Algérie

Un candidat voué à l'échafaud



Un candidat voué à l'échafaud
C'est dire combien l'émotion l'emporte sur la raison, comme à l'accoutumée, dès qu'il s'agit du passé colonial que la génération française concernée par la guerre d'Algérie a tant de mal à assumer.«La colonisation fait partie de l'histoire française. C'est un crime, c'est un crime contre l'humanité, c'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes», avait déclaré le candidat Emmanuel Macron en achevant sa visite en Algérie. Aussitôt, une levée de boucliers et une pluie d'invectives ont «salué» en France cette déclaration courageuse d'un homme politique qui a la volonté du parler vrai. Après les actions et les réactions des milieux de la droite et de l'extrême droite qui sont allés jusqu'à tenter de saborder son dernier meeting à Toulon, Macron persiste et signe. Je ne «céderai pas, je ne ferai pas de la repentance», a-t-il dit, tout en «s'excusant d'avoir blessé involontairement» ceux qui ont encore dans leur chair cette page d'histoire commune aux deux pays. Il faut dire que les hommes politiques, chez les Républicains comme au Front national, n'ont pas fait dans la dentelle, un certain Gérard Darmanin clamant «honte à Emmanuel Macron qui insulte la France à l'étranger» quand Jean-Pierre Raffarin, Monsieur Algérie dans le gouvernement Sarkozy, juge que «ce n'est pas digne d'un chef d'Etat d'aller agiter des cicatrices qui sont encore très douloureuses». Allons, allons, M.Raffarin, du calme! Que diable! Les cicatrices sont apparemment très douloureuses, fiévreuses même, puisqu'elles vous portent à croire que Macron s'est exprimé en tant que chef d'Etat, sur la colonisation. C'est dire combien l'émotion l'emporte sur la raison, comme à l'accoutumée, dès qu'il s'agit du passé colonial que la génération française concernée par la guerre d'Algérie a tant de mal à assumer. Sarkozy avait cru renverser la vapeur et clamer sa fierté de citoyen d'une puissance colonisatrice dont la vertu fut exemplaire en termes de charité civilisatrice et d'émancipation. Il a tant fait que bon nombre des sympathisants de droite ont rejoint allègrement le Front national dans le déni des crimes de cette colonisation. Et pourtant, il suffit de relire les écrits du général Bugeaud qui mena, à la suite du général Lamoricière, «une campagne de razzias systématique, ponctuée par des destructions de récoltes, des villages pillés et brûlés, des massacres de population (notamment les «enfumades» des villageois réfugiés dans des grottes), pour savoir que la «pacification» de l'Algérie, «après une dernière campagne de régression visant à obtenir un effet de terreur destiné à dompter définitivement les indigènes, mais aussi à procurer terres et argent à la colonisation» ne se distingue en rien du génocide appliqué aux Indiens d'Amérique du Nord. Le général de Bourmont osa même s'en vanter dans ses Mémoires, et beaucoup d'autres ont laissé des confessions limpides que seuls des imbéciles peuvent ne pas avoir comprises, s'ils les ont lues. Quand on s'invite chez vous, avec la brutalité d'un monstre enivré par sa force et son impunité, qu'on brûle vos biens, viole vos femmes, tue vos frères et soeurs qui tentent de résister et qu'en gage de sa forfaiture, on vous laisse un charnier pour la mise en garde contre l'oubli, est-ce là une mission civilisatrice ou plutôt n'est-ce pas là tout l'attribut du crime contre l'humanité' Et ce n'est pas une question, n'en déplaise à Aussaresses qui, lui au moins, a eu le courage de reconnaître ses crimes en se drapant dans l'emblème du militaire qui doit obéir aux ordres pour «excuser» son meurtre, sur ordre du gouvernement français de l'époque, contre Larbi Ben M'hidi. Avec Emmanuel Macron, revoilà donc la question, cruelle à supporter pour une certaine «France» qui n'a rien à voir avec les idéaux de 1789, derechef sur l'échafaud. Crime contre l'humanité ou pas' Il n'y a qu'en France qu'on veut bien en douter, et la volonté politique de torpiller un candidat jeune et audacieux (il est vrai qu' «...aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années») parce qu'il ose planter un canif dans des certitudes hypocrites ne suffit pas à expliquer le fiel déversé, dans les fiefs traditionnels de la droite et de l'extrême droite. Il est vrai qu'à leur sens, la Shoah et le génocide arménien, parce qu'il «enfonce» la Turquie, sont les seuls «crimes contre l'humanité»...En 1962, au moment de l'indépendance reconquise, les pieds-noirs ont massivement répondu à l'ultimatum de l'OAS qui croyait laisser une Algérie exsangue, avec ses 98% d'analphabètes et son agriculture de subsistance. Aujourd'hui n'est-il pas temps de regarder la vérité en face, même si elle peut un moment se révéler aveuglante' Les Algériens ont été nombreux à traverser la Méditerranée, une fois la guerre achevée, et à s' investir courageusement en France, sans l'ombre d'une quelconque rancune. Pour beaucoup de Français, la réciproque semble, aujourd'hui encore, si difficile à entreprendre. «Arrogant comme un français en Afrique» dit une mauvaise propagande. Le syndrome colonial est-il à ce point ancré dans l'âme hexagonale et la morgue de Tintin aussi largement congolaise' Heureusement, non, si l'on en juge par les récents sondages Ifop et Ipsos qui ouvrent des portes à l'espoir et donnent justement raison à Emmanuel Macron...


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