Autrichiens pour accéder au prochain tour. Les langues se sont déliées bien plus tard pour confirmer ce scandale couvert, pour des considérations marchandes évidentes, par la FIFA pour protéger l'un des compétiteurs dont la survie est associée au business.La consolation pour l'Algérie, injustement éliminée, aura été à l'origine de la décision prise par l'instance internationale pour faire jouer désormais tous les matches à la même heure afin d'éviter le trucage des matches. Et voilà qu'on retrouve sur notre chemin ce même adversaire qui a permis aux Verts d'inscrire en Coupe du monde l'un des plus retentissants exploits. Algérie-Allemagne ! Va-t-on réécrire l'histoire ' En tout cas le hasard du calendrier a tout pour nous replonger dans le passé. Trente-deux ans en arrière, ce n'est pas rien. Nous remettre dans l'ambiance mythique de ce fameux match de Gijon qui avait valu à notre éblouissante sélection un prestige international que les Algériens retiennent comme référence à jamais gravée dans les mémoires.Le temps a passé depuis et le Mondial a évolué. Les générations changent. Et les grandes équipes n'ont plus la marge d'avant pour jouer sur du velours. C'est que les petites formations ont appris. Elles se permettent aujourd'hui de jouer sans complexe dans? la cour des grands. L'EN cuvée 2014 sait que ce match est un peu spécial. Elle a conscience qu'il y aura un match dans le match. Une double dimension. Mais contrairement à hier, la pression a changé de camp. La peur aussi?




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