Une loi sur les hydrocarbures puis un amendement un peu salé... Bouteflika amorce ainsi un virage qualifié de politique par son plus proche expert et ministre du pétrole.
Mais un tel virage n’a pu être effectué sans prise en considération des données actuelles du marché, mais surtout de toutes les évolutions proches et futures.
En somme, les réactions ne se sont pas fait attendre, suite au nouvel émargement «nationaliste» d’Alger. Elles sont venues surtout du directeur du Fond Monétaire International qui a fait une analogie avec l’exemple vénézuélien et bolivien, puis du directeur de l’Agence Internationale de l’Energie suivi du secrétaire américain du secteur. Le souci de ces trois responsables réside dans le fait que de telles mesures risquent de réduire la cadence de l’investissement. Toutefois, il y avait dans ces déclarations des insinuations sur l’existence de facteurs purement politiques ayant motivé Alger dans l’introduction de nouvelles conditions pour l’investissement en hydrocarbures. Or ces séquences pétrole-politique ne sont pas, suite au récent amendement, une exclusivité algérienne. D’ailleurs, on dit que pour citer un bon exemple sur les influences politiques dans l’élaboration d’une stratégie pétrolière, on ne trouvera pas mieux que l’épisode CNOOC-UNOCAL de l’été 2005, où la pétrolière chinoise avait essuyé un échec alors qu’elle s’apprêtait à acquérir l’américaine UNOCAL. A cette période, les lobbies qui gravitent autour du monde pétrolier et plus précisément autour de la pétrolière Chevron (CVX, valeur boursière au NYSE au début de décembre 2006 à 159,7 milliards de dollars) ont remué suffisamment de coeurs dans l’élite politique de Washington pour faire comprendre aux Chinois qu’il valait mieux aller chercher ailleurs qu’aux Etats-Unis pour régler le problème de leur sécurité énergétique. Ce faisant, ces lobbies n’avaient pour autant gagné l’esprit de ceux qui ont vu plus loin que le pétrole. En effet, l’élite washingtonienne a joué le facilitateur dans cet échec, et Rumsfeld en était son centre de gravité. Il s’agissait en principe d’un non politique adressé à CNOOC la chinoise qui relevait, selon le Newsweek, de l’intolérance et de l’hypocrisie.
 Depuis des années, les Etats-Unis bousculent les pays, y compris l’Algérie, pour qu’ils ouvrent leurs marchés de l’énergie aux investissements étrangers. Le message des Etats-Unis a d’ailleurs été singulièrement clair lorsqu’ils s’adressaient à la Chine et la Russie. On peut dire que même si Bouteflika ne s’est pas référé à cet élément pour prendre sa décision d’amender - élément qui se présente dans ce fâcheux précédent CNOOC-UNOCAL -, on est tenté de croire avec certitude en l’existence de raisons liées à la sécurité nationale, y compris financière et énergétique. Durant cette courte période où les portes étaient grandes ouvertes, on a pu relever l’infime gain politique et économique (hors hydrocarbures) provenant de Washington alors que l’Algérie s’est montrée très disposée à faire des pas dans le cadre du rapport stratégique énergétique américain «Reliable Affordable and Environmentally Sound Energy For America’s Future» piloté par le vice-président Dick Cheney. L’Algérie se détache donc de la triade capitoline de l’énergie (Maison-Blanche, Cartel pétrolier et Pentagone), mais elle se détache en poussant au-delà de la barre des 51% sa présence nationale dans les futures programmes d’investissement. C’est que la conjoncture lui est complètement favorable puisque, clopin-clopant, l’économie mondiale avance et pourrait se confronter à une soif énergétique alors que le monde, tout entier, risque de ne pas pouvoir faire face aux prévisions haussières en matière de consommation d’énergie. Ici, un rapport intitulé «Perspectives énergétiques mondiales» dont nous prélevons certains passages, et qui provient de l’Agence Internationale de l’Energie, parle déjà d’une soif énergétique de 20.000 milliards de dollars, car le coût pour parer à la demande en énergie d’ici 2030, a augmenté de 3.000 milliards de dollars en une année en raison de la hausse de l’industrie, et plus spécialement dans le domaine du pétrole et du gaz. Ce qui veut dire, selon toujours l’AIE, que les gouvernements et les entreprises devront mobiliser quelque 20.000 milliards dans les prochaines 25 années. Or, il n’y a aucune indication positive pour parvenir à un tel effort, car la moitié de ce montant sera déjà exigible dans les pays émergents, là où la demande et l’approvisionnement augmentent d’une façon remarquable. La Chine qui prend la tête mondiale en matière de croissance, doit dépenser, à elle seule, 3.700 milliards de dollars pour régler son problème de consommation de l’énergie entre 2005 et 2030.
 Le sous-investissement dans de nouvelles sources d’énergie est un risque véritable, avait indiqué en juin dernier Claude Mandil, directeur de l’Agence Internationale de l’Energie, laquelle doute que des fonds suffisants seront investis en Russie pour maintenir les exportations de gaz naturel vers l’Europe occidentale. Concernant les sociétés pétrolières, telles que Exxon, Mobil, Shell ou BP, l’accroissement des dépenses d’immobilisation demeure, selon l’AIE, dans une grande mesure, «illusoire», car cet accroissement est complètement émoussé par le coût élevé de la main-d’oeuvre et de l’équipement comme l’installation de forage et la tuyauterie. Après correction pour tenir compte du gonflement des coûts, les dépenses totales en 2005 n’ont été supérieures que de 5% par rapport à celles de l’an 2000. Les compagnies d’énergie contrôlées par l’Etat en Asie de l’Est et en Inde sont en concurrence avec des entreprises occidentales au moment où les prix élevés ont amené les pays producteurs à assumer un plus grand contrôle de leurs propres ressources. La Chine est déjà en voie de devenir le plus grand prêteur auprès des pays africains, surpassant la Banque mondiale. Cet outil lui permettra d’avoir accès aux sources naturelles du vieux continent. Les estimations de l’AIE touchant les investissements reposent sur une demande énergétique qui augmentera de 1,6% chaque année en moyenne d’ici 2030, alors que le centre de gravité se déplacera vers les pays en développement. L’AIE fait aussi l’hypothèse que les prix pétroliers atteindront un niveau nominal de 97,30 le baril en 2030, soit 55 dollars US en 2005. Les combustibles fossiles comprenant le pétrole, le gaz et le charbon domineront encore et répondront à 81% à la demande d’ici 2030 et la demande de pétrole se trouvera élevée à 116 millions de barils. Les investissements dans le secteur pétrolier coûteront aux Etats-Unis les 4.300 milliards alors que 3.900 autres milliards iront au secteur du gaz. La période de 2006 jusqu’à 2030 connaîtra, selon des experts, la dernière valse de la grande consommation pétrolière de l’Histoire. L’Age du pétrole pourrait donc enclencher le commencement de sa fin, même si des pays comme les Emirats estiment à 112 ans l’Age de leurs hydrocarbures. Quant à notre pétrole, le Président Bouteflika croit connaître la durée de vie mais il n’a pas avancé un chiffre... Et si on dispose d’une estimation, on aurait enfin résolu un mystérieux problème: celui qui se rapporte au volume des réserves sur lesquelles on pourrait temporairement compter.
Posté Le : 12/12/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Correspondant A New York: El Haj Zouaimia
Source : www.quotidien-oran.com