Comme tous les matins, Dahmane est dehors à six heures et demie, ce n'est pas toujours aussi précis mais c'est dans ces zones-là. D'abord parce que Dahmane n'est pas un Suisse. Le pays de Guillaume Tell, il l'aime bien pour ses montagnes, son gruyère et son Roger Federer mais pas pour sa ponctualité. Pour tout vous dire, le zèle suisse sur le respect des minutes et des secondes l'agace un peu. C'est que Dahmane a une drôle d'histoire avec ce pays et ses horaires précis et il la raconte chaque fois qu'une occasion se présente. Les opportunités, on ne peut pas vraiment dire qu'il en a manqué, en l'occurrence. Dans un pays où tout le monde arrive en retard tout le temps pour ensuite se lancer dans d'émouvants discours sur le? retard, Dahmane a toujours eu de la matière. Vous l'aurez d'ailleurs remarqué, c'est avec un léger retard pas si léger que ça qu'on va vous raconter l'histoire de Dahmane en Suisse. Le long détour est inutile mais ce n'est pas grave, il n'y a pas de retard utile. Voilà donc ce qui lui est arrivé au pays des banques et des Rolex. Mais d'abord un intermède sur les Rolex.Parlant de Nicolas Sarkozy et son amour pour les montres de luxe, le célèbre publiciste Jacques Séguéla avait dit que quelqu'un qui ne peut pas s'offrir une Rolex à cinquante ans a raté sa vie. Quelqu'un de génial lui avait alors répondu ainsi : j'ai presque soixante ans, je n'ai pas les moyens de me payer une Rolex mais toutes les femmes que j'ai aimées m'ont regardé dans les yeux, elles n'ont jamais fixé mon poignet. Dahmane, comme tout le monde, n'aime pas Sarkozy et comme beaucoup, ne connaît pas Séguéla. Il faut quand même qu'on vous dise ce qui est arrivé à Dahmane en Suisse. Mais avant, il faut revenir au
début du texte. Dahmane est donc sorti de chez lui à six heures trente-huit. Trente-huit, pas parce qu'il est ponctuel comme un Suisse mais parce qu'il ne va tout de même pas s'amuser à calculer son retard. Ça aussi, c'est inutile mais ce n'est pas grave, même s'il y a des calculs utiles. Dahmane va donc entamer sa tournée matinale. Pour tout vous dire, non seulement Dahmane n'est pas un Suisse mais, en plus, il est toujours en retard partout. Ça ne l'empêchera pas pour autant de fulminer contre le boulanger, l'épicier et le buraliste qui ouvrent tard. Au retour, il raconte enfin son histoire suisse au voisin qui venait de sortir de l'immeuble.
Un jour, alors qu'il rendait visite à son fils installé à Zurich, il voulait prendre le train pour une autre ville, histoire de voir un peu du pays. Il achète donc un billet et le guichetier l'informe que son train partait six minutes après. Au moment où il allait s'éloigner du guichet, il rencontre quelqu'un qu'il avait connu à Alger, les embrassades et les évocations ont été tellement longues que le train était parti. Dahmane a même failli rater le second, qui partait vingt-cinq minutes après.
S. L.
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Posté Le : 29/11/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Slimane Laouari
Source : www.lesoirdalgerie.com