Algérie

Un beau pays, un suffrage et des blocages



Le sens collectif se réveillait : ce n'est plus, çà et là, un homme qui monologuait, mais un peuple qui parlait. De Malek Bennabi. «Les conditions de la renaissance», oeuvre parue en 1949. Voici plus de deux mois que les élections locales ont eu lieu. Depuis, beaucoup de mairies - là aussi les chiffrent varient de 20 à plus 100 - sont bloquées à cause des tiraillements partisans, alors que «de bons» maires attendent d'être installés afin de débloquer les affaires des citoyens. Ces derniers se sont habitués à ce genre d'obstructions provoquées par les conflits d'intérêts, entre des personnes sans foi ni loi, désaxant tout ce mode de gouvernance locale. Ce qui est gravissime c'est que, depuis un certain temps, des citoyens outrés, notamment ruraux, cadenassent carrément les portes des APC, bloquent les routes et entretiennent de moins en moins leur environnement et sont devenus de plus en plus enclins aux incivilités en tous genres. Un tableau bel et bien réel. Lors de ces dernières joutes électorales locales, 55% des électeurs se sont abstenus de voter. Les partis dits coalisés, ayant le plus grand nombre de ces assemblées-70% estiment-ils pour charmer-ont reconnu ces heurts ci-dessus décrits et envisagent, après tout ce temps qu'ils ont passé ensemble, de «décentraliser» leur soi-disant entente afin de démêler ces écheveaux pour relancer, pensent-ils, le développement des agglomérations de plus en plus étendues et terroirs de moins en moins occupés, ainsi que de préparer le rendez-vous des élections présidentielles, insistent-ils, bien évidemment. Les élections législatives, effectuées avant celles des locales, ont enregistré près de 70% d'abstention ! Un suffrage inédit. En outre, il paraît que des walis ne reçoivent pas les députés, se sentant ainsi diminués vis-à-vis de leurs électeurs et ont mis au courant leur président qui se trouve, également, préoccupé par le fameux amendement de la Constitution, programmé avant ceux des codes communaux et de wilaya qui traînent depuis des années. Ces derniers, pourront-ils constituer le remède idéal aux écartèlements des états d'esprit partisans et différences d'approches des uns et des autres ? Peut-être, car le renouveau dans tous les domaines démarre de ces alvéoles. Obligatoirement. A l'image d'une ruche d'abeilles avec peu de faux bourdons. Le président du Sénat annonce que personne n'avait la primeur de l'idée de l'amendement constitutionnel, ajoutant que c'est l'opinion exprimée depuis belle lurette par tout le «monde». En un mot, c'est comme si ces institutions élues et autres appendices liés se trouvent à la veille d'une ouaâda-maraboutique-où chacun engage sa propre danse «derwichienne» pour que les gens tombent dans la Hadhra : l'incantation ! Entre-temps, des organismes mondiaux, régionaux et surtout les partenaires étrangers observent froidement ces gesticulations, avec un certain recul, pour mieux se repositionner parce qu'ils sont rationnels et mieux inspirés, parce qu'ils ont d'autres voies impénétrables qu'ils balisent à l'once près et ne croient pas au «barakisme» de quiconque. Par contre, ils y croient à... Sidi Hassi Messaoud et à son «spirite», pieds et poings liés et «henné» sur la porte d'entrée du grand Sidi... Hydrocarbure. Uniquement. Heureusement que des gens intelligents, connaisseurs des enjeux et perspectives mondiales en la matière, se dessinant au milieu des années 2000, ont encouragé la remise en cause - tout en débloquant le prix qu'il fallait - les facilités offertes aux multinationales pétrolières, par une loi bien singulière. Aujourd'hui, la Sonatrach semble maîtriser les faisceaux partenariaux régionaux et internationaux liés. Pour le moment ! En ce qui concerne les autres richesses nationales, elles sont - rente pétrolière se «substituant» en terme d'argent frais rapidement convertissable - sous-estimées, insuffisamment exploitées malgré leur valeur reconnue. Les intelligences humaines constituent l'une de ces potentialités et fortunes durables. Tout un chapitre