L'enfant d'El-Bayadh déborde d'humilité. Pourtant, il est physicien de dimension internationale et le premier regret qui percute l'esprit en apprenant qu'il vient d'être hautement honoré par la France est de se demander combien sont-ils ces cerveaux algériens qui sont dispersés à travers le monde et qui vont ailleurs loin de leur pays pour renouer avec la plénitude de leur savoir et de leurs compétences. Abderrahmane Tadjeddine est une pièce maîtresse du CNRS français. Dans la discrétion coutumière aux grands chercheurs, il en est un des patrons. Ecoutons-le.Abderrahmane Tadjeddine, vous venez d'être décoré de la Légion d'honneur, la plus haute distinction française, mais qui êtes-vous'Je suis Algérien, originaire d'El-Bayadh où j'ai fait mes études primaires et parallèlement j'ai appris l'arabe et le Coran sous la direction de mon père qui était imam. J'ai intégré l'Ecole normale d'Oran avec l'ambition d'être instituteur. L'Ecole normale de garçons ayant été incendiée par l'OAS pendant la guerre d'Algérie, ma promotion a été admise à l'Ecole normale de jeunes, à l'issue du concours dont j'ai été le major. La conseillère culturelle à l'ambassade d'Algérie à Paris m'a fait attribuer une bourse d'études supérieures pour le lycée Lakanal d'abord, puis pour l'Ecole normale supérieure de Cachan où j'ai entrepris des études de physique. J'ai été recruté au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 1969. J'y ai soutenu une thèse sur «la caractérisation optique des interfaces électrochimiques».Quelle a été votre carrière universitaire'Après avoir soutenu ma thèse, j'ai gravi normalement les échelons d'une carrière scientifique de stagiaire à directeur de recherche de classe exceptionnelle, en évoluant dans ma carrière jusqu'à diriger un des plus grands laboratoires nationaux du CNRS en physique, jusqu'à mon départ en retraite en 2009 et mon admission comme chercheur émérite. J'ai aussi assuré la fonction de directeur scientifique adjoint à la direction générale du CNRS, en charge des grandes installations de recherche pour la chimie et les sciences du vivant. Cependant, soucieux de tous les étudiants algériens qui n'avaient pas eu ma chance et désireux de participer à leur formation, j'ai participé bénévolement, de 1978 à 1993, à la post-graduation de physique du solide de l'Université d'Oran Es-Sénia, en assurant des cours et séminaires et les accompagnant dans leur formation à la recherche, soit dans mon propre laboratoire, soit dans d'autres laboratoires français. Par ailleurs, outre les conseils que me demandent les rectorats d'Oran et d'Alger, nous sommes un petit nombre de chercheurs scientifiques arabes qui travaillons pour créer, en Jordanie, un centre scientifique de haut niveau pour assurer le rayonnement de la recherche dans les pays arabes. Outre ma participation à différentes opérations de recherche, j'ai contribué à la conception et à la construction en Jordanie d'un laboratoire d'excellence ouvert aux chercheurs des pays environnants. Mais la distinction que me remet aujourd'hui M. Alain Fuchs, Président du CNRS, est surtout la reconnaissance d'un travail scientifique internationalement reconnu et du redéploiement réussi des 350 chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs quand il a fallu arrêter les accélérateurs et fermer le laboratoire.Après un tel parcours, aujourd'hui, que ressentez-vous'Mes remerciements et ma reconnaissance vont, bien naturellement, à tous ceux qui m'ont permis d'être ce que je suis aujourd'hui. Mais une mention particulière revient à ma première directrice d'Ecole normale: dès les premiers mois de l'indépendance chèrement acquise, avoir rencontré une Algérienne, femme, jeune, intelligente, a été pour moi une révélation. C'est en cela que je suis devenu différent de ce que j'étais. Je vis encore cette richesse qui me vient d'une ouverture à l'autre sans aucune exclusive et je souhaite à notre jeunesse un avenir encore plus glorieux que le mien.
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Posté Le : 05/02/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Betoule Fekkar Lambiotte
Source : www.lequotidien-oran.com