Algérie

Un intérim de fait et un pouvoir chancelant pour Bensalah



Le fait accompli. A compter de ce mercredi, la présidence de la République se retrouve avec un singulier locataire qui ne doit le prolongement de son statut de plus haut personnage de l'Etat qu'à la lecture «dans l'esprit» de la loi fondamentale faite par le Conseil constitutionnel.Une tournure qui vient ainsi remplir le vide dans la loi fondamentale du pays qu'a décidé de remplir à sa manière le Conseil constitutionnel, mais sans arriver à venir à bout du doute, pour le moins que l'on puisse dire, quant à la légalité de cette interprétation des textes de la Constitution. Interprétation que ne font d'ailleurs pas des constitutionnalistes avérés, ni les acteurs de la tourmentée scène politique et encore moins le commun des Algériens, tous pas du tout enclins à voir la reconduction du président de l'Etat par intérim qui avait pris le relais, le 9 avril dernier, dans le climat qu'il n'est même pas utile de rappeler, du Président «démissionné», Abdelaziz Bouteflika. C'est une issue qui vient couronner une succession de faits qui, quoi qu'en disent les parrains de la démarche, montre encore au grand jour combien la Constitution du pays est «fragile», en partie parce que le pouvoir qui l'avait fait adopter ne s'étant jamais mis dans la tête que le peuple sortirait un jour de façon aussi décidée et surtout avec toute la conviction requise qu'il était venu le temps de remettre en cause l'ordre établi et, par ricochet, étaler ainsi les failles de la première loi du pays.
Sans trop se soucier de ce qu'elle allait susciter comme réaction, le Conseil constitutionnel a donc donné sa bénédiction pour que Bensalah passe outre la mission d'organiser une élection présidentielle dans les quatre-vingt-dix jours de son mandat d'intérimaire ? projet dont on sait tous ce qu'il est advenu ? et ainsi prolonger un intérim avec comme mission : «convoquer de nouveau le corps électoral et parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel», écrivait le Conseil constitutionnel après l'annulation de la présidentielle prévue le 4 juillet. La motivation du Conseil constitutionnel pour justifier la reconduction de Bensalah, comme l'expliquait la spécialiste en droit constitutionnel Fatiha Benabbou il y a quelques semaines, est destinée vraisemblablement à éviter «la vacance de l'Etat» et faire en sorte, donc, d'assurer la «continuité de l'Etat». Ceci, en mettant en avant que dans le droit constitutionnel, on prend en compte ce que l'on appelle «un pouvoir de fait, appliqué dans des cas exceptionnels, comme cela s'est passé en 1992».
Une argumentation dont n'ont pas cure les millions d'Algériens qui continuent à battre le pavé chaque vendredi, autant que d'autres spécialistes de droit constitutionnel qui jugent, sans le moindre état d'âme, que Bensalah ne peut, à compter de ce mercredi 9 juillet, se considérer chef de l'Etat, lui qui est décrié si haut et si fort depuis bien avant son intronisation après que le chef d'état-major de l'armée préconisait l'application de l'article 102 contre le Président Abdelaziz Bouteflika.
Coup de force pour les uns, solution pour assurer la continuité au plus haut sommet de l'Etat, pour les autres. Deux avis qui s'entrechoquent et qui risquent d'alimenter encore plus la grande confusion qui règne dans la maison Algérie, suspendue entre ce que réclame la rue tous les vendredis et les réponses sous couvert de l'attachement à la Constitution de la part du chef d'état-major de l'ANP. Mais, en tous les cas, personne ne peut nier la fragilité dans laquelle se retrouve le pouvoir chancelant et qui ne tient que par la grâce de l'autorité de l'armée qui ne cache plus son rôle d'acteur politique, pour ne pas dire du rôle de celui qui décide de tout.
Azedine Maktour


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