Algérie

Un logement vendu trois fois et le promoteur évoque une erreur de gestion



Situé à Aïn Benian, à l’ouest d’Alger, le projet de la résidence le Grand Rocher est prévu sur une assiette de 3870 m2 qui, à l’origine, était composé d’une vieille bâtisse appartenant à un certain Khaled Zerhouni, un médecin résidant en France. La vente  du terrain a été effectuée en juillet 2009 par le propriétaire au profit de la Sarl Bâtisseurs Traditionnels, représentée par son gérant, Hadj Zoubir Miloud, en vertu d’une promesse de vente notariée (valable trois mois) pour un montant de 232 200 000 DA. Etant donné qu’une seule partie de ce montant a été versée, la procédure de transfert de propriété n’a pas été achevée.
Le promoteur, après avoir introduit des demandes de permis de construire, lance la vente sur plan de 44 logements haut standing situés dans 9 blocs de 3 étages et un autre de 2 étages devant être livrés en octobre 2010.
Le chantier démarre mais n’avance pas. Les demandes de permis de construire ne reçoivent pas de réponse. Fin 2010, quelques acquéreurs décident de retirer leur argent. Le promoteur refuse.
Certains d’entre eux menacent de recourir à la justice. Ils reçoivent des chèques mais… sans provision. Début 2011, les travaux du chantier s’accélèrent. Des blocs commencent à apparaître. Au niveau de l’APC de Aïn Benian, il est clairement indiqué «qu’aucun document autorisant la construction n’a été délivré» au promoteur. Ce dernier ne possède que le plan d’architecture et d’assainissement, mais au nom de Khaled Zerhouni. Au Fonds de garantie et de caution mutuelle de la promotion immobilière (FGCMPI), il est clairement indiqué que le projet en question n’a pas fait l’objet d’une demande de garantie, disposition pourtant obligatoire pour tout versement pour un achat de logement sur plans. Mieux, pour qu’un promoteur immobilier puisse effectuer ce type de vente, il doit signer un contrat de vente sur plan et souscrire une assurance obligatoire dénommée «attestation de garantie» auprès  du FGCMPI et annexé (obligatoirement) au contrat. Or, le promoteur a opté pour des contrats de réservation dont les premiers ont été signés au mois de juin 2009 (sic !) et qui comportent tous des versements de 23 clients, totalisant 246 millions de dinars.
Pourtant, la loi stipule que les contrats de réservation n’ouvrent pas droit au paiement. De plus, juridiquement, ce genre de contrat n’a aucune valeur, contrairement à ceux de vente sur plans, soumis à l’enregistrement et à la publicité.
Informés de ces anomalies, des acquéreurs ont saisi la justice. Entre temps, l’APC de Aïn Benian met en demeure le promoteur d’arrêter les travaux. Mais trop tard, les gros œuvres sont déjà réalisés. L’affaire prend une autre dimension après la plainte déposée contre la Sarl Traditionnel Bâtiment détenue par le même promoteur, à savoir Hadj Zoubir Miloud et gérée par son fils Nassereddine, pour «escroquerie». Après avoir payé l’ensemble des échéances pour l’achat d’un F3, un acquéreur de la résidence La Roseraie
II a obtenu un acte notarié délivré pour un logement affecté trois autres personnes. Des mises en demeure de quitter ledit appartement lui ont été signifiées par huissier de justice, le poussant à  déposer plainte auprès du procureur du tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d’Alger, début février 2011.
L’instruction tarde à élucider l’affaire, mais l’audition des nombreux témoins et des victimes va permettre de lever le voile sur d’autres anomalies, à savoir l’existence de 46 contrats de réservation pour 24 appartements qui, initialement, étaient au nombre de 23, dans un immeuble composé de deux sous-sol, d’un entresol, d’un rez-de-chaussée surmonté de 5 étages. Dans un premier temps, le promoteur a cédé les 2e et 3e étages (deux F4 et un F3 chacun) à quatre clients différents, avant de les vendre une seconde fois à une seule personne. Les 6e et 7e étages, qui n’existent même pas, ont été, eux aussi, vendus avec des contrats de réservation. De nombreux acquéreurs se retrouvent affectés dans des appartements déjà vendus. A la Roseraie I, située sur le même site, les nouveaux propriétaires se sont joints aux contestataires pour réclamer les actes de propriété des appartements qu’ils ont acheté auprès du même promoteur et ce, depuis 2004. Des actes impossibles à obtenir du fait des réserves émises par la Protection civile pour des considérations de sécurité et par le fait que le terrain lui-même soit hypothéqué par le promoteur auprès de la BEA en contrepartie d’un prêt.
La banque a été très claire dans le courrier qu’elle a adressé à l’un des acquéreurs, faisant état de «l’insolvabilité avérée» du promoteur.  
Pour toutes ces raisons, les copropriétaires se sont organisés en collectif pour attaquer en justice le promoteur. La première procédure a vu son audition et celle de son fils en tant que gérant de la Sarl Traditionnels Bâtisseurs, début mars dernier.
Après une confrontation avec les victimes, Miloud Hadj Zoubir est interdit de quitter le territoire national. Une notification aux postes de police est envoyée le 30 mars 2011. Vingt-quatre heures plus tard, c’est-à-dire le 31 mars, le mis en cause quitte le pays.
 


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