Algérie

Un jalon vers l'Etat algérien moderne


Réuni le 20 août 1956, à Ifri Ouzellaguen (Béjaïa), moins de deux années après le déclenchement de la Guerre de libération nationale, le Congrès de la Soummam a permis de doter le FLN et l'ALN de structures, d'une direction et d'un programme, au plan politique et militaire. L'événement s'est déroulé dans une totale clandestinité, à la barbe et au nez de l'armée coloniale, mais sans journaliste ni média quelconque pour consigner les faits et les rapporter. Les versions connues de cet événement partent des archives et des déclarations de participants ou de témoins directs. Ainsi, on sait que parmi les acteurs majeurs du congrès, figurent Larbi Ben M'hidi, chef de la zone V (cinq) et à qui a échu la présidence de la rencontre, Abane Ramdane, coordinateur d'Alger et qui a fait office de secrétaire du congrès, Zighoud Youcef, représentant de la zone II, Krim Belkacem de la zone III, Amar Ouamarane de la zone IV et Lakhdar Bentobbal de la zone II. Il y en avait d'autres, tout aussi prestigieux que glorieux, dont Slimane Déhilès, le commandant Azzedine, Si Lakhdar et Ali Khodja. Deux absents ont manqué à l'appel, notamment Mostefa Ben Boulaïd, mort au combat cinq mois auparavant, et Ahmed Benbella, représentant de la délégation étrangère, qui n'a pu rejoindre le territoire national. Il y avait aussi Ali Mellah qui n'a pu rejoindre les lieux, mais qui a dû dépêcher un représentant de la zone VI. Seize délégations en tout y étaient présentes, s'attachant à donner, certes, «une nouvelle dynamique à la Révolution», mais aussi à «signer une nouvelle union sacrée autour du FLN avec, en toile de fond, le rassemblement des maquis et les membres de la délégation extérieure», soulignera feu Djoudi Attoumi, ancien officier de l'ALN et historiographe de la Révolution, qui notera que les préparatifs ont commencé au début de l'année 1956, soit six mois avant l'échéance. Le souci de Larbi Ben M'hidi et de Abane Ramdane, « tandem exemplaire qui a conduit au succès du congrès de la Soumam », étaient de donner à l'insurrection déclenchée le 1er novembre 1954, « un développement qui la rende conforme au droit international », comme le souligne Henri Alleg dans son livre sur « La guerre d'Algérie ». Une série d'interdictions (pas d'exécution de prisonniers, pas d'égorgement, pas d'exactions) deux principes retenus par l'histoire (primauté du politique sur le militaire et celle de l'intérieur sur l'extérieur) et d'autres qui le furent moins (direction collégiale à tous les niveaux, fonctionnement démocratique dans les structures, contrôle, exemplarité des responsables) et des orientations politiques figurent dans la plateforme de la Soumam ratifiée à l'unanimité par les participants au congrès. En outre, le congrès a créé deux instances : le CCE (comité de coordination et d'exécution), composé de 5 membres, et le CNRA (conseil national de la révolution algérienne), composé de 17 membres et 17 suppléants représentant les différentes régions de l'Algérie. Pour la spécialiste en histoire contemporaine à l'université de Tizi-Ouzou, Mezhoura Salhi, qui intervenait samedi lors d'une rencontre organisée par l'association culturelle et historique «Tagrawla 54/62» (Révolution 54/62) et abritée par le musée régional du Moudjahid, le CNRA «a permis d'assurer une coordination à travers les différentes zones». «Le congrès de la Soummam a donné un nouvel essor à la Révolution en instaurant la coordination des actions, des opérations et des décisions », a-t-elle dit. La conférencière a observé, en outre, que le CNRA a «unifié les différents courants politiques autour d'un seul idéal, l'indépendance du pays, cimentant ainsi l'unité nationale». «La force de la Révolution algérienne a été la préservation de l'unité nationale aussi bien ethnique que territoriale, faisant ainsi échouer les tentatives du colonialisme français de diviser les Algériens», a insisté Mme Salhi. «Le génie du congrès de la Soummam est d'avoir jeté les jalons d'un état algérien moderne démocratique et social», a-t-elle conclu. Comme l'ont noté les participants à cette journée scientifique, le congrès de la Soummam a cimenté l'unité nationale. Toutefois, à l'époque, le principe de la primauté du politique sur le militaire, énoncé par le congrès, ne fut pas compris comme il le fallait (la lutte armée a un but politique) mais comme la volonté de minorer le rôle de chefs militaires. Tout comme, le principe de la primauté de l'intérieur sur l'extérieur fut interprété comme traduisant la décision d'évincer « les frères de l'extérieur ».
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