Algérie

UN BUZZ DOUTEUX…



La Coupe d'Europe des nations dans sa version ukraino-polonaise de 2012 tient l'essentiel de ses promesses en termes de spectacle et de football. Les demi-finales qui se joueront demain regroupent les meilleures équipes du continent. Celles qui comptent le plus grand nombre de joueurs talentueux et sont dirigées par des sélectionneurs compétents. Les matches que le public algérien a pu voir ont pour l'essentiel tenu leurs promesses.
La hiérarchie du football, sur laquelle règne une Espagne toujours étincelante, est respectée. Elle est seulement bousculée par le retour de l'équipe italienne dont, scandales para-sportifs obligent, tous les observateurs prévoyaient une élimination plus ou moins rapide. Jusqu'à présent, la seule vraie surprise est l'élimination en phase de poules de l'équipe hollandaise, finaliste de la dernière Coupe du monde en Afrique du Sud. Mais la formation des Pays-Bas, davantage un conglomérat d'ego plus qu'une équipe, a été sortie sans gloire mais sans scandale. Ce qui n'est apparemment pas le cas de l'équipe de France dont la défaite, prévisible, face à la magistrale Roja d'Iniesta a logiquement scellé le sort.
Les Bleus s'étaient qualifiés sans gloire pour les quarts de finale, objectif proclamé par le sélectionneur français, en perdant sèchement leur dernier match contre la Suède. Mais peu de commentateurs s'attellent à analyser les causes de ce demi-échec d'une équipe au jeu terne, sans âme ni organisation. On préfère, y compris dans les journaux «sérieux», se focaliser sur les joueurs qui ne chantent pas l'hymne national (suivez mon regard…) suspects de trahison ou sur les injures proférées par Samir Nasri à un journaliste parfaitement impoli… Samir Nasri dont on se plaît à souligner l'origine étrangère, algérienne en l'occurrence, et sociale, les banlieues françaises, bien sûr. Un nombre incalculable d'articles dénoncent sur tous les tons les incontinences verbales de ce malheureux footballeur, déclenchant un déluge de commentaires ouvertement racistes.
On peut s'étonner d'ailleurs que les débordements d'un jeune sportif sont l'occasion d'un psychodrame national infiniment plus houleux que celui provoqué par le notoire «casse-toi pauvre c..» pourtant proféré publiquement par un chef d'Etat en fonction. Ce qui est encore plus insolite est que bien souvent les condamnations les plus sévères sont le fait de «consultants» médiatiques dont le parcours est jalonné de scandales en tous genres. On se souvient des péripéties comiques d'un ancien entraîneur de l'équipe de France qui a incarné une forme achevée de ridicule et qui se transforme aujourd'hui en censeur implacable. Ou d'un homme d'affaires au casier judiciaire éloquent et au langage de charretier qui donne des leçons de morale télévisées. Il ne s'agit pas d'imposture mais d'audimat.
Les médias, comme l'opinion qu'ils prétendent façonner, ont la mémoire courte. Ils récupèrent aujourd'hui sans états d'âme ce qu'ils ont implacablement brûlé hier. L'aigreur raciste qui perce sous le propos de présentateurs de télévision obsolètes ou de chroniqueurs-militants de causes perdues ne doit pas tromper. Le scandale fait vendre et le football est un énorme marché, ceux-là mêmes qui s'enveloppent dans la toge de la vertu indignée seront les premiers à tendre leurs micros ou à mettre leurs plumes au service du bouc émissaire footballistique voué aux gémonies. N'en doutons pas, lui aussi sera hissé, s'il fait vendre, à la douteuse dignité d'expert médiatique circonstanciel.


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