Algérie

Un héros comme on n'en fait plus


Un héros comme on n'en fait plus
Les héros de la Révolution algérienne ne doivent pas être salis. Pourquoi vouloir douter de la valeur d'un combattant tel que Yacef Saâdi ' Les moudjahidine de la Révolution de novembre 54 ne peuvent être jugés par des harkis. Le harkisme est un phénomène qui dépasse la seule traîtrise des armes. Et si le harkisme, c'est aussi trahir le peuple en le privant du pouvoir à se gouverner par lui-même ; c'est aussi l'atteinte à notre patrimoine culturel et historique.Les services spéciaux français préparaient une opération de grande envergure, devant faire taire à jamais la voix du FLN à Alger. Et pour cela, il disposait d'une arme secrète qui pouvait permettre aux autorités de démanteler l'état-major secret du Front de Libération Nationale. Cette arme s'appelait Yacef Saadi. Transféré à Alger, celui que l'autorité avait baptisé chef du CRUA, n'avait guère apporté de renseignements utiles au démantèlement de l'organisation clandestine. Interrogé par le juge Bérard sur l'organigramme du FLN d'Alger, Yacef avait joué le naïf qui ne comprenait rien à ce qui lui arrivait mais qu'il était disposé à coopérer avec la police. Bref, qu'il voulait bien parler mais ne savait pas grand-chose. C'était sous la menace d'horribles représailles qu'il dut accepter d'héberger un homme, Rabah Bitat, dont il ignorait l'identité. Puis, il décida de fuir en France lorsqu'il commença à se douter que son invité n'était pas net. Mais à la veille de prendre l'avion, on le contacta pour lui dire qu'on n'ignorait pas son manège et qu'il fallait, puisqu'il partait en France, exécuter une mission : contacter un certain Dridi (Boudiaf)...En cas de refus, la famille serait massacrée. Que faire d'autre ' Le juge et les RG jaugèrent Yacef et les informations qu'ils possédaient. Ce jeune homme leur a paru rapide et intelligent, d'un naturel décontracté, et par-dessus tout rusé. Un inspecteur avait conclus à propos de Yacef : - Il ira loin si on le libérait. Il pourrait être un agent de renseignements parfait. A tout le moins, un appât pour remonter la filière... Yacef ne paraissait pas être un fanatique du nationalisme. Lors des interrogatoires, il se montrait prêt à collaborer. Sa façon de parler, son allure, ses vêtements, tout indiquait la parfaite recrue sur laquelle il fallait miser. On soumit un plan au cabinet Soustelle qui consistait : 1) au retournement de Yacef en faveur de la police, avec une forte rétribution et une impunité totale, d'une part ; et, d'autre part, 2) à son contrôle et à sa manipulation indirecte, par le biais de son entourage familial et amical, puisqu'on connaissait à présent son rôle. Ainsi, qu'il collaborât sincèrement où qu'il jouât double, voire triple, jeu, il y avait tout à gagner à le mettre en liberté, estimait-on. Jacques Soustelle, ethnologue de formation, est nommé gouverneur général de l'Algérie au début de la guerre (26 janvier 1955-1956) par Pierre Mendès France. La politique de Soustelle, c'est l'intégration des Algériens musulmans à la citoyenneté française. Mal accueilli à son arrivée le 15 février 1955 il devint un adversaire déterminé du FLN. Avant d'accepter le plan Yacef, Soustelle fit remarquer qu'il existait une autre hypothèse, celle où celui-ci serait immédiatement liquidé par le FLN à sa sortie de prison. Tous les rapports que recevait quotidiennement le gouverneur mentionnaient bien que celui-ci était déjà considéré comme un traître dans les milieux FLN. Les services de police répondirent qu'il était sûr que Yacef jouerait intelligemment sur des hommes qu'il connaissait parfaitement pour introduire le doute dans leur esprit. Enfin, si jamais ce plan ne fonctionnait pas, la mort de Yacef ne serait en rien, une perte pour la France ; elle handicaperait l'organisation FLN de la Casbah, où il est un habitant natif contrairement aux autres responsables ; peut-être même servirait-elle à amplifier la suspicion au sein du FLN. Le plan paraissait parfait et Soustelle l'accepta de bon c?ur. Pendant ce temps-là, Yacef mûrissait au fond de sa cellule un plan en tout point semblable, mais avec une variante : il fallait convaincre les policiers de le recruter, gagner ainsi sa liberté mais entrer en clandestinité aussitôt libre. La convergence d'intérêt aboutissait à des conclusions différentes que la police prévoyait mais sans considérer possible que leur prisonnier, sur lequel elle possédait une parfaite connaissance, eut pouvoir d'entrer en