Algérie

un documentaire sur les marginaux de Marseille, mais pas seulement La Ballade de Quidam et Lambda



un documentaire sur les marginaux de Marseille, mais pas seulement                                    La Ballade de Quidam et Lambda
C'est la même terre, mais ce n'est pas le même monde». Sortant de la bouche d'un homme d'apparence marginal, cette réplique puisée du documentaire La ballade de Quidam et Lambda, de Chloé Scialom, résume bien, en première lecture, la situation des gens filmés en situation réelle dans les rues et places de Marseille.
Cependant, en la restituant à son propre contexte, une autre dimension nous est donnée à méditer. Le film, coréalisé avec Nicolas Le Bras, a été projeté, lundi, à la cinémathèque (salle répertoire d'Oran), dans le cadre des Journées du cinéma français et a suscité une discussion intéressante autour de ces «naufragés», que la réalisatrice, présente au débat, nomme par défaut, «SDF et autres». Le regard de cette anthropologue de formation n'est pas neutre, et ce ne sont ni les parcours individuels de chacun (malgré quelques intrusions d'éléments biographiques) ni l'analyse des conditions politiques ou socio-économiques qui ont été à l'origine de cette situation qui l'avaient intéressée. Elle avait juste imaginé deux personnages, «Quidam» et «Lambda» qui, du jour au lendemain, ont été transposés de leur pays d'origine vers ces lieux et a demandé à chacun d'eux de s'exprimer sur une suite probable de l'histoire.
Sans doute une manière pour elle de pénétrer en profondeur l'imaginaire effectif de ces déclassés, souvent invisibles, mais qui ont des choses intéressantes à raconter. Il s'agit peut-être aussi de créer en même temps un lien commun sur la base d'une sorte de légende, en résonance avec la vie de groupe qui les caractérise. Leurs récits, dans lesquels ils ne manquent pas de s'impliquer, paraissent comme autant de «variantes d'un même mythe». En exagérant l'usage des gros plans, les réalisateurs nous font plonger presque exclusivement dans cet univers, abstraction faite du reste de la ville et de ses habitants.
Toute proportion gardée, le structuralisme de Claude Lévi Straus n'est pas très loin. Le fait est d'autant plus marquant quand on sait que pour expliquer le changement de pays, le «personnage» fait référence à la série télé Stargate SG1 et, sans la nommer, la «porte des étoiles», un dispositif qui permet de passer instantanément d'un monde à l'autre, l'autre étant évidemment étrange et parsemé de dangers divers. Ici, le passage d'un monde à l'autre n'est pas seulement géographique. Il est aussi temporel. Chacun d'eux a une part de «paradis perdu» enfouie dans ses souvenirs, du moins un avant qui s'oppose au présent et qui prouve qu'ils ne sont pas mentalement malades.
Séries télé, tubes disco des années 1970, chansons d'amour nostalgiques occidentales ou orientales sont autant d'éléments qui traduisent un ancrage social, rompu certes, mais qu'ils tentent de reconstituer entre eux. Les récits ne manquent évidemment pas de soulever les côtés sombres, tels les viols dont a été victime une femme du groupe, les chagrins d'amour, les trahisons, etc. Pour tout cela, mis à part les canettes de bière fortement alcoolisée brandies comme des trophées, rien ne distingue ces gens pris dans leur univers du reste de l'humanité qui grouille dans la ville. Ils paraissent avoir juste plus de temps à consacrer les uns aux autres.
Là aussi, la frontière n'est sans doute qu'imaginaire, car nous sommes bien dans le même monde et il suffit d'un petit effort pour la franchir, ce que les réalisateurs ont fait en consacrant près de deux ans à cette communauté d'origines diverses, mais majoritairement maghrébine. Ce film, sorti l'an dernier, a été très peu projeté, selon Chloé Scialom, très intéressée par les réactions qu'il suscite, notamment ici en Algérie.


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