Après l'été, ce
sera le Ramadan. Une manière comme une autre de prolonger les vacances, et la
vacance en matière de gouvernance.
C'est un été très
algérien. Un été chaud, poussiéreux et confus. Un été qui risque de s'allonger
indéfiniment, avec le début du Ramadan dans à peine une semaine. Et dans ce
pays qui ne semble guère avoir envie de sortir de sa torpeur, avec une vie
politique en hibernation, une administration sans génie fait semblant de gérer
une société en ébullition.
L'Algérie a déjà vécu des étés similaires,
qui ont d'ailleurs marqué son histoire récente. Celui de 1988 avait découché
sur les émeutes d'Octobre, et la fin du parti unique. Celui de 1997 avait
précédé les grands massacres de cette année, avant le limogeage de Mohamed
Betchine et la démission du président Liamine Zeroual.
L'été 2009 se présente cependant de manière
différente. Malgré un remaniement du gouvernement attendu pour l'après-Ramadan,
on ne parle guère de changement d'homme, ni de luttes de clans, encore moins de
changement politique majeur. Tout bouleversement semble exclu. Le président
Abdelaziz Bouteflika, fraichement reconduit pour un troisième mandat, s'est
installé dans la durée. Aucune force ne semble pouvoir le menacer, si ce n'est
la force d'inertie du système. L'été 1988 avait été marqué par une grave crise
économique et sociale, alors que le pays était, curieusement, engagé dans un
vrai débat politique, malgré le système du parti unique. L'été 1997 avait, de
son côté, été marqué par une lutte féroce entre clans du pouvoir, avec en toile
de fond une divergence sur la manière de gérer le terrorisme, après l'accord
obtenu pour une trêve que devait proclamer le groupe armé le mieux structuré,
l'AIS.
L'été 2009, quant à lui, est marqué par une
autre particularité : une dégradation institutionnelle et politique qui a
débouché sur une non gouvernance plutôt qu'une mauvaise gouvernance, d'une
part, et l'absence de débat et d'activité politiques. Car, si le pouvoir a
réussi à épuiser l'opposition et à domestiquer les appareils politiques, il n'a
strictement rien fait pour dynamiser ses propres structures. Plus grave encore,
il les a vidées de toute capacité de créativité et d'énergie, laissant sur la
place une administration amorphe et sans génie. Et surtout sans règles.
Car cette administration semble avoir perdu
la principale vertu de toute administration : le respect de la norme et de la
procédure. Sa régression est telle qu'elle n'est même plus capable de cette cohérence
qui affole parfois les personnes et les entreprises, mais assure un
fonctionnement institutionnel a minima.
Cette régression est visible, y compris au
gouvernement, où des décisions sont prises sans les précautions d'usage à ce
niveau de responsabilité. Dans toute institution, on retrouve un «filtre», un
service chargé de vérifier que les décisions prises sont conformes à la loi et
aux grands principes du droit, nous a dit un professeur à la Faculté de droit
d'Alger. Et parmi les grands principes du droit, qu'on apprend dès la première
année à l'université, figure la non rétroactivité des lois. Cela n'a pas
empêché le gouvernement de faire avaliser une loi de finances complémentaires
qui devait contourner ce principe, note-t-il.
«On peut admettre qu'un gouvernement manque
de cohérence politique et économique», commente cet universitaire. «Cela donne,
par exemple, une politique encourageant outrageusement l'investissement
étranger, puis une déclaration de guerre à ce même investissement étranger. Dans
ce cas, le gouvernement est sanctionné par l'urne et par ses partenaires. Mais,
prendre des décisions qui ne respectent pas l'esprit des lois est inadmissible.
C'est la crédibilité de l'ensemble des institutions qui est en jeu », dit-il.
Cette dégradation institutionnelle s'est
confirmée dans l'application du même texte. Plusieurs ministres et hauts
responsables se sont prononcés pour soutenir que la loi aura un effet
rétroactif, puis pour affirmer le contraire. Ce qui donnait l'impression d'une
bataille pour imposer tantôt une lecture de la loi, tantôt une autre lecture.
Cette absence de discipline institutionnelle
révèle la véritable nature de la crise de l'été 2009 : il n'y a plus un pouvoir
centralisateur, en mesure de réguler la vie économique et politique du pays,
mais une dissémination de la sphère de décision entre plusieurs pôles, qui
affirment tous agir au nom du président, alors qu'ils le font au profit de
leurs intérêts ou ceux de leurs groupes. Dans tous les cas de figure, le
président Bouteflika est là pour offrir sa couverture. C'est son rôle principal
: assumer ce que font les autres en son nom. C'est la meilleure garantie de
survie pour lui et pour les autres. Mais ce n'est pas le meilleur choix pour le
pays.
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Posté Le : 13/08/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com