Algérie

Un autre ami des Algériens



Un autre ami des Algériens
Convictions - Les valeurs de la Résistance contre les nazis étaient le moteur principal de son opposition à la Guerre d'Algérie et en ce sens il souhaitait souligner la dette qu'il avait envers son père, qui était Suisse-Allemand et avait travaillé comme garde-barrière.
Lui, c'est Jean-Marie Boeglin. Son père avait de fortes convictions communistes et, durant l'Occupation, était un membre dirigeant du FTP à Châlons-sur-Marne. Comme il expliquait pourquoi à son fils, il insista sur le fait qu'il n'était pas animé d'un sentiment anti-allemand mais qu'il prenait parti dans le combat international contre le nazisme, et cette distinction marqua profondément Boeglin. Après la chute de la France en 1940, Jean-Marie Boeglin fut envoyé dans la zone non occupée, ne retournant à Châlons-sur-Marne qu'en 1942 quand les nazis étendirent l'Occupation au reste de la France : «Il est toujours difficile d'expliquer le sens d'un engagement quand c'est l'évidence. C'était aussi évident pour moi pendant l'Occupation, c'est-à-dire que ça n'a posé aucun problème, qu'au moment de l'engagement contre la Guerre d'Algérie, je crois que ça s'est passé de la même manière... une sorte d'évidence.
C'est-à-dire que de toute cette période de l'Occupation, pour moi, il en ressort deux grands mots : liberté, parce qu'on était occupé, parce qu'il y avait une force d'oppression et de résistance. Et il y a peut-être mon côté d'être toujours contre, je suis un peu anarchiste. J'ai toujours été contre de nombreuses choses, contre la société, contre les injustices.» La Seconde Guerre mondiale fit de Boeglin un pacifiste et un anti -militariste.
Il espérait beaucoup de la Libération et pensait que la France allait être transformée de manière fondamentale. Quand on demanda au FTP de rendre les armes, Boeglin se sentit trompé : il était convaincu qu'il s'agissait d'un geste calculé, destiné à étouffer la révolution populaire. Il s'en souvenait comme d'une expérience difficile qui représentait la fin de ses illusions.
De même, il fut profondément choqué de découvrir les camps de concentration. Plus tard, il découvrit les atrocités perpétrées par l'armée française en Algérie et le parallèle avec les camps de concentration fut immédiat dans son esprit. C'est à travers la guerre d'Indochine que Boeglin prit conscience du problème algérien. Avant 1954, il n'avait pas réellement suivi l'évolution des événements en Algérie : deux incidents en particulier le rendirent plus attentif.
Le premier fut le mouvement des réservistes qu'il couvrait comme journaliste pour l'Union de Reims. À Rouen, en septembre 1955, il fut témoin de la révolte des réservistes, puis à Grenoble durant le printemps 1956, il vit des milliers de personnes essayer d'arrêter un train qui partait pour l'Algérie. Malgré l'ampleur des manifestations, se souvenait Boeglin, il n'en était jamais fait mention dans la presse. Ses articles étaient régulièrement censurés ou réduits au dixième de leur longueur initiale.
C'est à partir de ce moment-là que Boeglin se plaça passionnément et intellectuellement contre la Guerre d'Algérie. Le second événement qui le fit réellement prendre conscience de la situation fut l'enlèvement de Ben Bella en 1956. Parmi les personnes capturées avec Ben Bella se trouvait Mostefa Lacheraf que Boeglin avait rencontré plusieurs fois dans les bureaux de la rédaction des Temps Modernes à Paris. Il savait que Lacheraf était d'un naturel doux, et non le dangereux terroriste dont parlaient les rapports officiels. Boeglin savait que ces rapports étaient falsifiés et refusait d'être manipulé. Il devint, à partir de ce moment, très attentif à ce qui se disait sur l'Algérie dans les médias. Après la guerre, Boeglin tourna le dos à l'Europe, alla vivre en Algérie et y resta jusqu'en 1981. Il croyait à la théorie selon laquelle la révolution allait se répandre de là à tout le continent africain.


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