clandestinité, sauf à prendre le maquis, ce qui ne semblait pas être dans la vocation de ce fringant jeune homme. Enfin, le dernier interrogatoire eut lieu, et tout fut mis à plat avec, comme objectif prioritaire assigné par le juge Bérard à Saadi : faire tomber Abane Ramdane et si possible, Krim Belkacem et Amar Ouamrane. La police insista là-dessus : il ne fallait surtout pas s'occuper du petit poisson mais seulement des plus gros. Apparemment docile, il accepta le marché, tout en sachant qu'il jouait un jeu difficile. H'didouche informait du plan de Yacef donna son assentiment à celui-ci. Quelques jours avant, en prévision de sa libération, il communiquait avec son beau-frère, qui l'avait édifié sur ce que pensait Abane, et remit des messages de Yacef à Krim et Ouamrane. Le jeu devint vraiment dangereux lorsque la nouvelle de la trahison de Yacef se propagea avec la confirmation de Bitat qui se trouvait à la même prison que Yacef. Rabah Bitat chef historique a transmis la nouvelle à l'état-major du FLN par son avocat Me Ben Toumi : Yacef a trahi il sort... Rabah Bitat ne pouvait deviner, le plan de Yacef, qui autant important que dangereux, ne pouvait souffrir une communication quasi imposible entre l'un et l'autre. Et le message de trahison fit son chemin. Aussitôt Abane, en accord avec Ouamrane, décida de faire abattre Yacef Saadi. Immédiatement, Ouamrane convoqua le groupe action de Fettal : La mission de descendre Yacef revint à Bouchafa. Mais celui-ci, même petit de taille était grand d'esprit ; il n'avait pas oublié que lui aussi avait failli être liquidé, pour rien. Il le rappela à Ouamrane : - Si ce n'était pas toi qui m'avais réceptionné au maquis, j'y passais. Non ' Abane voulait ma peau parce que selon lui j'avais trahi. Or je n'avais pas trahi. Pour Yacef c'est peut être la même chose. Moi je n'ai aucun contact avec lui. Fettal et moi, on ne le connaît pas ; nous ne connaissons que H'Didouche, son beau-frère. Que les hommes de son groupe l'exécutent. Moi je ne peux juger de son travail. Par chance pour Yacef, Bouchafa refusa la mission. Sur la base que lui aussi quelques mois plus tôt, avait failli subir le même sort à la suite de son altercation avec Rachid Amara et de certaines informations erronées. - Pour Yacef, c'est pareil, dit-il à Ouamrane. Il n'a peut-être pas plus trahi que moi. Je ne le connais pas. Mais vous n'avez qu'à charger son beau-frère H'Didouche de cette mission. Il sera en mesure de savoir si son parent a trahi ou non. Yacef était sauvé. Il avait bien expliqué à H'Didouche le double jeu qu'il allait mener et l'avait sensibilisé à la question dès sa sortie de prison : -Il faut que tu expliques tout mon plan aux responsables. Il fallait maintenant en convaincre Ouamrane, Krim et surtout Abane. Et bien leur expliquer que loin d'être un traître, il n'avait trouvé que ce moyen pour sortir de prison et se remettre au service du FLN. H'Didouche informa Yacef de ce qu'il était convoqué par Ouamrane à Bordj Menaïel dans la ferme de Ahmed Mohamed, à deux kilomètre au sud-ouest de Bordj précisa H'Didouche. Yacef se rendit à la rencontre d'Ouamrane, qui l'écouta : -J'ai joué cette carte uniquement pour me faire libérer, il n'est pas question de respecter le marché conclu. Sinon réfléchis un peu, si j'avais trahi, je ne vous aurais pas prévenu directement à ma sortie de prison ! Ouamrane garda avec lui Yacef pendant presque un mois, et lui fit plusieurs audition au bout desquelles, il se laissa convaincre et décida de lui faire confiance. Il exposa les raisons de Yacef à Krim Belkacem qui accepta les explications données. Quant à Abane celui-ci plus réticent ne voulut rien savoir. Pour lui, il fallait abattre Yacef pour trahison et Bouchafa pour non-exécution d'ordres formels. Krim avait toute confiance en Ouamrane et H'didouche, il dit à Abane : - Mettons-les à l'épreuve, Et selon les résultats, nous prendrons une décision. C'est ainsi que Abane revint sur sa décision. L'affaire étant réglée, Ouamrane renvoya Yacef à Alger avec mission de continuer l'action.Il semble que Abane ait cédé devant la détermination du beau-frère de Yacef : H'Didouche et de son copain Chaib qui ont pu le convaincre du bien-fondé des propos de Yacef. Et puis en plus s'il devait liquidait Yacef, il faudrait se débarrasser également des deux-autres, et comme c'étaient eux qui s'occupaient directement du recrutement de la Casbah....Cela posait problème. Depuis cette histoire Ouamrane contrôlait attentivement ses commandos d'Alger. Fort