Algérie

Un film historique' avec ou sans historien '



Dans le premier cas, le cinéaste a un large champ de création, avec comme «seule balise de ne rien raconter qui soit en opposition avec des faits historiques avérés et reconnus». Le travail en collaboration étroite avec un historien, en marge de recherches et de lectures personnelles en est «la meilleure garantie», explique-t-il, toutefois. Lorsque le film revient sur le vécu d’un personnage historique, «je mets la mystification de côté, et une fois les éléments historiques maîtrisés, je construis mon histoire de fiction dans laquelle intervient ce personnage en veillant à ne pas entrer de manière directe en contradiction avec les faits historiques avérés», raconte-t-il. Du côté des historiens, Malika Rahal, chargée de recherches à l’Institut de l’histoire du temps présent à Paris, explique : «L’avis d’un historien peut être un apport, mais il y a beaucoup de choses avec lesquelles les cinéastes peuvent se débrouiller, selon la précision du film et la place que va jouer l’histoire dans leur scénario.» Cependant, elle recommande la prudence : «Quand on est très exigeant avec les faits et les dates, cela peut être une façon de censurer la création… Il y a un équilibre à trouver entre l’exactitude historique et la création.» Lorsque les données concernant un personnage historique sont rares, il se peut que «le cinéaste lui-même fasse cette démarche de recherche et de récolte de témoignages et de documents, à condition qu’il soit capable lui-même de faire un travail d’historien», souligne Malika Rahal. «Je ne crois pas qu’on puisse dicter de l’histoire  à qui que ce soit. Tous ceux qui ont essayé de faire ça se sont trompés», tranche Jacques Choukroune. «L’histoire ne peut pas se faire de façon dirigée, ni de la part de groupes de pression ni de la part de tel ou tel bureau d’un Etat. Pour le cinéma, l’important est qu’un scénario soit bien documenté et le réalisateur sincère dans sa démarche.» A propos du rôle crucial du cinéma dans la réappropriation de l’histoire par la société, Jacques Choukroune évoque pour exemple «le formidable film de Youssef Chahine, Le Destin (ndlr, 1997) qui a réussi à redonner à Averroès (Abúal-Walìd ibn Ruchd) ses lettres de noblesse ou le film Salah Eddine Al Ayyoubi  (1963), du même réalisateur, qui eut un très grand succès dans le monde arabe». Pour sa part, Malika Rahal déclare que «le cinéma peut être plus important que l’histoire. Les historiens font leur travail, mais personne ne les lit ou très peu», déclare-t-elle dans un petit rire. En revanche, il peut suffire d’un film pour débloquer la méconnaissance d’une société par rapport à un événement. Par exemple : le film Indigènes (Rachid Bouchareb, 2006) qui participa à la revalorisation du rôle des soldats maghrébins ayant lutté dans les rangs de l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. Le film a suffi à apporter un soulagement matériel à ces anciens combattants par le débat qu’il créa autour de ce thème. 


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