A vrai dire, lesjumelages entre certaines villes algériennes et leurs homologues étrangères, laplupart françaises, est rarement un pôle d'intérêt pour l'opinion publiquenationale en général, les associations, les membres de la société civile, nimême pour les populations des cités concernées par ses « connexions »,protocolaires et dont le bénéfice est souvent improbable. De fait, et dans laplupart des cas, ces « opérations marketing » de jumelage, ne semblent pasavoir eu, depuis le temps, une réalité pour la majorité de nos concitoyens.Quoi qu'il en soit, questionnés à ce propos, ils restent dubitatifs et sont,pour la plupart, bien incapables de mettre du sens sur les actions qui sedéclinent à l'enseigne de cette formule de coopération un peu particulière.Bien au contraire, nombreux sont ceux qui dénoncent les présupposés anciens,liés à cette notion de coopération «intervilles», aujourd'hui passée de mode,et expriment leurs doutes sur une affaire, somme toute, de banales relationsextérieures pour les Etats. Et dans ce registre, il en va des jumelages commede beaucoup d'autres actions du même genre, dédiées à la coopération, enAfrique et dans le monde entier, mais sans plus. Pour les spécialistes attentifsaux réalités de ce type d'échange, le cas de l'actualité 2006/2007, du jumelageentre Constantine et Grenoble, et qui vient de faire l'objet d'une noted'information, largement diffusée par la cellule de communication de l'A.P.C, àl'heure des bilans de fin de mandat, vient opportunément illustrer le hiatus,et vaut franchement le détour. Il faut le rappeler, le protocole d'accord entreConstantine et Grenoble, signé dans la capitale de l'Est algérien en 1999, etqui a pris, nous dit-on, « une extension considérable depuis 2002 », englobeplusieurs axes : la coopération technique entre les deux villes, le jumelageentre les différentes institutions, comme l'université, l'hôpital et la cour dejustice, sans préjudice du volet socioculturel, avec, en parallèle, la créationen 2003 de « l'association d'Amitié Grenoble Constantine ». Ainsi, et selon le document diffusé parl'A.P.C, « l'actualité du jumelage durant les dernières années, et laprojection des actions à mener peuvent être cernées grâce aux résultats, entreautres sources d'informations, de la dernière mission d'évaluation des projetsen cours effectuée à Constantine en avril 2007 par une délégation grenobloise». Sont concernés donc, par cet inventaire, aux allures de constat exhaustif,affiché par ladite commission d'évaluation : les secteurs de l'Urbanisme,l'Environnement (déchets urbains et espaces verts), la Culture (conservatoire,bibliothèques, échanges de jeunes), la relation entre les C.H.U, les cours dejustice et enfin le mouvement associatif. A la vérité, l'état des lieux qui estdressé des actions menées, s'il atteste de l'existence d'un jumelage de laville de Grenoble avec Constantine, il fait la preuve aussi qu'il y a loin dela coupe aux lèvres, disent nombres d'observateurs avertis de la scène locale. Dans le domaine de la santé, par exemple, ilest de notoriété publique que le C.H.U de Constantine est lié historiquement àcelui de Strasbourg, et que les relations avec le C.H.U de Grenoble, dont onfait état, sont trop récentes et épisodiques, depuis 2005, date à laquelle leséchanges de praticiens se sont mis en place, pour donner lieu aux satisfecitsque s'accorde généreusement la municipalité. A ce titre, la chronique dujumelage fait une place, là aussi, aux auto-congratulations impromptues, ens'appropriant les rendez-vous de la coopération liée aux échanges d'expérienceentre les deux cours de justice, de Constantine et Grenoble, et qui a permisaux magistrats algériens, à l'occasion de la tenue de la dernière conférence surle vieux rocher, en avril dernier, de se familiariser avec l'expériencefrançaise, dans le traitement des «affaires liées au crime organisé, à laprotection de l'enfance en danger et à la gestion des affaires familiales». Dans la même logique, le secteur del'Urbanisme, globalement en jachère, est pavé de bonnes intentions. Le fait estque l'existence de certains projets, comme le mal nommé « cra-terre » mené parles deux universités de Constantine et Grenoble pour la restauration d'une «maison constantinoise », ne peuvent en aucun cas servir de tamis pour couvrirles besoins réels en la matière, à la dimension d'une cité millénaire,l'antique Cirta, qui mérite une implication technique importante et d'une autredimension, au niveau des grandes institutions internationales, telles l'UNESCO,tant le chantier, à ouvrir, de la restructuration de la vieille ville,aujourd'hui en ruines, est gigantesque. Que l'on présente le projetd'informatisation des directions (urbanisme, réalisation, moyens généraux, assainissement)comme une fin en soi, le décalage est franchement remarquable. Concernant les problèmes d'environnement,alors que la coopération avec Grenoble est « vieille » de près d'une dizained'années, l'on nous dit, sans sourciller, qu'en vue de la concrétisation dujumelage dans ce domaine, nos partenaires nous ont présenté en septembre...2006, les dernières évolutions techniques en la matière, «incinération sansfumée, gestion des déchetteries» etc... les Constantinois sont-ils invités à seréjouir de ces propositions grenobloises tardives, et dont on fait étattriomphalement, aujourd'hui, ou à pleurer d'être obligés de vivre encore sousles nuages des décharges municipales à ciel ouvert ? La question vaut,assurément, son pesant de terrains vagues, Grenoble, nous apprend la précieusesource d'information de l'A.P.C, comme pour nous oxygéner virtuellementl'esprit, compte quelque 2000 hectares d'espaces verts. Et Constantine danstous ça ? Le seul espace vert digne de ce nom, le jardin Benacer, au centre-villeest fermé depuis quatre ans ! A propos de la bibliothèque municipale, lefait de savoir que la ville de Grenoble est prête « à envoyer et à recevoir »des professionnels qui seraient chargés de sa mise à niveau, ne peut en aucuncas, faire oublier l'état de sinistre de son fond documentaire, et dont lesouvrages en français notamment, selon des sources crédibles, par dizaines decentaines, et d'une valeur inestimable, il y a de cela quelques années déjà,ont été débarqués des rayons et stockés dans des cartons, au fond d'une cave,puis, semble-t-il, perdus lors d'une inondation... l'actualité du jumelageaurait voulu que l'on dressa plutôt l'inventaire de l'enrichissement du fonddocumentaire. Globalement et dans le détail, que l'on soitencore, en Algérie, à brandir les séjours en France d'une poignée d'élèvesméritants du B.E.F et les cyber-jumelages, comme des projets de développementaboutis, il y a comme un défaut, dans ces échanges franchement inéquitables,mais qui ne sont pas, certes, perdus pour tout le monde.
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Posté Le : 23/06/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Ben
Source : www.lequotidien-oran.com