Algérie

Un ex-policier à la barre



C .Benaouda, 36 ans, un escogriffe au nez aquilin et au menton fuyant, donne l'impression d'être un habitué du prétoire. Assis dans le box des accusés du tribunal criminel aux côtés de sa victime, B.Nassredine, 34 ans, cet ex-policier, devait répondre, le 31 mai dernier, de coups et blessures volontaires ayant entraîné la perte d'un organe ('il). Il a été déjà condamné par ce même tribunal, autrement constitué, à une peine de huit ans de réclusion criminelle, pour sa participation dans le braquage d'un véhicule de transport de fonds, perpétré le 11 mars 1999 à Oran. Selon l'acte d'accusation, en octobre de cette même année, soit moins de six mois après le braquage, il s'est acharné sur le visage de sa victime à coups de crosse dans la cage d'escalier d'un immeuble sis au populeux quartier du Derb. Cet ex-élément d'une brigade mobile de la police judiciaire, BMPJ, a pourchassé sur plusieurs mètres B.Nassredine, un pseudo inconditionnel du club- phare de football d'El Hamri, le Mouloudia d'Oran en l'occurrence, avant de le débusquer dans une vieille bâtisse où il s'était réfugié.La victime faisait partie d'un groupe d'individus, qui a commis des actes de vandalisme après la défaite du MCO face au Mouloudia d'Alger. L'ex-policier a carrément crevé l''il de B.Nassredine avec la crosse de son révolver. « Pourquoi ne l'avez-vous pas tout simplement maîtrisé comme on vous l'a initié à l'entraînement ' » interroge le président « Je ne l'ai pas frappé monsieur le juge ! Il ment, il a été heurté par une voiture en tentant de prendre la fuite », glapit l'accusé en affichant un air canaille. « Une locataire de l'immeuble, lieu de l'agression, a témoigné contre vous. Sa déclaration est sous mes yeux. Elle a assisté à la scène par l'entrebâillement de sa porte. Nous la solliciterons tout à l'heure à la barre », fait remarquer le magistrat sans lever la tête du dossier qu'il épluchait lentement. « Nous vous écoutons », renchérit-il, en s'adressant à la victime.Cette dernière purgeait une peine de prison pour vol. Elle a rencontré son agresseur, C.Benaouda, lors d'une promenade dans la cour de la maison d'arrêt d'Oran. En narrant cette inattendue rencontre, B.Nassredine semble avoir vécu le moment le plus heureux de sa vie. « J'étais tellement surpris que j'ai oublié tous mes malheurs ! » exulte-t-il avec un sourire narquois. « Ça fait une belle lurette que je rêvais de cet instant là. Lui en revanche, n'avait pas du tout l'air d'être content de me revoir. J'ai aussitôt avisé mon avocate », ergote la victime, un borgne au crâne rasé, qui avoue sans ambages : « Je suis un voleur et un repris de justice. La rapine est mon seul moyen de subsistance, mais aujourd'hui je suis un plaignant ! » Les deux hommes se regardent en chiens de faïence et c'est finalement l'ex-policier qui baisse les yeux en premier, embarrassé vraisemblablement par l'unique 'il sournois de sa victime. L'avocate de la partie civile a mis l'accent sur ce qu'elle a qualifié de « lenteurs dans la procédure ayant entravé au début l'aboutissement de la plainte ». Après un bref réquisitoire, le représentant du ministère public a requis une peine de cinq ans de réclusion criminelle. Le défenseur a axé sa plaidoirie sur les antécédents judiciaires de la victime, dans le but avéré de mettre en doute ses déclarations. Il a conclu sa plaidoirie en demandant l'acquittement. Au terme des délibérations, le tribunal criminel a prononcé une peine de trois ans de réclusion. L'accusé, qui était sous contrôle judiciaire, a fait l'objet d'une prise de corps à l'audience. Cet état de fait ne l'a nullement surpris, bien au contraire en signe de satisfaction, il adresse un clin d''il à un membre de sa famille présent parmi le public.


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