d'actualité... L'agriculture, en principe fleuron durable du pays, malgré sa participation positive - troisième rang après l'industrie, les services... - au PNB 10% environ de celui national, paraît-il, reste encore bloquée en termes de sous-équipements et programmes de développement inadéquats car non enrichis en imaginations fertiles. Cet état de fait, aggrave notre dépendance alimentaire au vu des importations croissantes, inquiétantes, en aliments de base, estimées à plus de 5 milliards de dollars au cours de 2007. Et ce n'est pas dû, seulement, à la hausse de leur prix dans les marchés mondiaux. Ce serait vraiment bloquant de raisonner ainsi, car ces fluctuations ne datent pas d'hier. En revanche, nos insuffisances de gouvernance en la matière se dévoilant d'elles-mêmes, manifestement, après une période d'euphorie éphémère liée à des statistiques «mirages», enfonceraient à terme cette dépendance à un point de non-retour, d'autant plus que la rente pétrolière ne suffira plus, dans le long terme, à satisfaire tous les désirs des uns et des autres et les besoins essentiels du «négatif» peuple, que nous sommes semble-t-il, ainsi jugé par quelques-uns de nos gouvernants imbus d'eux-mêmes (1). Les lourdes et moyennes industries sont déversées en vrac aux redoutables tamis des groupes multinationaux, ne sélectionnant que celles à forte valeur ajoutée avérée, rapidement engrangée, transférable et sécurisée localement et régionalement.         Les autres n'entrant pas dans ce calibrage peuvent attendre. D'après certaines informations, rapportées par la presse, plus de 20.000 petites entreprises et commerces, en tous genres et tailles confondues, ont mis les clefs sous le boisseau durant l'année 2007. Un blocage d'un autre ordre. Celui de la non-compétitivité et de l'inefficacité des mécanismes en place menant rapidement aux impasses. Le partenariat insuffisamment ficelé avec l'Union européenne et le report aux calendes grecques de l'adhésion à l'OMC, en sont les démonstrations édifiantes.Par contre, les pays du Maghreb, notamment le Maroc et la Tunisie, bien que anciennement rodés mentalement à ce type de collaboration, n'ont jamais cessé de produire toujours plus des atouts pertinents confortant ces liens dans divers domaines, notamment des systèmes financiers aérés et flexibles. Comparativement, ils ont mieux réussi que nous dans ce segment, entre autres, éminemment économique lié aux investissements aussi bien d'origines internes que externes. Par conséquent, des efforts gigantesques restent à faire par nos élites gouvernementales, dans ce secteur et sur bien d'autres, tel celui de l'agro-industrie liée à un puissant renouveau rural prônant la productivité agricole, ainsi que dans celui d'un tourisme performant conforté par des structures et prestations attractives, qui sont déjà programmées paraît-il. Ces deux visions, liées à un développement humain dans tous les sens du terme, judicieusement conçu et pertinemment réparti à travers nos belles régions, constitueraient un duo déterminant permettant notre essor, tous azimuts, à moyen et long terme. En attendant, d'ici à 2009/10, si tout va bien, l'autoroute Est - Ouest avec toutes ses bretelles, en rocades et chemins de fer, serait fonctionnelle. Des centaines de milliers de logements seront distribués aux humbles gens, notamment les ruraux, bien que des dizaines de milliers de vacants ne sont pas distribués à ce jour (?). La deuxième mosquée de la planète - l'une des raisons du possible troisième mandat présidentiel à quelques encablures du Maqâm Echahid, accueillera des centaines de milliers de fidèles algérois et d'ailleurs. Et bien d'autres grandioses réalisations dans bon nombre de domaines. Un pays en chantier. Cependant, à celui-ci, il lui manque cruellement une approche réformiste et de déblocage judicieux touchant le régime en place, de la base au sommet surtout (2). Inévitablement. Car, l'Algérie profonde s'inquiète beaucoup plus de sa bonne gouvernance, que du nombre des mandats présidentiels. Au fait, existe-t-il un lien ? Une question d'actualité. Donc, bon nombre des composantes de la société restent attentives sur les enjeux et défis de demain.         