Algérie

Un film sur l'affaire Ben Barka tourne à la polémique


En panne dans le registre judiciaire, l'affaire Ben Barka a du mal à s'inscrire sereinement sur le terrain de l'histoire et du cinéma. Voulu comme une contribution à la compréhension d'une page tragique du Maroc post-indépendance, le téléfilm diffusé en deux épisodes, lundi et mardi, sur France 2 suscite la polémique. Fort irritée, la famille de l'opposant peste contre le «docu-fiction» au double plan de la forme et du fond. «Il y a tromperie», s'emporte Bachir Ben Barka, le fils aîné du leader tiers-mondiste, enlevé le 29 octobre 1965 à la brasserie Lipp en plein quartier latin à Paris avant d'être assassiné dans des conditions jamais élucidées. Gardien actif de la mémoire de son père, Bachir ne cache pas sa colère à la vue d'une fiction dont la programmation était initialement prévue en octobre dernier. Professeur de mathématiques à Belfort (est de la France), l'aîné des Ben Barka rejette, scandalisé, la version au coeur du film. «Le roi Hassan II semble dédouané de toute responsabilité dans l'enlèvement de mon père», réagissait-il au lendemain de la diffusion de la première partie. Le film «tord le cou à l'histoire», accuse Bachir, y voyant la cause d'un scénario basé, de bout en bout, sur le témoignage d'un ancien agent des services secrets marocains. Dans un livre publié en 2002 chez Michel Lafon (Paris), Ahmed Boukhari avait pointé le rôle décisif de deux proches du roi, le général Mohamed Oufkir et le colonel Dlimi, dans la liquidation de l'opposant. Au moment des faits, le premier était ministre de l'Intérieur et le second patron de la police. Selon le récit de l'ex-agent secret, après son enlèvement, Ben Barka a été dirigé dans un pavillon de la banlieue parisienne où il a été mis à mort. Son corps a été ensuite emmené au Maroc pour y être dissous dans une cuve d'acide. Cette hypothèse constitue le temps fort du film au grand dam de la famille et de Français désireux de voir la vérité enfin établie. Journaliste à France 3, Joseph Tual ironise, dans une tribune publiée sur le site Rue89.com, sur «cuve magique». Une narration dont le premier des effets est de «dissoudre toute l'information judiciaire ouverte en 1975". L'avocat de la famille, Me Maurice Buttin, ne valide pas un seul instant le témoignage macabre de l'ex-agent secret. Pas plus qu'il ne valide le message livré par le téléfilm. «L'instruction judiciaire est toujours en cours et il ne faudrait pas que les téléspectateurs s'imaginent que l'affaire est bouclée».  Fait troublant, les scénaristes et les producteurs du «docu-fiction» n'ont pas pris le moindre contact avec la famille Ben Barka. «A aucun moment, nous n'avons été contactés», confirme Bachir. Explication peu convaincante de Philippe Madral, l'un des deux scénaristes: c'est une «question de déontologie». Les chargés de la fiction ont préféré «ne pas rencontrer les personnes touchées émotionnellement par un sujet, car cela pourrait déformer notre vision objective».


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