Algérie

Un énorme patrimoine en perte de vocation



Un énorme patrimoine en perte de vocation
L'anecdote s'est déroulée dans une commune du littoral béjaoui durant la dernière saison estivale. Une association locale avait élaboré pour l'occasion un programme d'animation, domicilié au centre culturel de la localité. Un vendredi, les activistes et leur hôte de la soirée, un jeune comédien venu présenter un monologue, furent accueillis à l'entrée de l'établissement aux sons de la zorna et des youyous. Sans aucun avertissement préalable, la salle était occupée par des familles qui célébraient un mariage. Une fête privée. Renseignement pris, il s'agissait des noces d'un ami du maire. Le one man show est dès lors reporté et l'affaire en resta là, car les membres de l'association ne voulaient pas faire de vagues par crainte de représailles.Dans la même municipalité, à la demande d'une association religieuse, l'unique cinéma de la ville a été transformé en salle de prière, car la vieille mosquée du chef-lieu s'était fissurée des suites d'un séisme qui a frappé la région. Il est vrai que la salle de projection n'était pas fonctionnelle depuis des années, mais l'APC n'avait pas le droit de disposer ainsi d'un bien culturel qui appartient à toute la population. On doit souligner une précision, pour éviter tout amalgame, l'APC en question, contrairement aux arrière-pensées que l'on pourrait se faire à tort, est majoritairement contrôlée par un parti qui se revendique de la démocratie et de lamodernité.Les maires, à travers l'ensemble du territoire national, adoptent toujours des postures manifestement populistes. Dans le cas présent, les décisions prises, on doit aussi le préciser, n'obéissent pas à des considérations idéologiques ou politiques. Dans le cas du cinéma, rien que pour se faire bonne presse auprès des fidèles dans la perspective des élections futures, le président de l'APC a cédé à la tentation. Il se peut aussi que son pote, le marié, soit un cas social et la dérogation qui lui fut accordée viserait à gagner la sympathie des démunis et des nécessiteux. Il aurait dû penser à lui offrir -à ses propres frais, bien entendu- les services d'une salle de fête privée. On aurait dit, sans l'ombre d'un doute, qu'il était généreux !Morale: la gestion et l'animation d'un établissement culturel exigent beaucoup de doigté et de compétence que les assemblées élues n'ont pas forcément. À travers tout le pays, des centaines d'établissements culturels sont quasiment à l'abandon faute de volonté, de moyens ou de savoir-faire. Des artistes, des créateurs, des promoteurs et des animateurs se plaignent constamment du manque d'équipements adaptés à leurs besoins. Il convient de reconnaître que les infrastructures existent partout. Seulement, la qualité et les moyens disponibles ne répondent pas souvent aux normes et la gestion de ces espaces est franchement approximative. Chaque municipalité dispose généralement d'un centre culturel, d'une bibliothèque et parfois d'une salle de cinéma ou d'une maison de jeunes. Mais ces établissements, qu'ils soient sous la tutelle des APC ou celle d'une autre autorité, restent manifestement sous-exploités faute d'initiatives et de programmation régulière qui les valoriseraient.On doit absolument revoir l'exploitation de tout ce patrimoine de fond en comble. Il y a tellement de choses à faire dans ce registre pour remettre ces établissements à niveau et relancer leurs activités. L'intérêt au sein des populations est réel et la demande existe parmi les associations et les producteurs. Il appartient à ceux qui en ont la charge administrative (APC, wilaya, ministères) d'être à l'écoute et de remplir correctement leur mission. À défaut, ils seront accusés, et à juste raison, de verrouillage délibéré des espaces culturels.K. A.




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