Algérie

Un jardin pour les réfugiés, comme à «la maison» L'organisation Internationale Rescue Committee (IRC) aux USA



Nidda se penche vers son carré de jardin et respire les zinnias qu'elle y a plantés :«Ils me rappellent ma maison», dit-elle en fermant les yeux.
La maison était à Bagdad. Le jardin est à Baltimore, près de Washington, où cette réfugiée irakienne, comme d'autres venus du Soudan ou de Birmanie, cultive fleurs et légumes pour se souvenir de sa patrie d'origine.
«Tout ce que je plante me rappelle le pays», dit Nidaa Haseeb Al Dafrawi, 70 ans, ancienne directrice d'école en Irak, alors qu'elle parcourt les allées d'une arrière-cour du centre de Baltimore (Maryland, est). Là, l'organisation non-gouvernementale américaine International Rescue Committee (IRC), via son programme New Roots (Nouvelles Racines), a installé une quinzaine de grands caissons qui servent de potagers hors sol où poussent okras, tomates, poivrons ou patates douces.
L'idée de créer ces jardins est née en 2007, à San Diego (Californie), avec l'objectif de «reconnecter les réfugiés à la culture de leur patrie en leur permettant de cultiver leurs légumes», annonce New Roots.
Depuis, ce programme a mis en place 38 de ces jardins dans 14 villes sur les 22 où l'IRC vient en aide à quelque 10 000 réfugiés par an, pour les aider à s'installer, se soigner, apprendre l'anglais ou se familiariser avec les arcanes de l'administration américaine, trouver un travail.
Baltimore compte deux de ces jardins communaux. Dans celui qui orne l'arrière-cour du local de l'IRC, les carrés portent chacun le nom de son jardinier et de ses cultures : Haregot, venu d'Erythrée, a planté des aubergines et des piments. Niang, venue de Birmanie, des courgettes et des haricots.
Nidaa Haseeb Al Dafrawi, qui vient au jardin au moins trois fois par semaine, a quant à elle planté des aubergines, des courgettes et des haricots verts, «tout ce qui me rappelle ma maison», dit-elle. «J'avais un jardin en Irak, on l'utilisait pour recevoir les amis, pour prendre les repas, les enfants y jouaient», se souvient-elle.
Puis la guerre est arrivée, la vie est devenue de plus en plus difficile, avec le chômage, les vols. L'enseignante est partie en Jordanie, son fils directement aux Etats-Unis où elle l'a rejoint il y a moins de deux ans.
Joyce Kedan, 32 ans, vient du Soudan du Sud. Elle a passé une quinzaine d'années dans des camps de réfugiés en Ouganda et a été envoyée il y a moins d'un an aux Etats-Unis par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. «Je suis très heureuse d'être en Amérique», dit la timide jeune femme qui ne parle que le dialecte madi ainsi que l'arabe de Juba, qu'un interprète traduit. Joyce apprend l'anglais, s'occupe de ses quatre enfants et vient au jardin «Quand je viens ici, je fais quelque chose de positif», dit-elle, et les ''haricots lubia'' qu'elle y cultive lui rappellent «la maison, quand je les mange», dit-elle. «J'avais un potager en Ouganda».
La plupart des réfugiés-jardiniers «sont des anciens paysans», dit Aliza Sollins, responsable du jardin, «ils avaient des potagers chez eux. C'est plus dans leur culture d'aller dans leur jardin chercher de quoi dîner que de l'acheter».
«Ils peuvent ainsi utiliser leurs compétences», dit-elle. Mais pas seulement. «C'est aussi un endroit pour rencontrer des gens, une sorte de thérapie.
Ils peuvent partager des souvenirs, parler de leur pays», ajoute-elle. Permettre l'accès à des «produits sains» et en faire la promotion fait aussi partie du programme. «Après des années dans des camps sans accès aux soins ou à de la nourriture équilibrée, certains réfugiés arrivent avec des diabètes de type 2 ou de l'hypertension», indique Karine Nankam, responsable santé du programme. De plus, «ils sont noyés sous le choix qu'ils ont ici et peuvent développer de mauvaises habitudes alimentaires, ce qui entraîne l'obésité ou d'autres maladies». «Notre but, c'est aussi de les aider à manger équilibré», dit-elle. «J'aime vivre en Amérique et j'ai décidé de vivre ici, je veux être une bonne citoyenne», assure Nidaa Haseeb Al Dafrawi, «je n'ai plus d'attaches en Irak». Mais avec ses aubergines, elle fera une ''maklouba'', comme là-bas.
F. F.


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