Algérie

Un coup d'Etat en cas de victoire d'Ennahda en Tunisie: Les fabulations d'un ex-ministre tunisien



Un coup d'Etat militaire est en préparation en Tunisie en cas de victoire des islamistes d'Ennahdha aux élections du 24 juillet prochain.

La récente visite de Beji Caïd Essebssi en Algérie avait pour but de «se coordonner» dans une telle éventualité. Ce sont les éléments de la «bombe» lancée par l'ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement tunisien de transition, Farhat Rajhi, qui suscite les polémiques en Tunisie. Le pouvoir algérien, qui a eu recours à l'annulation des élections législatives en janvier 92 après un premier tour tenu le 26 décembre 1991, remporté par les islamistes du FIS, se retrouve mis en cause par les propos de l'ancien ministre tunisien. «Le dernier voyage du Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi à Alger (le 15 mars) a consisté à se coordonner sur ce point», a-t-il affirmé, impliquant ainsi Alger dans le projet de coup d'Etat présumé. Le parallèle avec la situation algérienne de 1991 est très clair : victoire électorale islamiste, arrêt du processus électoral…

 «Si le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) gagne les prochaines élections, le régime sera militaire (...)». Le message vidéo de Rajhi, posté sur Facebook, est tombé alors que certaines informations évoquent des sondages non publiés qui créditent le mouvement Ennahda de 40% des intentions de vote des Tunisiens. L'Algérie, présentée dans certains cercles comme étant «hostile» à la démocratisation en cours de la Tunisie, se retrouve ainsi accusée dans les préparatifs d'un présumé coup d'Etat anti-Ennahda. L'ancien ministre de l'Intérieur, qui est manifestement hostile à une telle perspective, a également mis en avant une motivation régionaliste chez les présumés concepteurs du coup d'Etat. «Depuis l'indépendance, la vie politique est dominée par les gens du Sahel tunisien», comme les anciens présidents tunisiens Habib Bourguiba et Ben Ali; et «après le changement de situation - la chute de Ben Ali le 14 janvier -, ces gens ne sont pas prêts à céder le pouvoir». «Si les résultats des prochaines élections vont contre leurs intérêts, il y aura un coup d'Etat militaire», a-t-il ajouté.

Rétractation

Selon lui, «la nomination du général Rachid Ammar au poste de chef d'état-major interarmes n'est qu'une préparation à ce coup d'Etat». Il a mis en avant Kamel Eltaïef, un proche de Ben Ali, entré en disgrâce, comme exerçant un pouvoir occulte au sein du pouvoir et qui serait ainsi au cÅ“ur du clan de Sahéliens.

 Les propos de l'ancien ministre suscitent une grande polémique. Jeudi, il a maintenu ses déclarations en affirmant, sur les ondes de la radio tunisienne Express FM, «avoir parlé spontanément et clairement» et ne «rien regretter». En début de soirée, jeudi, sur Hannibal TV, Farhat Rajhi était loin d'être aussi catégorique. Il a affirmé qu'il avait été piégé par les journalistes et qu'il s'agissait d'une discussion ouverte qui n'était pas destinée à la diffusion. Il s'agit, a-t-il dit, d'un simple avis personnel dans lequel il évoque des hypothèses. Il affirme qu'il n'a que respect et considération pour les forces de sécurité intérieure et pour l'armée nationale, dont il salue l'esprit républicain et la loyauté. « Pour avoir côtoyé M. Rachid Ammar tout au long de la période que j'ai passée au ministère de l'Intérieur et durant laquelle tous deux avions été exposés à l'assassinat, je sais quelles nobles valeurs l'animent, ainsi que l'ensemble de l'armée. Aussi, je peux témoigner de l'engagement et des sacrifices des forces de sécurité et de l'armée ». La rétractation totale de Rajhi suscite, dans une Tunisie où la parole est libérée, le soupçon qu'elle a été faite sous pression. L'ancien ministre avait pris les devants en affirmant que «personne parmi les officiels ne m'a contacté et je n'ai subi aucune pression», tout en disant avoir en «haute estime le gouvernement et les institutions de la République. Et je ne fais prévaloir que l'intérêt du pays, encore plus en ce moment précis, tant nous voulons tous réussir la transition démocratique », a-t-il conclu.

 Le chargé de la communication du gouvernement tunisien, Moez Sinaoui, qui avait dénoncé «la propagation de fausses informations, ce qui suscite le doute, porte atteinte à l'ordre public et manipule les sentiments des citoyens», lui a demandé de présenter clairement ses «excuses» aux Sahéliens, au Premier ministre, aux pays frères et à tous ceux qui ont été accusés par lui.

Ennahda calme le jeu, les services américains accusés

Ennahda, directement concernée par l'éventuel coup d'Etat, a choisi de ne pas mettre de l'huile sur le feu et a réaffirmé sa confiance en l'armée. Abdelwahab Hani, le chef d'un parti (Al-Majd) a défendu l'ancien ministre et a affirmé que la transition démocratique tunisienne est l'objet de manipulation par les services américains. Il cite à ce propos l'International Foundation for Electoral System (IFES), créée par George Bush père, pour «manipuler les élections dans les pays en transition» et qui va mener la Tunisie «au bord du précipice, comme elle l'a déjà fait en Géorgie et ailleurs». Sur l'avenue Bourguiba, une manifestation de soutien à Rajhi a été dispersée brutalement par la police. L'affaire traduit en tout cas clairement les appréhensions en Tunisie à l'approche des élections prévues le 24 juillet, qui donneront une indication, très attendue, du poids des islamistes tunisiens dans l'échiquier politique. L'idée d'une «participation» ou d'une «consultation» d'Alger sur l'hypothèse d'un coup d'Etat anti-islamiste, avancée implicitement par l'ancien ministre, paraît moins sérieuse que sa lecture «régionaliste» et les réalités économiques et sociales qu'elle recouvre.




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