habillement le chef de l'Algérois allait mettre en concurrence les commandos du tandem Fettal Bouchafa et ceux que créaient Yacef, aidé de Chaib et de son beau-frère H'Didouche. L'émulation allait être payante, et ses hommes allaient entrer dans l'histoire de la révolution, et être des acteurs essentiels de la bataille d'Alger. A son retour de chez Ouamrane dans les maquis, Yacef une fois à Alger s'entendit avec H'didouche pour reprendre en main son ancien groupe et le compléter par un recrutement plus large. Sa première action fut de faire déserter d'une caserne d'Ain Taya à 15 kilomètres d'Alger un jeune appelé, et de récupérer trois mitraillettes et un fusil-mitrailleur qui furent acheminés vers le maquis chez Ouamrane, et envisagea d'autres actions. A l'époque il s'était opérée une décentralisation de fait des groupes armées. Mustapha Fettal avait organisé des groupes dans les secteurs de la Redoute ? Clos Salembier ? Belcourt. Grace à H'didouche la coordination fut réalisée entre Yacef et Fettal. Après l'arrestation de Mustapha Fettal, en mai 1956, Yacef coiffait tous les groupes armés d'Alger et il entreprit l'exécution d'un plan d'action à long terme qui comportait notamment : -Contre-offensive aux attentats MNA., clarification politique et effort de persuasion auprès des messalistes, élimination des éléments irréductible passé au service de la police Française. -Châtiments des traitres, indicateurs. -Récupération et formation des jeunes entrainés dans la pègre, interdiction des stupéfiants, récupérations des armes de poing. -Noyautage des services de renseignements. -Attaques commissariats et postes de police, avec récupération d'armes. Après la réception du plastic, la technique de fabrication des bombes évolua. La bombe volumineuse fit place à des bombes minuscules ne dépassant pas la grosseur d'un paquet de cigarette. Après les explosions du Milk-Bar, place Bugeaud (actuel Emir Abdelkader), de la Cafétéria, rue Michelet (actuel Didouche Mourad) face à l'Université. Le 30 octobre 1956, Yacef reçue la visite, à la Casbah, de Larbi Ben M'hidi et Ben Youcef Ben khedda, venus l'informer des décisions du Congrès de la Soummam. En février 1957, les paras et les zouaves installèrent des garnissons sur les terrasses de la Casbah transformée en un immense camp de concentration. 24 h sur 24, les patrouilles et les régiments de ratissages (2 000 hommes environ pour l'encerclement d'un quartier) fouillaient systématiquement maison par maison, coin par coin. Dans ce seul mois de février 1957, Yacef dut changer, plus de quinze fois de refuge, échappant plusieurs fois miraculeusement à ceux qui le chercher. Hassiba Ben Bouali, Zohra Drif, et Djamila, ainsi qu'Ali la pointe, Chérif Debbih et le jeune Omar, tous suivaient Yacef dans ces retraites successives en partageant les mêmes dangers. Et le 24 septembre 1957, l'état-major français décida de passer à l'attaque, en déclenchant contre Yacef une opération minutieusement préparée. Dix mille soldats environ ? paras ? zouaves ? et gendarmes ? encerclèrent de nuit, toute la Casbah. La porte verrouillée fut défoncée et les militaires envahirent la maison. Et la cache ou se trouvaient Yacef et Zohra fut finalement découverte. Pendant que Zohra détruisait les documents, Yacef ouvre la dalle et balance la seule grenade défensive qu'il avait. Il prend ensuite sa mitraillette et tire sur les soldats toutes les balles de son unique chargeur. Plusieurs soldats tombent... Le colonel Jean Pierre est lui-même blessé. « Hassiba Ben Bouali et Hattab Réda était déjà entre les mains de l'armer qui questionna Yacef, leur chef sur leurs activités. Celui-ci donnera des informations sur eux. A savoir que ceux çi faisait partie du réseau des bombes. Mais il n'y avait plus rien à cacher sur les bombes, ceux-ci explosé au vue et au su de tout le monde. Et en tant que chef de la Zone autonome Yacef était seul à savoir ce qu'il fallait dire ou ne pas dire ».Emprisonné à Barberousse Yacef fut condamné à mort. Et la vie continua ainsi pour l'ensemble des patriotes Algériens condamnés à mort, jusqu'au jour où une mesure collective commua la peine de mort en celle de travaux forcés à perpétuité. Ainsi et dans ces conditions le combat allait continuer, jusqu'à l'indépendance et la libération du pays. Aujourd'hui, on cherche partout à répandre le faux savoir ; qui sait si, dans quelques décennies, il n'y aura pas des partis pour rétablir l'ignorance. (Suite et fin)


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