Algérie

Un certain regard : le Joli Mai 1962 de Chris Marker Culture : les autres articles



Un certain regard : le Joli Mai 1962 de Chris Marker                                    Culture : les autres articles
Lourde coïncidence : les commémorations et les évocations liées au cinquantième anniversaire du recouvrement de l'indépendance de notre pays ont quelque peu occulté les disparitions successives d'hommes et de femmes qui ont apporté beaucoup de notoriété à notre cause.
Après Jacques Panijel, auteur du célèbre Octobre à Paris, Yann le Masson co-auteur avec Olga Poliakoff et René Vautier du fameux J'ai huit ans (sur lequel continue à planer l'esprit de Franz Fanon), après le départ récent du journaliste historien Yves Courrière, voilà que Chris Marker nous quitte à son tour.Documentariste de génie, cinéaste engagé aux côtés de toutes les causes justes, Chris Marker a marqué l'art cinématographique grâce à l'intrusion du photo-roman dans la narration filmique. A cet égard, La Jetée, réalisé l'année de notre indépendance, restera un modèle du film de science-fiction délibérément humaniste. Quelques mois avant d'achever La jetée, Chris Marker fêtait à sa manière notre indépendance en nous offrant le magnifique Le Joli Mai, coréalisé avec Pierre Lhomme, appuyé par un commentaire d'Yves Montand et une musique de Michel Legrand.
Battant les pavés de Paris, Marker interroge les passants sur la guerre qui venait de s'achever en Algérie. Il ironise sur les esquives de ceux et celles qui refusent d'en parler et rappelle le souvenir sanglant de la répression subie par les manifestants pacifistes du métro Charonne. Ce film de plus deux heures et demi, achevé il y a 50 ans, a parfaitement annoncé le lourd silence qui allait s'abattre sur le crime colonial. Jusqu'à ce cinquantenaire, qui a vu les langues se délier comme pour dire à Chris Marker : «A présent, tu peux mourir en paix, nous avons repris la parole oubliée.» J'aimerais également rappeler que Le Joli Mai et La Jetée ont tous deux été produits par un autre grand ami de l'Algérie, Anatole Dauman, le patron de Argos Films et grand timonier de la nouvelle vague française engagée.
La jetée est l'illustration parfaite de la notion de temps dans le récit cinématographique, tous genres confondus. Il y a quelques mois, Chris Marker rendait hommage à Yann Le Masson dans un article Un cinéaste breton s'en est allé. Il évoquait cette obsession du temps filmique qu'ils avaient en commun : «Une des clefs de ce bouleversement, cette chose qui manque le plus à la plupart d'entre nous, particulièrement aux cinéastes : le temps... On s'habitue à cette caméra que Yann porte à l''il comme un myope chausse ses lunettes pour mieux vous regarder.» Le temps s'en est allé, et Chris a rejoint Yann, mais tous deux sont devenus immortels. Leurs noms resteront à jamais liés à l'histoire de la résistance algérienne en France.
Comme mon ami Amine Zaoui évoquant la mémoire des écrivains français engagés aux côtés de l'Algérie en lutte, je voudrais saluer la mémoire de ces cinéastes qui ont préféré «le dur désir de dire» au confort d'un cinéma pantouflard.


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