Algérie

Un café bien serré



D'où vient l'expression « Koléa est tombée » ' Impossible de m'en souvenir. En tout cas, cette petite ville si charmante du Sahel d'Alger n'est pas sur le point de le faire et, mêmes rares, les nouvelles de sa vie parviennent jusqu'à la capitale. Il paraît qu'un café littéraire y a ouvert ses portes. Il ne s'agit pas d'une de ces doctes réunions que l'on nomme ainsi, qui se tiennent généralement dans des lieux qui ne sont pas des cafés et où l'on ne sert pas ce breuvage qui met de l'huile aux neurones rouillés. D'ailleurs, ces rencontres, avec littérature mais sans café, devraient être poursuivies au titre du Code du commerce pour « tromperie sur la marchandise ». Non, Koléa propose un véritable café, avec des journaux et de la littérature, et cela, tous les jours que Dieu fait. Avec le temps, on devrait y entendre de belles commandes : un café bien serré et un Mohammed Dib ! Un crème avec un bon Chester Himes ! Un expresso avec un Italo Calvino ! Le rêve d'un valeureux cafetier qui a vu le jour dans la ville du regretté Hamid Kechad.C'est ce même rêve que poursuit vaillamment la jeune association Fendjen Thaqafa (Une tasse de culture) en organisant des discussions et concerts à travers les cafés et salons de thé d'Alger. Elle a inauguré son premier acte, il y a quelques semaines, avec Mehdi Tamache et son orchestre, musique et causerie sur le chaâbi au programme. L'endroit était bien choisi, le mythique Tantonville, institution reconnue, attenante au TNA, et où, jadis, chanta la non moins mythique Edith Piaf. Depuis, d'autres rendez-vous ont suivi, nous persuadant davantage qu'il ne peut y avoir de culture sans café, à la rigueur de thé (mais ne relançons pas le vieux procès qui opposa ces deux breuvages dans la célèbre chanson.Les cafés sont les indicateurs de convivialité d'une ville, des lieux où l'on sert, non pas seulement des boissons, mais du temps, de la discussion et des rencontres. Plates-formes de détente, on peut aussi les qualifier de parlements du quotidien, de salles d'archives des anecdotes, de relais des rumeurs, d'instituts débridés de l'opinion' Et, il leur est arrivé plus d'une fois, d'entrer dans l'histoire. A ce propos, y aurait-il dans la salle un historien qui prendrait la peine et la gloire d'étudier, par exemple, le rôle qu'ils ont joué dans le mouvement nationaliste algérien ' Il y a ainsi de la culture vivante dans les cafés et on est bien en peine de voir péricliter ceux qui furent l'âme de villes et villages entiers, emportés par le délabrement urbain, la morosité ambiante, les héritages conflictuels ou le laisser-aller des administrations.Même Djelfa, me dit-on, où l'on trouvait des cafés traditionnels authentiques, nattes au sol, grains torréfiés sur place et plusieurs sortes de cafés (frara, au chih, au poivre même), a perdu ce patrimoine. Quant aux cafés où l'on pratiquait encore el djezwa (à la braise), en existe-t-il encore un de vivant dans le pays ' Si vous avez des adresses, n'hésitez pas à nous les envoyer' En attendant, avec ou sans livre, que ce brave compagnon liquide ' noir à force d'absorber les mauvaises humeurs ' vous accompagne en ces derniers soubresauts de l'hiver ! A menaâche !


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