«Les nations ont besoin de héros et de saints comme la pâte a besoin de levain.» Gustave ThibonJe suis vraiment dans la panade! Mon ancien collègue et ami, Benamar, qui m'envoie souvent des messages sympathiques sur «Facebouc» et qui a apprécié ma chronique sur Shashnaq 1er, m'a prié d'écrire un livre avec un héros bien de chez nous. Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il voulait dire par «bien de chez nous». Sous-entend-il que le protagoniste de mon histoire doit être né obligatoirement entre Tizi Nath Aïcha et Melouza,et entre Beni Amrane et Bordj Bou Arréridj ou bien tout simplement faire partie de ces millions d'individus, si différents et si semblables qui évoluent entre Dunkerque et Tamanrasset' C'est un choix difficle que de contenter tous les lecteurs potentiels que de choisir un profil très courant. Car, chaque lecteur doit pouvoir se reconnaître dans ce héros qui doit vivre des aventures palpitantes comme ces travaux d'Hercule, de Robin des Bois réunis, qui feront rêver toutes les gens usées par la médiocrité de la vie. Il me faudra éviter les écueils de la banalité: prendre «un fils du pauvre» et lui faire escalader les nombreux échelons sociaux ne serait pas crédible aujourd'hui pour la simple raison que les jeux sont faits et que ceux qui sont nés pauvres ont des chances de mourir misérables. J'éviterai aussi l'ancien moudjahid: il y a tellement de faux aujourd'hui que mon héros n'aurait plus l'étoffe d'un héros mais tout simplement de quelqu'un qui cherche à vivre confortablement d'une rente acquise par le sacrifice des martyrs. Je ne prendrai pas non plus un personnage historique car mes connaissances en histoire sont limitées et je me rendrais coupable d'anachronismes. Il me faudra alors lui choisir un nom: doit-il résonner comme un raccourci de l'Histoire pour contenter un peu tout le monde, au risque même de provoquer un court-circuit sur les pages de l'état civil, un nom d'avant la conquête arabe et un prénom venu du Moyen-Orient' Ou bien déformer le nom actuel tel qu'il est délivré par la mairie de Ksar Chellala et le «moyen-orientaliser» pour plaire au courant dominant' Ainsi, Bouguerra deviendrait Abou Djerra! Il est peut-être préférable d'opérer comme cet écrivain français qui avait pris un pseudonyme de chez nous pour nous conter les aventures palpitantes de Mourad Saber (SM pour les intimes), agent secret algérien, au temps où la Sned remplissait ses entrepôts de tonnes d'invendus.Saber Mourad! Un nom qui s'annonce comme tout un programme! Volonté et stoïcisme! Détermination et endurance sont les qualités nécessaires pour un héros chargé d'une mission aussi dangereuse mais ô combien enthousiasmante! Une fois le nom trouvé, adopté et transmis à la Société des droits d'auteur (cette fameuse société qui avait construit avec ses fonds propres son siège social à Châteauneuf avant d'être expropriée par d'éphémères pensionnaires de Club des pins...), il restera la lourde tâche de lui coller un physique, ses traits et ses caractères qui font de chaque individu un être semblable à ceux de son espèce mais unique en son genre quand on y regarde de près... Doit-il être grand et fort, avec un corps athlétique, façonné par des années d'un dur entraînement physique, un regard bleu acier, froid, comme celui que possèdent ces hommes de main dont la mission est de liquider les opposants dans les capitales étrangères' Doit-il être monsieur Tout-le-Monde, menton rasé et ventre rond au risque de passer pour un notaire déguisé en agent immobilier' Doit-il être glabre comme ces stewards des grandes compagnies aériennes, qui font chavirer les belles étrangères sur la ligne Alger-Tamanrasset' Peut-être aura-t-il la moustache triomphante de Kaci-Tizi Ouzou ou celle chaplinesque de l'inspecteur Tahar ou de Rouiched' Arborera-t-il une barbe mi-figue, mi-raisin comme celle de Belkhadem ou une moustache insolente et malicieuse comme celle de Ouyahia' Aura-t-il le distinguo d'un Sid-Ahmed Agoumi (le dernier grand admirateur de Linda de Souza, qui coule actuellement des jours tranquilles à Clichy, sur une scène pas loin de la Seine) ou bien le masque carnavalesque, digne de la commedia dell'arte de Fellag' Aura-t-il la bonhomie d'un Boubegra qui aurait le franc-parler et la naïveté du frais bouseux fraîchement débarqué de ses Hauts-Plateaux, ou la préciosité d'un élève du Conservatoire, modelé par les longues répétitions de chansons andalouses' Parlera-t-il avec le ton pédagogique d'un Premier ministre qui donne des leçons d'économie politique à des députés convaincus d'avance mais qui écoutent religieusement ce discours à sens unique tel un prêche' Ou bien aura-t-il la voix doucereuse de ces hommes d'affaires qui, en quelques mots, peuvent vous convaincre d'avoir fait une bonne affaire alors qu'ils vous arnaquent jusqu'au trognon'
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Posté Le : 05/02/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com