Algérie

Un avocat intelligent et courageux Juste un mot



Un avocat intelligent et courageux Juste un mot
Maître Vergès est un grand avocat. Il est notre avocat. Par cette affirmation préalable, nous voulons exprimer notre désaccord avec le titre choisi pour le film que lui consacre le cinéaste Barbet-Schröder : L' avocat de la terreur.Dire qu'à la Radio nationale, Chaîne III, il a été présenté comme le défenseur des causes ' perdues.
Nous tenons à le dire d'emblée : maître Vergès était un grand avocat. Il était notre avocat. Par cette affirmation préalable, nous voulons exprimer notre désaccord avec le titre choisi pour le film que lui consacre le cinéaste Barbet-Schröder : L'avocat de la terreur. Pourquoi ce titre ' Il résonne comme une contre-vérité historique. La «terreur» ne se trouve pas là où il la situe. Vergès a été, au contraire, d'abord et surtout l'avocat des humbles et des justes. Sa défense de Barbie relève d'une stratégie visant à dénoncer l'hypocrisie des dominants et à affirmer le droit pour toute personne d'être écoutée. Il s'en explique d'ailleurs lui-même fort intelligemment. A la question d'un journaliste qui lui demandait : «Si vous défendez Barbie le nazi, vous êtes alors capable de défendre Hitler '», il répond très calmement : «Oui, à la condition qu'il plaide coupable.» Quelle réplique ! Lors de la sortie du film au Festival de Cannes, lieu des grandes messes, des foules et des scandales, Vergès a eu encore une fois la réponse idoine à un journaliste qui lui avait posé la question : «Etes-vous d'accord avec ce film '» Avec l'aplomb qu'on lui connaît, l'avocat a répondu : «Oui, car je parle dans ce film et je ne suis coupé à aucun moment.»
Dans ce film documentaire de plus de deux heures, il y a comme on dit banalement «à boire et à manger». Lors de toutes ses apparitions, l'avocat est vrai, courageux et percutant. Nous aimons aussi toute la première partie, une heure environ, parce qu'elle est consacrée à notre guerre de libération. Vergès qui, à l'âge de dix-sept ans, s'était engagé dans la résistance contre les nazis, a continué son combat et a acquis, à juste titre, une grande notoriété durant notre lutte pour l'indépendance. Il reconnaît lui-même, humblement et sincèrement, qu'il a beaucoup appris auprès du peuple algérien en lutte. Vergès faisait partie du collectif des avocats chargés de la défense de nos valeureux combattants et ses brillantes plaidoiries faisaient le tour du monde. Il avait mis en œuvre une idée fondamentale selon laquelle la défense des résistants algériens devait être une défense «de rupture». Il s'agissait pour le résistant de revendiquer devant la justice française sa qualité de combattant, de moudjahid. Il fallait gagner les procès devant l'opinion publique, tout spécialement celle du pays colonisateur, et non devant les magistrats car les juges, les procureurs et la majorité des avocats faisaient partie intégrante du système colonial. Ainsi dans le film, au juge qui l'accuse d'être une terroriste, Djamila Bouhired répond avec calme et détermination : «Je suis une combattante.» Ou encore, lorsqu'il l'accuse d'être membre d'une association de malfaiteurs, elle réplique avec assurance : «Je suis membre d'un groupe de fidayîn.» Cette séquence et d'autres sont à mettre au crédit du réalisateur pour la justesse de leur ton et parce qu'elles parviennent à créer un esprit «Bataille d'Alger». Nous pensons également à la rencontre entre Zohra Drif, en haïk, et l'avocat à l'hôtel Aletti.
Pour la deuxième partie du film, nous sommes plutôt réservés. Le réalisateur se perd, volontairement semble-t-il, dans des épisodes anecdotiques de la vie de l'avocat. Il tente, par exemple, avec une curiosité déplacée, d'élucider la fameuse énigme de la disparition de Vergès. Où était-il ' Que faisait-il durant sa «longue absence» ' Nous nous demandons d'ailleurs pourquoi tant de journalistes et d'écrivains français, qui ont approché Vergès, veulent le réduire à ce petit moment de sa vie ' Nous aimerions aussi savoir pour quelle raison l'auteur du film n'a pas abordé le procès de «Omar le jardinier». Il aurait pu à cette occasion brosser un tableau sans complaisance du racisme en France, racisme qui, malheureusement, redouble de férocité aujourd'hui. Pour finir, nous tenons à préciser qu'en écrivant ce texte, nous n'avions pas la prétention de faire un travail de critique cinématographique. Nous voulions seulement attirer l'attention sur ce film-document avec l'espoir que de nombreux jeunes pourraient le voir un jour.
PS : L'avocat de la terreur est distribué par CIRTA FILM


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