Les blocages sociétaux cumulés risquent de se muer en d'autres plus harassants, voire surprenants. En effet, les gens redoutent d'autres débandades. Les stériles duels de chapelles et autres grenouillages, antisocial et antidémocratique se pérennisant, sont susceptibles de dénaturer toutes les réalisations matérielles et immatérielles. Comme d'habitude. Comme en 1962 - et d'après - parachèvement d'une épopée nationale historique inédite, hélas détournée par le harraguisme du pouvoir dont beaucoup d'anciens «harraga» tétanisés, à un moment ou à un autre, dans leur parcours - révolutionnaires de la première heure, ex-présidents de la République, jeunes et vieux ex-ministres, hommes de culture...- l'ont inauguré à leur manière. Chacun avait ses raisons. Pour les uns, que de la rancoeur, de la prétention, de la vanité. Un mal terrible. On n'en guérit que rarement de ce genre d'obsession, car c'est un immense blocage se situant au niveau de l'esprit. Pour d'autres, c'est soit l'honnêteté et le bon sens ou de la lâcheté devant les impasses, qui avaient prévalu. Les harraga d'aujourd'hui ont d'autres raisons de blocage qui leur sont propres. Il serait hasardeux de les comparer avec celles ci-dessus illustrées, ou de porter un jugement hâtif de valeur, à leur encontre, car le phénomène est à ses débuts et n'a pas montré toutes ses dimensions. Notre concluons par un extrait de l'article de M. Abed Charef, consacré à la célébration du 53ième anniversaire du 1er Novembre, paru au Quotidien d'Oran du 1/11/2007. Ce passage est : «... Mais Abdallah insiste : je sais que nous ne reviendrons pas de cette mission. Il veut donc une équipe à lui. Il veut choisir Amar originaire de Azzeffoun, El Biskri un moudjahid originaire de Biskra, dont personne ne connaissait le nom, Houri, le surnom d'un autre moudjahid, originaire de Khenchela, Bouziane de Méchéria et Abderrazak d'Arzew, un déserteur qui avait accompagné Abdallah lorsqu'il avait rejoint l'ALN. Nous ne reviendrons pas et lorsque nous tomberons, vous qui allez survivre peut-être - il parlait à son commandant encerclé avec sa compagnie par les forces coloniales et que Abdallah avait décidé de les stopper pour permette à la katiba de se dégager - dites au monde comment a été dessinée la carte de l'Algérie. Ils seront vingt et un à ne pas revenir». Cela s'est passé dans une des wilayas historiques. Sublime. Il n'y à rien à dire, l'Algérie c'est le plus beau pays du monde ! Beaucoup d'observateurs environnementaux étrangers l'affirment aussi. Notes : 1-Vers la fin des années 1970, très jeune membre de l'exécutif d'une wilaya pastorale, j'avais eu une altercation avec un wali imbu de lui-même, qui disait être déçu des gens de cette région de... nomades. Alors je lui ai rétorqué de but en blanc devant quelques collègues dudit exécutif : «Mais vous en êtes le chef, Monsieur le Wali !». Le percevant vibré, éberlué, j'ajoute de suite : «Les prophètes et célèbres anciens penseurs furent des bergers». Il resta bouche bée, car il avait bien saisi la boutade. La suite ? Une mauvaise notation de sa part, avec ses conséquences. Bof ! 2- Une histoire vraie. Jadis, un imam s'est trouvé coincé au cours d'une prière. Il ne se rappelait plus le nombre de prosternations. Alors resté, un bon bout de temps, dans cette position, il lorgnait désespérément derrière lui pour saisir la réaction des fidèles du premier rang; son regard s'est fixé sur celui de l'un deux désappointé par cette situation que personne n'osait rompre. Par crainte de se tromper ou de gêner ainsi le dit imam qui hésitait - ou peut-être ne savait pas - de raccommoder la prière. C'était comme ça dans les années 1930. Alors, les deux têtes à peine prosternées, yeux dans les yeux, il lui dit d'emblée : «Eh bien, en tant que imam, nous attendions ta décision, alors que c'est toi qui attend la nôtre ?». Puis, le rural rompit la prière, quitta la salle et la refit en plein champ !
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