"Un géant de notre histoire"

Le choix de Si l'Ho d'être enterré dans sa terre natale restera à jamais une référence à la terre de ses aïeux d'où il a puisé sa volonté de fer et de feu.Rencontrée à Paris, Djura, la célèbre chanteuse du groupe mythique «Djurjura», femme aux mille combats, nous a livré, la mort dans l'âme, un témoignage où elle nous éclaire sur sa vision de Hocine Ait Ahmed et évoque de vibrants souvenirs:«Je tiens tout d'abord à rendre hommage à la mémoire d'une figure illustre de l'histoire de l'Algérie. Mes plus profondes et sincères condoléances à sa famille et à ses proches. Je voudrais dévoiler à tous ce que ce géant de notre histoire a représenté pour moi, d'une part l'homme politique épris de liberté, des causes justes, attaché à l'égalité des droits entre les hommes et les femmes. L'homme et sa personne se confondent avec les luttes de son temps. Ce que je retiendrai le plus de cette figure emblématique de la révolution algérienne c'est l'homme dans toute son humanité. Il a été un frère, un ami. J'ai eu la chance de vivre un moment unique avec lui, ce fut lors d'un concert de Djurdjura en Suisse, à Lausanne, il m'a offert un de ces moments rares dans la vie d'un artiste. Alors que je saluais sa présence dans la salle, il s'est spontanément déplacé sur scène à un moment très symbolique, il m'a pris dans ses bras dans une accolade très chaleureuse et très fraternelle puis nous avons chanté ensemble «Ekker à miss Oumazigh», «Debout fils d'Amazigh!».Dda l'Hocine se mit à entonner avec ferveur et passion un vieux chant patriotique kabyle. La portée du sens de ce chant n'en fut que plus exacerbée ce soir-là. Le chant d'Ait Ahmed, tout le texte en tête, me médusait par sa profondeur et sa sincérité, la salle entière était étranglée par l'émotion. Il y a bien des années maintenant, pourtant je me souviens de cet instant comme si c'était arrivé hier, je le vois encore sous mes yeux s'avancer, me rejoindre sur scène et crier avec moi «Debout fils d'Amazigh!».Nous étions là tous les deux, Dda l'Hocine et moi main dans la main, les yeux dans les yeux, il avait un torrent de mots dans le regard et me signifiait tacitement qu'il était fier de moi. J'ai senti un regain de force qui m'envahissait, un nouveau monde s'offrait à nous, plein d'espoir. Cela m'a fait chaud au coeur et je ressens encore aujourd'hui cette émotion avec la même intensité. Merci Dda l'Ho pour ta générosité merci pour m'avoir donné tant de joie... Le moment est venu de rendre un grand hommage à ton intelligence, ton esprit, ta persévérance, ton élégance et ta grandeur d'âme. Nous ne t'oublierons jamais... Djura Djurdjura. Et suite à la perte de cet être fabuleux qui a marqué son histoire et son temps; dont la vie a été dédiée au combat sous toutes ses formes pour son pays, les jeunes d'aujourd'hui doivent être conscients qu'ils sont les forgerons du monde de demain, ils doivent fertiliser le terreau préparé par les anciens comme Hocine Ait Hamed. Le choix de Si Lho d'être enterré dans sa terre natale parmi les siens est naturel et émouvant, ça restera à jamais une référence à la terre de ses aïeux d'où il a puisé sa volonté de fer et de feu. C'est un digne fils du Djurdjura, celui qui l'a vu naître. Il a vécu en homme libre et est parti en homme libre. Il avait l'essentiel: la terre et le sang et il savait que les hauteurs se méritent. C'est comme l'adage chinois: «Les feuilles de l'arbre retombent toujours vers la racine.» Ce choix est humble, personnel, respectable... et empreint de symbolique. Hocine Ait Ahmed aura marqué l'histoire de son pays pour lequel il se sera battu toute sa vie. Sa lumière sera toujours mêlée à la naissance de ce pays».