Algérie

Un film-documentaire sur tajmaât



Amirouche Malek, l'initiateur et animateur du café littéraire et philosophique de Tizi-Ouzou est en train de tourner un film-documentaire auquel il a donné le titre de «tajmaât à travers le temps, exemple du village Taourirt-Mokrane».«Nous essayerons, à travers ce film-documentaire, de mettre en valeur tajmaât à travers le temps. On abordera son fonctionnement avec le code coutumier et l'évolution de ce dernier à travers le temps sans perdre sa substance, tout en s'adaptant à chaque époque», nous a confié Amirouche Malek, directeur-gérant de Emev, une entreprise organisatrice d'événements culturels.
Il sera également question dans ce film du rôle actif de cette institution traditionnelle dans la mobilisation des troupes de résistants lors de l'invasion française, notamment lors de l'insurrection de 1871, son interdiction en 1868 par la puissance coloniale, et sa capacité à maintenir son fonctionnement dans la clandestinité. Sera également souligné le rôle des comités de villages dans la Révolution de 1954/1962 ainsi que ses fonctions après l'indépendance avec un autre mode d'élections en assemblée générale qui tient compte uniquement des présents.
«Pour étayer tout cela, on prendra l'exemple du village Taourirt-mokrane, qui était toujours un modèle d'organisation duquel s'inspirent beaucoup de villages. Nous serons éclairés par des spécialistes, anthropologues, historiens, sociologues et économistes. On parlera de la3naya, la protection du village et celle de la femme, du sens de la parole qui est très important, du toufik qu'on ne peut pas outre-passer, de la vie économique qui se fait à travers le troc, des rapports entre tajmaât et les aârchs ou la confédération, notamment dans les situations exceptionnelles. On fera aussi intervenir des personnes qui étaient aux commandes et des jeunes de la gestion», ajoute M. Malek.
L'écrivain Mouloud Feraoun a parlé de tajmaât qu'il a appelée la djemaâ. Tajmaât fait référence au lieu où se retrouvent les villageois en fin de journée. C'est une place publique située au centre du village. Elle fait office d'une mini-agora qui abrite la réunion des sages du village afin de discuter des affaires de la communauté et tout ce qui la préoccupe.
De tout temps, tajmaât a occupé une place importante dans la gestion de la vie quotidienne des villageois. Elle possède un système d'organisation sociopolitique, juridique et économique, très utile et très efficace. Elle a ainsi pu veiller durant des siècles à la cohésion sociale et au bon-vivre de ses habitants dans le respect mutuel.
«Son mode de fonctionnement est une démocratie directe où tous les clans (iderma) sont dûment représentés par les taman, des personnes crédibles, honnêtes, fortes de personnalité qui font le consensus dans les familles élargies. C'est aux taman qu'échoit le pouvoir d'élire l'amine, qui fait office de président de tajmaât et jouit de la confiance de tous. Il appartient généralement au clan puissant et riche. Tajmaât est une forme de république indépendante qui fonctionne avec un code coutumier, une forme de Constitution des temps modernes. Elle a toujours su imposer un ordre auquel tout le monde se soumet pour mener à bien les affaires de la communauté. Celui qui déroge à la règle est puni par une amende. Au cas des réfractaires, elle fait recours à l'excommunication, ce qui, en soit, est un déshonneur pour la famille du puni», explique encore Amirouche Malek.
Tajmaât se réunit régulièrement pour discuter des affaires courantes du village. Elle a les missions de gérer, de prévoir et aussi de projeter. Pour mener à bien les affaires de la communauté, elle favorise l'intérêt général. L'esprit du groupe et la solidarité sont les aspects sur lesquels est basée cette institution ancestrale.
«Ce film est un hommage à tajmaât, qui est une véritable école qui m'a personnellement marqué. C'est un hommage aussi à mon village Taourirt- mokrane. Je souhaite aussi faire un appel aux mécènes et aux éventuels sponsors pour contribuer à la réussite de ce projet», dira, en conclusion, Malek.
Le projet de film est financé en partie par Khaled Belkhodja, un cousin de Malek, en plus de l'aide de la famille de Amirouche Malek.
Un film-documentaire qui vient à point pour mieux faire connaître et certainement réhabiliter cette vieille institution, cette forme de démocratie directe algérienne.
Kader B.


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