Algérie

UN GEANT HYDRIQUE



Véritable mastodonte hydrique, le barrage de Beni Haroun (wilaya de Mila) est l'?uvre majeure du secteur des ressources en eau du pays. D'une capacité de 960 millions de mètres cubes, soit près d'un milliard contenus dans son bassin, l'ouvrage est imposant. Il est le plus grand et le plus important à l'échelle nationale de par sa capacité et son volume de stockage d'eau, faisant de lui un intarissable réservoir pour une partie des wilayas de l'est algérien.Dans la wilaya de Mila, devenue une région à vocation hydrique par excellence grâce à cet immense apport en eau, ce géant hydraulique abreuve toute une population en eau potable et assure l'irrigation de vastes plaines agricoles. Erigé sur l'oued El Kebri (Rhumel), il est également connecté à l'autre barrage de Boussiaba, à El Milia, dans la wilaya de Jijel, dans le cadre du système de transfert Boussiaba-Beni Haroun. Ce projet a d'ailleurs été réalisé par une entreprise appartenant aux Kouninef.
À ce titre, il faut rappeler que du temps de sa réalisation, ce projet suscitait bruits et chuchotements autour de ses véritables maîtres. La vox populi ne s'empêchait pas de véhiculer la rumeur, finalement en partie vérifiée, selon laquelle ce projet appartenait à Saïd, le frère cadet du président déchu. Les accointances des Kouninef avec l'ex-maître d'El Mouradia ont fini par vérifier que ce qui se disait autour de ce projet n'était pas que mensonges. Pour le détail, cette opération concerne le transfert d'un volume d'eau équivalent à 80 millions de mètres cubes par an.
Quelque 40 millions sont destinés à la retenue de Beni Haroune, 22 millions à l'AEP de six communes relevant de l'ex-daïra d'El Miliia et 18 millions à la zone industrielle de Bellara. Au-delà de cette parenthèse, le barrage de Beni Haroune, thème central de ce reportage, reste une curiosité non seulement pour ses capacités hydriques, mais aussi pour le tourisme, la pêche et même certaines activités sportives, pouvant prendre forme autour et dans son gigantesque bassin.
D'abord, ce barrage a soulevé, dès le tremblement de terre qui a secoué la région de Mila le 17 juillet dernier, moult interrogations sur ses capacités à tenir face à ce phénomène sismique. Ces interrogations ont ressurgi dès le deuxième séisme qui a encore frappé cette wilaya, trois semaines plus tard, soit le 7 août. À travers ces interrogations, certains faisaient courir des rumeurs sur d'éventuels risques de fissures de l'immense digue de ce barrage. En aval de cet ouvrage, dans les localités relevant de la wilaya de Jijel, plus au nord, on laisse prévoir que le pire est à craindre.
Et même les interventions du ministre des Ressources en eau, Arezki Berraki, qui a rassurée, au lendemain de ce séisme, que ce barrage est équipé d'installations lui permettant de résister aux secousses les plus fortes, n'ont pas mis un terme aux supputations des uns et des autres. Ces rumeurs véhiculent même l'idée selon laquelle ce barrage est à l'origine des séismes qui ont touché la région. "On risque de voir un jour toute la ville de Mila tomber dans le bassin de ce barrage", dira un habitant de cette ville.
Les affaissements de terrain qui ont fait suite au tremblement de terre du 7 août peuvent avoir pour cause, selon les mêmes dires, ce barrage. Nourrissant certaines craintes quant à l'avenir "sismique" de cette région, dont le destin est désormais étroitement lié à ce barrage, cet ouvrage est aussi la fierté de Mila, une wilaya qui aspire à de meilleures opportunités en matière de développement. Ce barrage est justement considéré comme un atout majeur pour la région.
C'est grâce à cette infrastructure hydrique majeure que le tourisme peut renaître de ses cendres et prendre forme dans une région jusque-là marginalisée, d'autant plus que son plan d'eau s'étend sur 35 km à six communes. Les zones d'ombre les plus marginales de ces communes peuvent profiter de l'émergence d'un tourisme aux abords de cette gigantesque digue. Et c'est aussi le cas pour la pêche continentale avec l'ensemencement de plusieurs espèces de poisson d'eau douce dans son bassin. Ce barrage a été le théâtre de plusieurs activité sportives, dont le championnat national de kanoë-kayak ou encore le championnat d'Afrique de voile qui ont été organisés sur son plan d'eau.
Un atout pour le tourisme
Depuis, une certaine léthargie a renoué avec ce bassin, qui attend d'être revalorisé sur le plan sportif, mais aussi touristique. Sur le plan géographique, le barrage est situé à une dizaine de kilomètres au nord de Mila et à quelque 70 km de Constantine. Ses capacités font de lui le plus grand à l'échelle nationale avec plus de 960 millions de m3. Sa construction, qui a débuté en 1996 et s'est achevée en 2001, est l'?uvre de l'entreprise espagnole Dragados. Celle-ci a dû recourir à l'utilisation de quelque 1,5 million de m3 de béton compact au rouleau (BCR) pour la réalisation de sa digue de 118 m de hauteur et de 740 m de longueur.
Quant aux études de conception, elles ont été réalisées par un bureau d'études belge. Une station de pompage de 180 MW propulse l'eau pour son traitement avant d'être expédiée en direction des wilayas de Constantine, d'Oum El Bouaghi, de Batna et de Khenchela. Implantée au sud de Mila, dans la localité de Oued Segguene, cette station revêt un caractère stratégique de par son rôle dans l'AEP de toutes ces wilayas. C'est en 2005 que le début de remplissage graduel de ce méga-bassin a été entamé avant d'atteindre, en 2011, le volume jamais égalé de plus de 850 millions mètres cubes.
Le record de son remplissage a été enregistré lors de la période hivernale de l'année 2012 avec un pic de 1 milliard de mètres cubes, signant ainsi un dépassement de sa capacité théorique de 40 millions de mètres cubes. Au-delà de ses caractéristiques techniques, cet ouvrage est conçu non seulement pour l'AEP de plusieurs wilayas de l'est du pays et la mise en valeur des milliers d'hectares de leurs plaines agricoles, mais aussi pour générer une activité touristique et de pêche. Chose confirmée d'ailleurs par ces multiples projets hôteliers, retenus autour de son bassin.
Pas moins de quatre projets de ce type, dont un complexe touristique, dans la périphérie de la localité de Chigara, sont à l'ordre du jour. L'un des premiers hôtels d'un certain standing est en cours d'achèvement sur les berges de ce barrage, faisant face au pont d'Oued Eddib, l'autre attraction de ce fleuron du secteur hydraulique. Dans le sillage de ces projets, on retient un autre hôtel également en cours d'achèvement à Hammam Beni Haroun, plus au nord de cette digue.
A moins de deux kilomètres de là, toujours plus au nord, en direction des limites administratives avec la wilaya de Jijel, c'est un complexe sportif qui est en cours de réalisation dans le sillage d'un investissement touristique privé. En amont du barrage, c'est une plage artificielle qui est retenue, à Grarem Gouga, en plus d'un site naturel. Un même site est également inscrit pour la réalisation au sein de la future assiette touristique de Hammam Ben Haroun. Ces projets restent cependant à concrétiser, car ils sont à l'ordre du jour depuis de longues années sans qu'ils émergent réellement.
Promouvoir la pêche continentale
L'essor touristique tant espéré peut être effectif si la zone d'expansion touristique (ZET), retenue dans le sillage des investissements dans ce secteur autour du barrage de Beni Haroun, venait à prendre forme. Le dossier de cette ZET de quelque 200 ha est en instance d'approbation au ministère, selon la direction du tourisme. "Une fois ce dossier approuvé, les travaux d'aménagement seront lancés", assure la même source, qui appréhende cependant la lenteur dans les procédures de finalisation des dossiers soumis à l'investissement touristique.
La pêche continentale est l'autre secteur d'activité dans le bassin de ce barrage. Une antenne locale, relevant du secteur de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya de Jijel, veille sur la promotion de cette activité. Celle-ci a connu son pic de production du poisson d'eau douce en 2013 / 2014, selon la direction de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya de Jijel. Des ensemencements de multiples espèces de poisson sont périodiquement lancés pour diversifier la pêche continentale dans ce bassin.
On y trouve d'ailleurs le carassin, dont le pourcentage de cette espèce est le plus élevé, mais aussi plusieurs autres espèces, dont la carpe royale, la carpe argentée, la carpe à grande bouche ou encore la carpe ordinaire. Cependant, on déplore que la direction de l'ANBT de Beni Haroun ait fait preuve d'un flagrant manque de communication en refusant de donner suite à nos multiples sollicitations pour enrichir ce reportage, destiné à faire connaître ce barrage d'une importance stratégique pour l'avenir hydrique du pays.
Un avenir pouvant désormais être assuré grâce à cette réalisation d'envergure, permettant de mettre à l'abri du besoin en matière d'eau potable et d'irrigation plusieurs wilayas. Il reste que les perspectives de cet avenir dépendent aussi de la valorisation des milliers d'hectares des plaines agricoles irriguées à partir de ce bassin, ce qui est de nature à contribuer à l'autosuffisance alimentaire à laquelle aspire le pays.

Par : ZOUIKRI AMOR


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